Rencontrer un artiste et s'inviter dans son logis, où il stocke l'exclusivité d'un style rare, inhabituel et recherché, est un moment récréatif sans cesse renouvelé. A priori lorsqu'il s'agit d'une rareté ou plutôt d'une curiosité modelée dans l'art décoratif des métaux et la ferronnerie d'art. C'est le cas de l'artiste Tribèche Walid qui a plus d'une œuvre à sa forge artistique qu'il enflamme d'un style qui est le sien à la galerie d'art du centre culturel Mustapha-Kateb. Conçu d'hétéroclites objets usés mais cohérent dans l'assemblage, l'artiste Tribèche Walid fait du beau avec du vieux. Telle est sa devise qu'il puise, à l'instar d'autres artistes dans son genre, dans l'art de la récupération. Et lorsqu'il a fini de faire le tour de revendeurs de "la casse", des ferrailleurs et de gentils donateurs, notre soudeur insuffle une seconde vie à un tas de bric-à-brac qu'il assemble dans la forme d'un cheval. Et à y voir de près, la queue de cheval est tressée de pièces d'usure à l'exemple d'une multitude de chaînes de vélo désuètes et réanimées à la couleur dorée et qui lui tombent en cascade sur sa croupe conçue, elle aussi, d'une kyrielle de kits d'embrayage. Notamment une nuée de disques qui s'ajustent d'idéale ébauche, voire à la perfection sur la robe du cheval nuancée au cuivre ambré et qu'il est loisible au visiteur d'admirer l'animal debout sur ses pattes. En fait de pattes, ce ne sont en fait que des amortisseurs collés aux bielles mécaniques et qui font usage de sabots. Ingénieux, non ? C'est dire l'utilité d'une chaîne de vélo qui orne également la crinière du Roi lion et la kyrielle d'objets qui résultent d'une collecte opérée au hasard et qui tissent aussi le pelage du loup, a-t-on su de Tribèche Walid. Outre l'imagination galopante de notre artiste, il y a aussi l'histoire et son douloureux chapitre du 8-Mai-1945 que ce natif de Sétif narre à l'aide "des mains tendues qui réclament la liberté" de derrière les barreaux de cachots mais aussi des chaînes auxquels étaient ferrés son père. "J'ai reconstitué la scène pieds et poings liés de mon père qu'il a écrit pour la mémoire", a déclaré notre interlocuteur qui restitue ainsi à la médina de Sidi El-Khier la statue de l'Aigle noir qui fait sa notoriété en matière de football. Magique ! La grille du barbecue et la bombonne de gaz sont transformées en benne à camion. D'ailleurs, aucune once de métal n'échappe à l'œil de notre artiste qui, à l'aide de cuillères, de fourchettes et de bougies d'allumage de moteur, usine des jouets miniatures et des bibelots. Au demeurant, "le recyclage du métal et du verre est une aubaine où se conçoit l'art", a conclu Tribèche Walid qui nourrit l'espoir d'exposer ses œuvres ici, notamment sous d'autres cieux où le talent artistique est reconnu et ne souffre donc aucune équivoque. Pour se convaincre du savoir-faire de Tribèche Walid, le mieux est d'aller à la galerie d'art Mustapha-Kateb où sa forge artistique carbure à plein régime jusqu'à la fin de l'été. Louhal Nourreddine