En Algérie, presque tous les indicateurs économiques sont mauvais. C'est ce que relève le groupe bancaire français, Crédit agricole, dans sa dernière publication hebdomadaire, Perspective. Le groupe bancaire français estime que la marge de manœuvre du gouvernement est étroite. "La marge de manœuvre sera d'autant plus étroite qu'elle intervient à un moment où le prix du pétrole baisse, compte tenu de l'impact de la crise du coronavirus en Chine et de ses répercussions dans le monde", souligne le Crédit agricole. Si cet impact est allongé et maintient le prix des hydrocarbures à un niveau plus faible (autour de 55 dollars le baril) durant plusieurs trimestres, "cette situation va rendre le redressement économique encore plus difficile à réaliser", estime le groupe bancaire français. Ce dernier pense que le nouveau gouvernement "fait le bon diagnostic en déplorant la gestion défaillante des dernières années". Pour le groupe Crédit agricole, en promettant des "réformes profondes pour sortir le pays d'une situation politique et économique critique", le gouvernement prépare également la population algérienne à des annonces douloureuses sur le plan social. "De l'ampleur du calendrier des réformes va dépendre l'avenir du mouvement de contestation ‘hirak'. L'urgence des défis à relever est donc intense tant par la remise en cause, d'une part, du modèle de développement rentier qu'elle nécessite que par celle, d'autre part, du contrat social et de la notion de l'Etat providence", analyse le groupe bancaire français, relevant les évolutions défavorables, confirmées par les statistiques économiques annoncées par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad. "En 2019, la croissance du PIB devrait rester stable à environ 1,4%, malgré l'agitation sociale, grâce à des prix du pétrole et du gaz assez stables", prévoit-il. Le déficit courant devrait s'établir à 17 milliards de dollars, soit 9,7% du PIB 2019 (sur la base d'un PIB estimé à 176 milliards de dollars). "Le déficit courant perdure depuis 2014, lorsque la chute du prix du pétrole, très mal anticipée, a provoqué les larges déséquilibres qui subsistent aujourd'hui. Elle a beaucoup affecté les réserves de la Banque centrale qui auraient chuté de 80 à 63 milliards de dollars entre 2018 et 2019. Elles s'élevaient à 140 milliards de dollars en 2015", constate le Crédit agricole. Du côté du déficit budgétaire, celui-ci reste aussi très élevé à plus de 7% du PIB, "car le gouvernement intérimaire a renoncé à resserrer la fiscalité (pourtant très généreuse) en raison des manifestations populaires et de la contestation". L'accumulation de ces larges déficits a propulsé la dette publique à 45% du PIB à fin 2019. "En l'absence de financement de cette dette sur le marché international et compte tenu de la très grande réticence des ménages à acheter des bons du Trésor, ce sont les banques commerciales qui ont soutenu le souverain pour financer la hausse de son endettement", indique le groupe bancaire français. Une hausse qui est d'ailleurs très spectaculaire, relève-t-il, puisqu'en seulement cinq années, le pays est passé d'une dette très modérée (à moins de 10% du PIB) à tangenter le seuil d'alerte des pays émergents (50% du PIB). "Le pays n'étant pas noté par les agences de rating (en partie en l'absence de dette externe et par volonté politique), il n'y a pas de conséquence sur le coût de refinancement du souverain", précise, néanmoins, le Crédit agricole, qui rappelle que le Premier ministre a annoncé envisager de faire des émissions obligataires sous forme de sukuk (titres islamiques). Point légèrement positif, le groupe bancaire français relève que le marché noir du dinar s'est un peu atténué et que la monnaie nationale ne s'échange plus qu'avec une décote de 50% vis-à-vis du dollar, contre 57% à la fin de l'année 2019.