Pour tenter de proposer une issue à la crise politique que vit le pays, des animateurs syndicaux, associatifs et des défenseurs des droits de l'Homme se concertent. Ils ont tenu, samedi passé, leur deuxième rencontre et s'apprêtent à organiser le 15 juin une conférence nationale de sortie de crise. Mais avant cela, le consensus de façade qui se dégageait de cette "conférence" commence à se fissurer en raison des clivages idéologiques. Dans un communiqué qui a sanctionné la rencontre du samedi 1er juin, les présents réitèrent leur appel à "la tenue d'une période de transition politique" et à "la nécessité d'aller vers un dialogue sage et responsable" avec le préalable du "départ des B" et "la satisfaction des revendications populaires en actionnant les articles 7 et 8 de le Constitution". Le document demande également "l'arrêt des arrestations et des poursuites" opérées contre les "activistes" et "militants" qui participent aux manifestations populaires contre le système. Ils demandent aussi la levée des "contraintes" et des "blocus" imposés aux manifestants de vendredi à travers notamment la fermeture des accès vers la capitale et d'autres grandes villes. Les signataires appellent "toutes les forces vives" à s'associer à cette initiative pour "porter les revendications populaires". Composé des syndicats autonomes de la Fonction publique (réunis notamment au sein du CSA, Collectif des syndicats autonomes), de certaines autres organisations syndicales, d'associations de défense des droits de l'Homme, le Forum social a été créé autour de l'association RAJ (Rassemblement actions jeunesse) et de personnalités indépendantes. Cette union de façade risque cependant d'être emportée par les clivages idéologiques qui existent entre les organisations qui composent ce conglomérat. Ainsi, certains syndicalistes n'excluent pas de se retirer de l'initiative de proposition de sortie de crise. Le refus des participants à la rencontre de samedi d'observer une minute de silence à la mémoire du militant Kamal-Eddine Fekhar est une preuve que "certains utilisent des calculs idéologiques" dans cette démarche, s'insurge un syndicaliste qui a requis l'anonymat. Notre interlocuteur se plaint également de la prédominance islamiste dans le groupe. Pis encore, certains n'hésitent pas à évoquer des "magouilles" et des "pratiques malsaines" de certains activistes qui préfèrent "travailler pour leurs idéologies" que pour "l'intérêt général", dénonce un autre participant, qui n'a pas assisté à la rencontre de samedi. Mais selon des sources concordantes, des syndicalistes et certains acteurs qui ont participé à l'élaboration de cette initiative réfléchissent sérieusement à quitter le projet. D'ailleurs, les membres du bureau de la CSA, qui regroupe l'ensemble des syndicats autonomes de la Fonction publique, se réunissent aujourd'hui pour discuter de la question. Cette rencontre risque non seulement de compromettre la conférence du 15 juin, mais de faire éclater l'intersyndicale autonome qui s'est construite après des années de lutte. Jusque-là, les rencontres de la "société civile" ont été les seules à donner de la perspective au mouvement populaire. Cela devait également suppléer l'absence d'une réponse concertée de la classe politique, notamment de l'opposition politique face au pouvoir.