Les tensions sociales menacent la fragile transition au Soudan, déjà mise à l'épreuve par une féroce lutte entre des civils déterminés à faire aboutir leur révolution et des militaires qui tentent de faire capoter le projet de démocratisation du pays. Le Soudan connaît une nouvelle vague de manifestations sociales ces derniers jours, dans sa capitale Khartoum et plusieurs autres villes importantes du pays, comme Oumdourman, en signe de contestation contre la cherté de la vie et la dégradation de la situation économique dans le pays, en proie aux pénuries de tous genres : essence, pain, médicaments, carburant et denrées de première nécessité. Des manifestants ont barré plusieurs axes routiers à l'est de la capitale et à Oumdourman, ville jumelle de Khartoum à l'ouest du Nil, "à l'aide de pierres, de troncs d'arbre, de carcasses de vieilles voitures et de pneus enflammés", ont rapporté les médias sur place. La police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule, ont-ils ajouté. Cette flambée du front social, marquée notamment par des manifestations de rue et qui menace la paix sociale et la fragile transition politique dans le pays, porte en elle les mêmes ingrédients du soulèvement populaire qui a chassé l'ex-président Omar al-Bachir. À en juger : en décembre 2018, le soulèvement populaire qui a chassé M. Bachir avait notamment été déclenché entre autres par le triplement du prix du pain. C'est ce qui ressort en effet d'un communiqué de l'Association des professionnels soudanais, à l'origine de la révolte populaire fin 2018, qui a déclaré que "les révolutionnaires sont descendus dans les rues de plusieurs quartiers de la capitale et des Etats soudanais, pour dénoncer les politiques de famine et d'appauvrissement adoptées par l'autorité de transition". Et d'ajouter : "Ce sont les mêmes politiques appliquées par l'ancien régime. Ces politiques feront l'objet de résistance pour les faire chuter à nouveau, afin d'imposer des orientations de développement équitables et équilibrées en faveur des travailleurs, des producteurs et de la production." Le Soudan souffre en fait de nouvelles crises du pain, de la farine, du carburant et du gaz domestique, du fait de la hausse du prix du dollar par rapport à la livre soudanaise à des chiffres record (un dollar équivaut à 55 livres sur le marché officiel et 300 sur le marché parallèle). En raison de ces pénuries, les Soudanais font quotidiennement plusieurs heures de queue devant les stations-service, les fours à pain ou encore les pharmacies pour des denrées de première nécessité. Et les pannes d'électricité sont fréquentes. Ainsi, depuis la destitution en avril 2019 de l'ex-président Omar al-Bachir, sous la pression de la rue, ce pays de quelque 40 millions d'habitants s'est enfoncé dans une grave crise économique, héritée de l'ancien régime. Le pays est miné par une dette colossale — 60 milliards de dollars (49,3 milliards d'euros) — et l'inflation a atteint 269% en décembre 2020, le tout accentué par la pandémie de Covid-19. Face aux difficultés économiques auxquelles fait face ce pays, les autorités de transition qui ont adopté la semaine dernière le premier budget du pays, depuis son retrait de la liste noire américaine des pays "soutenant le terrorisme", espèrent une amélioration de la situation, dont une ouverture au système financier international et un éventuel afflux d'investissements étrangers. Début janvier, le Soudan a notamment signé un protocole d'accord avec les Etats-Unis pour l'aider à rembourser sa dette auprès de la Banque mondiale. Egalement, sur le plan politique, le gouvernement de transition, issu d'un accord entre militaires et dirigeants du mouvement de contestation, en place depuis août 2019, a signé un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles.