Opposition muselée, avocats emprisonnés, observateurs indépendants poursuivis : la campagne présidentielle a encore accentué la répression en vigueur en Ouganda, où le président Yoweri Museveni, âgé de 76 ans et au pouvoir depuis 35 ans, a transformé le coronavirus en allié pour conforter sa domination. Ce pays enclavé d'Afrique de l'Est est habitué à la gestion violente des manifestations ou aux arrestations arbitraires dans les rangs de l'opposition. Mais à l'approche de la présidentielle du 14 janvier, lors de laquelle M. Museveni brigue un sixième mandat, la répression a pris une tournure extrême, selon les défenseurs des droits humains. Et elle inquiète la communauté internationale : fin décembre, l'ambassade des Etats-Unis a averti que "ceux qui minent la démocratie" en Ouganda subiront "des conséquences". "La répression s'est intensifiée dans l'ensemble de la société, pas seulement contre les défenseurs des droits humains", résume Oryem Nyeko, chercheur pour Human Rights Watch. Selon lui, "les choses ont empiré à l'approche des élections". Depuis son accession au pouvoir en 1986, M. Museveni a largement remporté chaque élection lors de scrutins le plus souvent entachés d'irrégularités ou de violences. Le dirigeant se représente grâce à une modification de la Constitution votée par son parti, qui a supprimé la limite d'âge pour la présidence. Selon Amnesty International, les mesures prises pour limiter la propagation de l'épidémie ont été "instrumentalisées" pour intimider l'opposition et ses dix prétendants. L'ancien chanteur de ragga Bobi Wine – de son vrai nom Robert Kyagulanyi –, concurrent le plus sérieux de M. Museveni, a été arrêté ou assigné à résidence à de nombreuses reprises depuis 2018. Une énième interpellation fin novembre a provoqué des manifestations dont la répression brutale par les forces de l'ordre a fait 54 victimes. Fin décembre, les meetings électoraux, déjà limités à des adresses rapides depuis le toit d'une voiture, ont été interdits à Kampala et dans une dizaine d'importants districts, officiellement en raison du nombre élevé d'infections à la Covid-19. La presse n'est pas épargnée. En décembre, deux journalistes couvrant des rassemblements de l'opposition ont été blessés par des tirs des forces de sécurité. Certains journalistes étrangers ont aussi été expulsés quelques semaines avant l'élection, et le régime délivre des accréditations au compte-goutte aux médias internationaux. Pour Muthoki Mumo, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les autorités "démontrent une volonté inacceptable (...) de censurer la couverture" du scrutin.