Le débat est relancé sur un sujet épineux et dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est loin de faire consensus. Mise sous le boisseau après le tollé soulevé en 2015, notamment chez les populations du sud du pays les plus exposées, la question de l'exploitation du gaz de schiste s'invite de nouveau, à la surprise générale, dans le débat public à la faveur de la sortie du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, devant des responsables des médias publics et privés. À la question du journaliste, probablement inspiré, Abdelmadjid Tebboune s'est montré favorable à l'exploitation de cette ressource non conventionnelle. "Le débat sur cette question doit se faire dans la sérénité et par des experts loin de toutes les crispations et instrumentalisations politiques", a-t-il plaidé. "Il y a eu une réaction négative de la part des citoyens d'In Salah qui ont été surpris par les torches sans aucune explication préalable. Notre première expérience a été une erreur, nous avons un vaste désert, mais nous sommes allés dans une région peuplée. Nous allons évaluer calmement les expériences, mais il faut que toutes les franges du peuple sachent qu'il s'agit d'une richesse dont Allah nous a gratifiés, et je ne vois pas pourquoi s'en priver, et que l'exploitation de cette ressource est à même d'améliorer le niveau de vie des citoyens", a-t-il encore fait observer, non sans rappeler que l'Algérie est considérée comme la "deuxième ou troisième en réserves mondiales de gaz de schiste". Au-delà du timing et du cadre pour l'évocation du sujet, dont la polémique qu'il avait suscitée à l'époque avait conduit l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal à préciser "qu'il n'était pas à l'ordre du jour" et qu'il ne "s'agissait que de prospection", on peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de remettre sur la table un sujet sur lequel même des ministres, membres de l'Exécutif, avaient exprimé des réserves. C'est le cas du ministre de l'Enseignement supérieur, Chems Eddine Chitour, expert en énergie. "On a interdit à Total de faire du gaz de schiste dans le sud de la France, mais il risque de forer en Algérie (…) Le gaz de schiste est une calamité. On va hypothéquer l'avenir du Sud", expliquait-il lors d'une émission de la radio publique et dont la vidéo est relayée pour la circonstance sur les réseaux sociaux. "Le gaz de schiste est une richesse, mais quand le moment sera venu, lorsque la technologie sera mature, en 2030. Ce n'est pas le moment", disait-il. "Le gaz de schiste n'offre pas de rente", soutenait, pour sa part, Farhat Aït Ali, aujourd'hui, à la tête du département de l'Industrie. Pour lui, "c'est une blague de mauvais goût", au regard du coût de l'exploitation de cette ressource. Les citoyens ne sont pas en reste. Outre quelques manifestations circonscrites, comme à Béjaïa où des citoyens ont exprimé leur rejet, de nombreux internautes ont affiché leur hostilité non sans relayer des vidéos montrant les désastres provoqués sur l'écosystème par l'exploitation du gaz de schiste dans certains pays. S'agit-il pour Abdelmadjid Tebboune, handicapé par un déficit de légitimité, de rassurer les partenaires étrangers de l'Algérie, particulièrement certains pays intéressés par l'investissement dans ce créneau ? Ce qui pourrait expliquer a posteriori la célérité avec laquelle l'ancien Exécutif a expédié la loi sur les hydrocarbures. Ou cherche-t-il à relancer dès à présent le débat sur un sujet épineux et dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est loin de faire consensus ? L'interrogation est d'autant plus opportune qu'au regard du contexte politique et économique, le recours à cette option apparaît aléatoire. À moins que l'objectif recherché soit, en définitive, de créer un nouvel abcès de fixation. Mais la polémique ne fait que commencer. Et le hirak a déjà donné le "la" hier : "Le Sud n'est pas à vendre."