Liberté : Le confinement est aussi l'inattendu vivier temporel où l'on puise ce temps que l'on n'a jamais pour nos feuilles volantes en instance de réalisation. Est-ce le cas pour vos notes ? Laradi Fouzia : En réalité, le confinement, à ses débuts, n'était pas seulement l'affaire de mouvements restreints. C'était vivre avec le choc engendré par une attaque inédite d'un ennemi invisible qui mettrait le monde entier dans tous ses états. C'était aussi le stress qui accompagnait les mauvaises nouvelles de tous les jours. Donc, le moment n'était pas du tout propice pour quoi que ce soit. Mais, petit à petit, les choses deviennent plus ou moins claires, et les précautions à prendre aussi. Alors, en attendant des jours meilleurs, on commence à chercher autour de soi une occupation qui peut nous faire sortir de l'angoisse qui nous a envahis et meubler ce temps qui nous faisait tellement défaut quelques semaines auparavant. Alors, j'ai décidé de mettre un peu d'ordre dans ma paperasse, en instance depuis un bon bout de temps. Et là, je relie avec quelques projets restés en chantier. Je revois certains, je termine d'autres. Et entre une feuille et une autre, je rencontre parfois un souvenir, qui me fait revivre son instant. Depuis le temps que nous sommes isolés les uns des autres, vous êtes-vous familiarisée à la rigueur de l'interdit et quelle est votre formule pour adoucir les affres du confinement ? Avec le temps et la gravité de la situation, on ne peut que se familiariser avec cette rigueur de l'interdit, qui est, à mon humble avis, l'unique porte qui nous fera sortir de cette catastrophe, avec moins de dégâts possibles. C'est l'avis de tous les spécialistes de la santé, et aujourd'hui, c'est à eux que revient la considération de la conjoncture. Alors, pour adoucir les affres de ce nouveau mode de vie pesant, je voyage. Sur ma table de chevet, j'ai un tas de livres que le rythme de mon travail m'a empêchée de lire. Donc, j'ai attaché ma ceinture pour traverser autant de cieux possibles au temps où les traversées physiques de ces derniers nous sont interdites. Mais en restant bien sûr en contact avec ma famille et mes amis dans ces moments difficiles, où chacun de nous a besoin de sentir ses proches à ses côtés, même si l'épreuve nous impose de le faire à distance. Le plus important, c'est d'essayer de tisser ensemble l'étoffe de l'espoir, chacun avec ce qu'il peut apporter. Cette pause vous a-t-elle permis de faire le bilan et d'évaluer la répercussion de vos recueils de poésie sur vos lecteurs et aussi l'écho qui en résulte de la société en général ? Il est des choses qui nous arrivent dans la vie, nous permettant de ralentir un peu le pas, de jeter un regard rétrospectif sur notre parcours et de faire le bilan comme vous le dites. Pas seulement dans le domaine professionnel ou littéraire, mais par rapport à tout ce qui nous concerne. Et cette pandémie, ô combien dangereuse !, a mis les personnes, les sociétés et même les Etats face à leurs miroirs. Effectivement, le confinement et toutes les contraintes qui l'entourent sont l'opportune étape d'une sérieuse méditation. Mais par rapport à ma poésie, je n'en fais pas plus que d'habitude. Je discute avec mes lecteurs quand l'occasion se présente ou après une publication de mes textes. Mais rien de vraiment spécial confinement. À propos de la poésie, votre emploi du temps s'harmonise-t-il avec vos journées d'une confinée et dans quelle jardin imaginaire cueillez-vous votre inspiration ? Dans mes journées de confinée, j'essaie de créer des couleurs autour de moi, pour ne pas laisser place à cette monotonie qui nous guette. Heureusement que la muse ne m'a pas boudée. Pendant cette période délicate de peine et de douleur, une lueur d'espoir a émergé en plein séisme sanitaire, qui nous a fait découvrir un beau jardin très réel, de jeunes talents et de capacités créatives diverses et multiples, qui peuvent être une vraie source d'inspiration pour divers genres littéraires, mais je souhaite de tout cœur qu'il le sera aussi pour nos dirigeants et nos responsables, pour l'édification d'une Algérie à laquelle tout le monde aspire. J'ai écrit deux ou trois poèmes, qui ont été imposés par la conjoncture, mais je travaille beaucoup plus sur la finalisation de mon recueil de nouvelles. Entretien réalisé par : Louhal Nourreddine