L'agora du livre de l'Enag a abrité dans l'après-midi de mardi une rencontre avec le moudjahid Arezki Aït Mimoune, auteur de L'Aube des braves (éditions Anep). Le fiacre du temps a fait une halte à l'agora du livre de l'Enag pour inviter d'anonymes fidayin à prendre place dans le compartiment de l'histoire. Comme hier, lorsqu'ils avaient pris les armes contre l'occupant, l'aura émotionnelle de ces "oubliés de l'histoire" a fusé des feuillets du livre témoin L'Aube des braves (éditions Anep) du moudjahid Arezki Aït Mimoune, où il a cité nommément et ordonné les hauts faits d'armes de ces "exclus de l'histoire". "Le livre du tribun se veut aussi ce coup de gueule, mais aussi la contradiction apportée à l'éphéméride de l'histoire souvent ankylosée à dessein où il est fait exclusion d'authentiques militants de la cause algérienne. D'où le devoir d'inclure aux manuels scolaires et des livres d'histoire toutes ces femmes et ces hommes qui sont tombés au champ d'honneur. Parmi ces martyrs, il y a ceux que l'on oublie par l'intrigue lors des commémorations officielles au motif qu'ils étaient athées, d'obédience juive ou chrétienne", a déclaré le modérateur Abdelhakim Meziani en guise de préambule. Répertoire encyclopédique ou index témoin, l'œuvre d'Arezki Aït Mimoune s'est associée ainsi à l'hommage mémoriel qu'a organisé l'agora du livre à la mémoire des martyrs Ahmed Zahana (Zabana) dit H'mida (1926-1956). Et à l'enfant de Djeniene Meskine (ex-Ksar) à Zehana, l'auditoire a eu également une pieuse pensée pour l'imam cheikh Tahar Meziani (1916-1957) qui fut défenestré le 4 juin 1957 du palais Henri-Klein à Souk El-Djemaâ, dans la Basse-Casbah, a déclaré Arezki Aït Mimoune. Autre témoignage, l'encens du fils à son père : "Est-ce à dire que l'on ne se rappelle qu'au souvenir des combattants d'obédience musulmane ? Ce n'est pas le cas de mon père, cheikh Tahar Meziani, qui a fait la chahada au militant communiste et anticolonialiste Fernand Iveton (1926-1957) qui avait fait le vœu de mourir musulman. Certes, il s'agit aussi d'autres imams à caractère frondeur, dont l'imam Djelloul Benosmane et Larbi Ferhati dit Larbi Tebessi (1891-1957) qui ont versé un lourd tribut pour que l'Algérie se désenchaîne des chaînes du joug colonial. Et à ce jour, hormis cheikh Larbi Tebessi, aucune mosquée d'Algérie n'est baptisée aux noms de ces imams dont le tort est qu'ils soient réformateurs et progressistes", a ajouté Abdelhakim Meziani. Autre révélation, "Fernand Yveton aurait même décliné la prière du mort de la part d'un prêtre et d'un rabbin", a tenu à préciser l'écrivain Arezki Aït Mimoune. Pour l'histoire, cheikh Meziani Tahar est issu de la mosquée Zitouna (l'Olivier) de la médina de Tunis et a succédé au muphti Baba Ameur de la Grande mosquée d'Alger. Mieux, l'imam de la rue du Chameau à la Casbah était "Hezzab de Coran" aux côtés de Fekhardji Mohamed (1896-1956) et de Mahieddine Bachtarzi (1897-1986) au mausolée de Sidi Abderrahmane Ethaâlibi, sis à la rue Mohamed-Bencheneb (ex-Marengo). C'est dire l'instant émotionnel où l'âme de Maurice Audin (1932-1957) s'est ajoutée au récit d'Arezki Aït Mimoune qui s'est fait l'écho des cris de ses compagnons de lutte qu'il a côtoyés de la rue des Frères-Racim dans l'îlot de Bir Djebah et jusqu'à l'impasse du Darfour, où il a été de toutes les arrestations de Saïd Touati et de la mort du martyr Hocine Tiah. Au demeurant, la conférence s'est muée en débat à bâtons rompus avec l'auditoire. D'ailleurs, c'est ce qui a permis à l'aube de se lever sur d'anonymes braves.