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"Le stress peut transmuter en actes violents"
Rabeh Sebaâ, professeur de sociologie à l'université d'Oran
Publié dans Liberté le 20 - 07 - 2020

L'impact de ces conséquences, conjugué aux situations de frustration et de privation, matérielle et morale, générées par cette situation fait, en effet, craindre le pire, si les situations dramatiques des catégories sociales fortement précarisées ne trouvent pas de réponse à leurs attentes angoissées", analyse le sociologue Rabeh Sebaâ.
Liberté : On observe ces derniers temps une exacerbation de la violence sociale (agressions physiques, bagarres, accrochages...). Doit-on y voir une conséquence des tensions générées par la Covid-19 et les mesures de confinement ?
Rabeh Sebaâ :L'apparition de comportements violents dans la société algérienne a précédé la survenue de la pandémie pour tout un faisceau de paramètres. Mais la persistance et le cumul de frustrations de tous ordres (sociales, économiques, psychologiques et autres), conjugués à l'incertitude mêlée de crainte, voire de peur, ne peuvent qu'exacerber la pression enfantant inexorablement plusieurs formes d'agressivité pouvant dégénérer en violence.
Il est, à présent, établi que le stress engendré par ces frustrations ou par l'angoisse de l'inconnu peut transmuter en propos ou en actes violents. Nombre d'études, menées dans différentes sociétés, ont montré que l'exacerbation des violences conjugales, la maltraitance des enfants ou l'agression des personnels soignants ont connu leur point paroxystique durant les périodes de confinement. Les statistiques disponibles sont éloquentes et le rapport de causalité est saillant. Notre société n'est, malheureusement, pas épargnée mais trop peu de travaux consacrés à ces questions ont vu le jour. Mais il est de l'ordre du banal de souligner que les conséquences psychosociologiques de cette crise sanitaire sont aussi multiformes que considérablement étendues.
L'impact de ces conséquences, conjugué aux situations de frustration et de privation, matérielle et morale, générées par cette situation fait, en effet, craindre le pire, si les situations dramatiques des catégories sociales fortement précarisées ne trouvent pas de réponse à leurs attentes angoissées.
Quelle lecture faites-vous de la multiplication des agressions verbales et parfois physiques contre le personnel de santé ?
Cela, en fait, n'est pas nouveau. En subissant toutes sortes d'agressions, le personnel de santé remplit, malheureusement, le rôle de souffre-douleur et d'exutoire à ces débordements. Ces comportements agressifs s'expriment, d'abord, contre les conditions désastreuses d'accueil et de prise en charge. Ou plus précisément de non-prise en charge. Et non contre le personnel sanitaire. Il ne faut pas se voiler la face. Même avant la crise sanitaire, notre système de santé était fortement déficitaire. Cette pandémie a exacerbé la mise à nu de l'indigence des structures sanitaires à l'échelle nationale. Tout en exacerbant les contestations, les protestations et les vociférations. Dans certaines régions du Sud, comme Biskra ou Béchar, le dénuement est tel que les populations sont sorties le crier dans les rues pour interpeller les premiers responsables sur cette situation. Et pour faire face à cette indignation généralisée et à cette colère non contenue, le premier réceptacle n'est, hélas, que le personnel sanitaire.
Un personnel qui doit non seulement faire preuve d'ingéniosité pour combler toutes les insuffisances logistiques, mais s'atteler à gérer les flux excessifs, à s'occuper de l'orientation et de la régulation et à contenir les états d'âme d'une population souvent impatiente, parfois surexcitée. Et parmi laquelle il se trouve toujours des énergumènes pour extérioriser leur hargne, leur courroux et leur exaspération sur le premier vis-à-vis déjà fortement ébranlé par le poids de la charge mentale et l'épuisement physique. Ces agressions verbales ou physiques répétées constituent le signe, au sens clinique du terme, de l'affaissement, pour ne pas dire l'effondrement de notre système de santé.
Comment et par quels moyens éviter la généralisation de ces actes ?
Pour être radical, il faut prendre les choses à la racine, selon l'adage. Or, la racine pour éviter l'approfondissement de l'effondrement du système de santé n'est autre que sa refondation. Qui peut d'ores et déjà commencer par une véritable amélioration des conditions de travail et des capacités d'accueil ? Un double gage pour le personnel de santé et pour la population des patients. Des conditions de travail convenables et un cadre d'accueil acceptable. Le meilleur moyen d'annihiler les charges d'agressivité est de leur ôter tout moyen de s'extérioriser en s'agrippant au premier prétexte venu. Le second élément, qui est corollaire du premier, est, sans nul doute, l'instauration d'une discipline et d'un comportement codifié à l'intérieur des structures sanitaires.
