Jeff, personnage principal de ce roman publié aux éditions Vérone, se réveille du jour au lendemain sans le sou. Quitté par sa compagne et délaissé par ses amis, il ne trouvera refuge que dans la force de ses convictions, jusqu'à devenir le porte-parole des opprimés. Voilà un roman bien singulier d'Ad Mell, pseudonyme littéraire de cet auteur qui explore les tréfonds de la foi et pensée de l'homme quand celles-ci sont confrontées à la sentence implacable du destin. Le clochard américain, de la jeune maison d'édition parisienne Vérone, suit les tribulations d'un Américain lambda, Jeff, bientôt cinquante ans d'existence au compteur, qui se réveille du jour au lendemain sans le sou. Quitté par la femme de sa vie Patricia, sans famille ni amis à son secours, le choc est d'autant plus important que notre quidam dépensait jusque-là sans compter et s'offrait le moindre objet ou envie que son âme désirait. Comme après un cauchemar, le réveil s'avère difficile pour Jeff, qui aura profité pour un temps seulement de son florissant commerce, lui l'enfant du Michigan qui n'a connu que privations et sacrifices. Mais ce retour à la case départ, s'il a pu prouver une chose à Jeff, c'est bien que l'entourage et les proches ne restent jamais longtemps quand l'argent vient à manquer. Patricia, sa compagne, ses amis et collaborateurs l'ont tous abandonné à son triste sort, maintenant qu'il a plus que jamais besoin d'eux. Pourtant, dans sa détresse absolue, qui plus est, sans un toit au-dessus de sa tête, seule Berthe, une vieille SDF, vient à la rescousse. Le passage du personnage principal de l'opulence à l'infortune est aussi une épreuve de foi, et une remise en question totale de ses principes et sa compréhension du monde. Sa rencontre avec différents personnages révélera une vision égoïste mais aussi naïve du monde. Si Berthe lui inculque l'importance d'aider son prochain en investissant "dans l'humain pour prévenir l'incertitude des lendemains", c'est surtout l'accident dont il a été victime un soir que son véritable engagement en faveur des plus démunis prend tout son sens. Lésé dans ses droits, puis emprisonné à cause d'une surprenante machination orchestrée par un juge véreux, il devient le symbole des opprimés et des laissés-pour- compte. Dans un formidable élan de solidarité, tous les SDF de la ville organisent spontanément des marches pour exiger la libération de Jeff, et par-là même dénoncer les problèmes qui rongent leur ville. Cette attitude revendicative "qui dénonce la domination et les excès" est, comme l'ont montré et le montrent encore les peuples opprimés, un cri du cœur qui finit tôt ou tard par se manifester et acculer les tyrans et les corrompus. Si la trame de ce récit a le mérite de faire écho, de par la teneur de son propos et l'injustice qu'il dénonce, à l'actualité, on reprochera cependant les coquilles que contient le roman, et l'incohérence de certaines répliques du personnage principal.
Yasmine Azzouz Ad Mell, Le clochard américain, éditions Vérone. 142 pages. 2019.