Invité par le café littéraire d'Aokas, Me Salah Dabouz a plaidé, lors d'une conférence qu'il a animée lundi soir, "pour une justice de transition". "Il y a beaucoup de feuilles de route pour une sortie de crise depuis la révolution du 22 février dernier. Il faut d'abord situer où est la crise", estime d'emblée Me Dabouz, avant de décliner sa feuille de route qui est, se dit-il, partagée avec un certain nombre d'activistes. "La crise est dans le système et non pas chez le peuple", dit-il, avant d'avertir que "le régime a bradé toutes les richesses du pays et nous risquons une crise socioéconomique et politique profonde". Il situe ainsi la crise à trois niveaux. Le premier est que le peuple ne veut pas de ce régime et il l'exprime tous les vendredis. Le deuxième est qu'il revendique le changement du système et non uniquement son personnel et, enfin, le troisième concerne l'organisation administrative du pays. "De par mon expérience, j'en ai déduit que l'organisation administrative actuelle ne convient pas à la réalité sociale du pays", déclare-t-il, en appelant à une nouvelle réorganisation administrative. "Il est aberrant que des lois soient pondues à partir d'Alger et ne peuvent être appliquées au niveau local", soutient-il. Et d'appeler "à une décentralisation du pouvoir". "Fédéralisme, régionalisation poussée ou autonomie des régions, appelez-le comme vous voulez, mais le mode actuel de gestion, hérité de la France coloniale, ne répond plus aux aspirations du peuple algérien", tonne-t-il. Partant de ce constat, Me Dabouz résume sa proposition de sortie de crise : "La justice de transition." "Une justice de transition a deux aspects pour sortir de la crise. Il faut d'abord ouvrir tous les dossiers depuis 1962, voire avant, et établir un contrat social", estime-t-il. "Ouvrir tous les dossiers qui ont causé des dégâts au pays. Il faut que le peuple sache la vérité sur tous les assassinats politiques, la corruption. Etablir la vérité à 50%, c'est déjà un pas en soi. Le rôle de l'Etat est d'accompagner cette phase pour favoriser la réconciliation et non l'imposer", déclare Me Dabouz, en s'inspirant de l'exemple de l'Afrique du Sud. Pour y parvenir, avance-t-il, il faut au préalable mettre en place le facteur confiance entre un pouvoir légitime et le peuple. "Aujourd'hui, si vous êtes convoqué par la justice, c'est pour vous châtier, même si vous êtes victime", ironise l'orateur. "Depuis 1989, l'Algérie a ratifié toutes les conventions liées aux droits humains pour normaliser sa législation avec les normes internationales. Le truc des experts algériens en fraude est de faire en sorte que les mécanismes qui vous permettent d'accéder à ces droits n'y sont pas", atteste-t-il, en soutenant : "Nous avons les pires textes parce qu'ils vous donnent l'illusion mais pas les moyens d'y accéder." Dans la foulée, Me Dabouz rejette, comme tout le peuple, "la tenue de l'élection présidentielle avant une transition démocratique".