En quarante-huit heures, trois verdicts différents ont été rendus dans des affaires instruites sur des chefs d'inculpation identiques : atteinte à l'unité nationale pour port d'un drapeau autre que l'emblème national (étendard amazigh). Des condamnations à une année de prison, dont six avec sursis et 30 000 DA d'amende, six mois de privation de liberté assortis d'une amende de 20 000 DA et enfin relaxe avec restitution des emblèmes confisqués par la police. Selon Me Salah Brahimi, bâtonnier du barreau de Tizi Ouzou, des magistrats ont eu le courage de libérer les détenus d'opinion, estimant que l'accusation, qui fait référence à l'article 79 du code pénal, est infondée, contrairement à d'autres. Les tribunaux d'Annaba, de Constantine, de Mostaganem, la Cour de Jijel et, depuis hier, le tribunal de Bab El-Oued ont jugé que le port de la bannière amazighe n'est pas un délit. Deux juges au tribunal de Sidi M'hamed en ont eu une appréciation opposée. Malheureusement, l'arsenal juridique algérien ne prévoit pas de voies de recours légales à une erreur judiciaire ou à un jugement émis par un magistrat sur lequel pèsent des soupçons de partialité, hormis le procès en appel devant la cour. "Le collectif de défense dispose d'un délai de 10 jours pour faire appel au jugement. Le procès devant la cour d'Alger peut-être programmé en quelques semaines", explique notre interlocuteur. Entre-temps, la plupart des 27 manifestants, condamnés mardi, auront purgé leurs peines. Les autres détenus, dont les procès seront présidés par les mêmes magistrats, encourent, en outre, des peines similaires. "Le verdict du tribunal de Bab El-Oued nous conforte. Nous comptons remettre la justice sur les rails avec ces magistrats consciencieux", relève Me Brahimi. Il annonce, par ailleurs, que les avocats se concertent pour entreprendre une action de protestation percutante lors du procès des 18 détenus reporté au 18 novembre prochain. Afin de préserver l'effet de surprise, il n'a pas voulu fournir de détails sur le projet en préparation, se limitant à dire que toutes les options sont envisageables. Pour Me Seddik Mouhous, il faut absolument épuiser toutes les procédures pour obtenir l'annulation du jugement rendu en première instance. "Si le verdict est confirmé par la cour d'Alger puis par la Cour suprême, les personnes condamnées risquent d'être déchues de leurs droits civiques et ne pourront donc plus être électrices ou candidates à un scrutin, en vertu de l'article 8 du code pénal auquel renvoie l'article 79", souligne l'avocat. Le dernier mécanisme judiciaire auquel la défense pourrait recourir est l'exception d'inconstitutionnalité, soulevée dans le cas de poursuites fondées sur des dispositions de lois, de décrets exécutifs ou d'accusations en violation de la Constitution. La loi y afférente est entrée en vigueur le 2 septembre 2018. Seul hic, le Conseil constitutionnel est la seule institution habilitée à trancher sur la recevabilité des requêtes, après avis du ministère de la Justice.