L'injonction À ne pas ouvrir, qui obstrue de toutes ses lettres le trou de serrure d'une porte, n'est pas cette ligne rouge ni l'oukase de la Barbe bleue (1697), ce conte de Charles Perrault (1628-1703) qui a terrifié tant d'enfants. Et bien que l'image de couverture du livre soit aux antipodes de ce qu'il est attendu à la lecture de l'intitulé, l'édit prohibitif À ne pas ouvrir n'est pas du tout une consigne mais plutôt le vœu testamentaire d'un père à sa fille Nadège ou, de préférence, l'aveu d'un beau-père à son futur gendre Saloman, né dans l'horreur d'un bombardement et confié aux bonnes âmes d'un couvent, a-t-on su de Hocine Toumi, ce docteur en sciences de l'information et de la communication qui a été l'invité de l'espace "Les mercredis du verbe" du 20 novembre pour disserter autour de son livre À ne pas ouvrir (éd. El-Fairouz 2019). D'emblée, l'auteur d'Awal s wawal (éd. Le savoir 2008) s'est investi dans l'analyse du réel ou c'est quoi le réel ? Qu'il s'est ingénié à repérer dans le précis de l'étymologie mais aussi dans l'écrit. Alors et pour témoigner de la réalité, l'orateur a emprunté à Louis Aragon (1897-1982) la citation : "Pas plus que le roman ne peut se borner à la fiction, il ne peut se passer d'elle." C'est dire qu'il n'y a pas loin du cas réel vers l'illusoire du récit qui est embelli toutefois à l'encre de la romance, a déclaré l'auteur du roman Le revenant (éd. Le savoir 2002). Au demeurant, la parure du fictionnel humanise au mieux la laideur de la réalité. Et à ce propos, l'évidence aussi disgracieuse qu'elle soit et la fiction toute attrayante qu'elle est doivent rouler sur le même essieu pour guider le lecteur vers l'univers de l'évasion et du songe, a ajouté l'auteur du roman en arabe Ni envol ni atterrissage (éd. Le savoir 2007). D'où qu'il est requis d'adoucir l'encre de la réalité, à l'aide d'un zeste de création de l'esprit pour cueillir au bout de sa plume l'élixir du rêve. Et puisqu'on est dans la songerie et son corollaire de l'extase, Hocine Toumi y impulse à sa plume l'allure de l'irréel d'où il cueille d'autres noms de lieux tout autant fictionnels, à l'instar de la contrée neigeuse de "Moutonie", du pays "De La Jarre" qui est doté d'un Sahara, et le territoire de Chapeauconie. "Donc, c'est à la lecture de la trame et de la procession d'événements tout récents que le lecteur décélera l'intitulé exact de ces pays qui ne lui sont pas étrangers", a conclu le tribun. Autre escale à laquelle nous convie l'auteur et où tout bascule, la soupente de la veuve Anne et son vide-grenier d'où est tombée la fameuse lettre de son défunt mari Paul où il est écrit : "SVP à ne pas ouvrir avant ma mort…" Mais on n'en dira pas plus si ce n'est de se référer à la citation de Gaëtan Faucer qui a écrit : "La réalité n'est jamais qu'une fiction exacerbée", et où le lecteur esquissera la fin qu'il voudrait selon son imaginaire.
Nourreddine Louhal "À ne pas ouvrir" de Hocine Toumi, éditions El-Fairouz, 2019, 129 pages.