L'Association Arts et Patrimoine d'Alger a abrité une conférence avec l'islamologue Ghaleb Benchikh El-Hocine, qui a évoqué des sujets d'actualité lors de son intervention, notamment la religion, la démocratie et le "fabuleux Harak". Pour inaugurer leur cycle de conférences qui se veut "un espace de dialogue passionnant et dépassionné", la jeune Association Arts et Patrimoine d'Alger (AAPA), en partenariat avec l'association Sauvons la Casbah, a reçu comme premier invité l'islamologue Ghaleb Benchikh El-Hocine pour traiter du sujet ô combien d'actualité qu'est la démocratie. Non sans le lier à un autre sujet, non moins crucial et épineux qu'est l'islam, cet "incompris" malmené de part et d'autre, ici et là. Et c'est le bel édifice récemment restauré qu'est le centre culturel El-Moudjahid, jouxtant le TNA (Théâtre national algérien), qui a abrité cette semaine cet événement. De prime abord, l'orateur à l'éloquence captivante dira à son public, venu très nombreux l'écouter et le voir de près : "Je ne suis pas détenteur de la vérité absolue, personne ne détient cette vérité, je suis là pour discuter avec vous et partager un point de vue qui peut être discutable, et on en discutera." Mais avant de parler d'islam et de démocratie, le président de la Fondation de l'islam de France – nommé depuis 2018 – a tenu à féliciter la jeune association pour son intérêt pour la sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel et à saluer ce mouvement fabuleux qu'est le Harak (mot qui est plus juste que Hirak, dira-t-il) qui a émerveillé le monde entier par "son côté pacifique et respectueux des lieux sur lesquels il manifeste". Il n'y croyait pas tellement, avouera-t-il à l'assistance, mais il fut agréablement surpris par cette maturité de la jeunesse algérienne qui aspire au meilleur. Et ce meilleur existe aussi bien en suivant les véritables préceptes de l'islam – religion de foi et de paix – que ceux de la démocratie qui, dira-t-il, "varie d'un pays à un autre, d'un Etat à un autre". Mais, en substance, démocratie signifie "donner le pouvoir au peuple", "partager une cité", "égalité", "droits du citoyen", "alternance des pouvoirs", "pouvoir et contre-pouvoir", "séparation des pouvoirs", "liberté"… Une pratique juste dans un système équitable où la presse "libre" joue un rôle capital en donnant l'information "juste" et en respectant éthique et déontologie. Un Etat où il est question de lutter "non seulement contre la corruption, le vol, le détournement et tous les aspects matériels néfastes à la société, mais aussi et surtout contre le délabrement physique et moral, contre la démission de l'esprit, contre la passivité des uns et des autres, contre la laideur qui envahit nos espaces et nos rues". Sur ce point précisément, Ghaleb Benchikh déplorera ce manque d'hygiène affligeant, ces nombreux sites laissés à l'abandon et cette absence du "beau" et de l'esthétique. "Comment peut-on bannir le beau de notre vie alors que Dieu est beau et aime le beau ?" assénera-t-il. Comment peut-on accepter que "l'ignorance" domine notre vie ? Et il explicitera longuement cette ignorance à quatre niveaux : sacralisée, institutionnalisée, complexe et méthodiquement programmée. Une ignorance ou peut-être de la méconnaissance, toutes deux dévastatrices. Tout comme le manque de discipline, de rigueur ou de civisme. Et pour revenir à l'islam, comment le musulman d'aujourd'hui en est-il arrivé à se laisser guider par des charlatans qui professent une "religiosité dévorante, dégradante et dévastatrice" qui l'avilit au point de lui faire faire une "roqia" pour chaque pépin, et qui assombrit son regard et son cœur. Ce sont cette "démission de l'esprit", cette "agonie de l'intelligence" et cette "absence de débat" qui fragilisent la société musulmane et font d'elle une société incapable de réfléchir sainement ou de raisonner logiquement selon l'ère et l'actualité. "La foi a besoin d'intelligence, et tenir un discours rationnel n'est aucunement un danger pour notre foi", dira encore l'islamologue, soucieux de voir régner un islam de paix, de tolérance, d'ouverture et de respect de l'autre, quel que soit son culte. Une rencontre enrichissante qui fera appel à quelques sourates du Coran pour expliciter, à quelque poésie de Hafez pour déclamer, au soufisme, à la spiritualité, à l'actualité… et qui fera dire à beaucoup : "On a besoin de ce genre de débats pour sortir du marasme et de la médiocrité ambiants !"