Après trois renvois de l'audience (la première en comparution directe le 7 octobre), le procès de 23 militants, arrêtés le 5 octobre 2020 à Alger-Centre, s'est ouvert hier matin au tribunal de première instance de Sidi M'hamed. Les prévenus, parmi lesquels six jeunes filles et plusieurs étudiants, sont accusés d'attroupement non armé sur la voie publique et de violation d'une "réglementation légalement prise" (interdiction des regroupements dans le cadre des mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus). Lors de leur audition par la présidente de la Chambre correctionnelle, les prévenus ont récusé, avec force, les chefs d'inculpation retenus contre eux. Ils ont affirmé qu'ils ont été interpellés et placés en garde à vue pendant 48 heures de manière arbitraire, considérant qu'ils n'avaient nullement l'intention de manifester ce jour-là. Le Collectif de défense a, justement, bâti ses plaidoiries sur l'absence de preuves corroborant les accusations. Leurs mandants auraient été "embarqués" par les forces de la Sûreté nationale pour leur investissement dans le mouvement citoyen. Me Nassima Rezazgui a clairement relevé le caractère politique du procès. "C'est un procès qui démontre les atteintes aux droits et aux libertés des citoyens", a-t-elle clamé. La juge de siège a aussitôt demandé aux avocats de se limiter aux faits sans déborder sur des commentaires politiques. Assimilant cet avertissement à une censure de la défense, Me Allili Yamina a répliqué : "Je suis là pour défendre des otages d'un régime défaillant. Je suis là pour défendre des droits et des libertés opprimés. Aujourd'hui, je constate que même les droits de la défense ne sont pas respectés. Ce sont des dossiers préfabriqués. Je me retire, comme l'a fait ma consœur Nassima Rezazgui. Je vous laisse prononcer la sentence que vous voulez." Elle a quitté la salle d'audience avec quelques-uns de ses confrères. "C'est flagrant. Les citoyens qui sortent dans la rue exercer leurs droits fondamentaux sont brimés, arrêtés et mis en garde à vue, voire sous mandat de dépôt", rappelle Me Fetta Sadat, députée RCD et infatigable soutien de ses compatriotes poursuivis en justice pour délit d'opinion. Le présentant du ministère public a requis, contre chacun des 23 coaccusés, six mois de prison ferme assortie d'une amende de 50 000 DA. Le verdict sera prononcé le 5 janvier 2021. Au sortir du tribunal, les prévenus et des militants ont scandé des slogans hostiles à une justice instrumentalisée et un régime répressif, recréant, le temps d'une poignée de minutes, l'ambiance des grands moments du Hirak.