L'occupation anarchique des espaces sanitaires par des populations empressées, mal informées et souvent dissipées, est propice à l'expression de l'agressivité, voire de la violence, dirigée, en premier lieu, contre le personnel de santé. Ce qui soulève, au passage, la question de la qualité de la sécurisation des structures sanitaires. Sécurisation des lieux et des personnes par des instances extra-médicales spécialisées. Mais bien au fait de l'univers médical. Car cette sécurisation nécessaire à un bon fonctionnement des prestations médicales et paramédicales ne fait partie ni de la vocation ni de la fonction du personnel de santé. Il s'agit, en définitive, d'une redéfinition des moyens et d'une redistribution des fonctions comme conditions incontournables d'une urgente et inéluctable refondation.
Quelle signification donner au refus des Algériens de porter la bavette et, plus généralement, d'observer les mesures de prévention ?
Avant l'incrédulité ou l'inconscience du péril que charrie cette pandémie, c'est l'incongruité sociétale que représente le port du masque, aux yeux du grand nombre, qui fonde principalement ce refus. À cela s'ajoute la représentation d'un schéma corporel inhabituel quand il se trouve surchargé par un objet tout aussi inhabituel, voire insolite, un objet intrus. Cette représentation constitue un obstacle majeur dans l'acceptation de cet attribut inaccoutumé. Le regard de l'autre fait le reste. La plupart des Algériens, qui n'acceptent pas encore de le porter, sont soucieux de préserver et, surtout, de renvoyer une image "intacte" de leur intégrité physique. Considérant, pour beaucoup d'entre eux, le port de la bavette comme un ajout artificiel pouvant laisser suggérer une vulnérabilité reconnue, voire une potentialité d'infirmité.
D'aucuns parlent même d'accoutrement fortuit. Pour les autres mesures de prévention, il est un fait notable que la proximité, qui frise souvent la promiscuité dans notre société, est fondamentalement un trait socioculturel s'inscrivant dans "l'habitus" des Algériens. Les regroupements, les rassemblements, les attroupements, parfois spontanés, pour diverses raisons et à différentes occasions, ne peuvent pas céder subitement la place à une distanciation physique raisonnée. Le reste des gestes barrières, qui complètent cette distanciation, est une affaire de pédagogie, de sensibilisation, de familiarisation, de généralisation, d'obligation, de banalisation et, en définitive, d'apprentissage et d'acquisition. Un double processus qui nécessite beaucoup de temps et pour lequel les Algériens ne montrent pas de fortes prédispositions ni même une grande capacité de réception. Il serait, d'ailleurs, intéressant pour les chercheurs en sciences sociales d'analyser et de comprendre les différences entre le comportement des femmes et des hommes à ce propos.
Est-ce un des effets de l'absence de confiance à l'endroit des autorités sanitaires ?
Le pouvoir médical est connu pour l'absence, en son sein, de tout moyen de répression mais plutôt par l'exercice ou l'usage de la persuasion. Or, pour s'instaurer et se généraliser, cette persuasion, qui génère la confiance, a besoin de moyens autres que médicaux. Notamment législatifs et communicationnels. Surtout que cette crise sanitaire consécutive à une pandémie est tout à fait nouvelle et surtout inattendue. Son irruption imprévue s'est accompagnée de la nécessité d'adopter des comportements tout aussi nouveaux. Des comportements individuels et collectifs qui exigent, pour leur observance, le recours à la contrainte ou la requête d'obligation. Pour nombre de ces comportements, l'institutionnel ou le politique doivent intervenir fréquemment et, sur un certain nombre de volets, sévir fermement. Sans tergiversations.
Or, il existe, de façon flagrante, un double déficit en matière d'autorité et de communicabilité. En clair, une inefficience qui revêt la forme d'une déficience, en matière de gestion de la crise sanitaire à l'échelle nationale. Ces tergiversations, conjuguées à des hésitations et des atermoiements en matière de confinement, l'illustrent parfaitement. Il est à se demander, d'ailleurs, si l'usage de la notion de confinement est approprié à cette situation. Il n'existe pas de semi ou de semblant de confinement. Les derniers exemples en date sont l'interdiction, entre autres, d'accès aux plages mais qui sont, pour la plupart, pleines à craquer.
Ensuite, concéder la primauté du religieux sur le scientifique pour le traitement de nombre de questions à l'instar du sacrifice de l'Aïd el-Adha, c'est faire preuve d'un manque drastique de vision lucide dans la gestion de cette crise sanitaire. Et de façon plus globale dans la gestion des affaires publiques. Ce type de concession s'apparente clairement à une forme de démission. C'est donc moins un manque de confiance à l'endroit des autorités sanitaires qu'un manque de dissuasion de la part des autorités politiques et administratives en direction de la société.


Propos recueillis par : Samir ould ali


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