Liberté : Comment peut-on interpréter le choix des autorités d'aller aux élections en dépit d'un contexte marqué par le retour du Hirak et la persistance de la crise politico-économique ? Louisa Dris Aït Hamadouche : Les élections sont considérées depuis le début du multipartisme comme un instrument de maintien du statu quo. Elles servent à donner l'illusion d'une démocratie qui est en fait une démocratie procédurale qui empêche toute alternance politique par le scrutin. Abdelmadjid Tebboune a reçu plusieurs chefs de partis politiques proches du pouvoir, à l'instar du FLN, du RND et du TAJ, pourtant discrédités et disqualifiés par le mouvement populaire. Que signifie pour vous cette démarche ? Ces rencontres sont très problématiques car elles envoient un message brouillé par rapport à la communication officielle qui tente de convaincre de l'existence d'une Algérie nouvelle. S'appuyer sur l'alliance qui a soutenu le président déchu est un calcul dont la rationalité est difficile à comprendre. Outre ces partis, il semble qu'il privilégie la société civile à travers la mise en place de Nida El-Watan. Comment percevez-vous la composante de la prochaine Assemblée ? La loi électorale présage une Assemblée éclatée avec une multitude de partis politiques et d'indépendants. Le but semble être d'élargir la base électorale à un maximum de clientèles sans qu'une majorité hégémonique ne se dégage. L'Exécutif en sortira encore plus fort. S'appuyer sur ces partis ne risque-t-il pas d'exacerber davantage la crise et de creuser le fossé de la crise de confiance ? C'est une certitude. Le Hirak rejette ces élections. Comment envisagez-vous la suite des événements ? Difficile à dire. Les manifestations sont reparties en force après une interruption de 11 mois. Cela ne s'est jamais vu. Cette reprise signifie que le soulèvement populaire est réellement une lame de fond qui ne s'arrêtera pas avec des mesures répressives ou incitatives. Le Hirak réclame un changement de gouvernance et non des remodelages superficiels. Les mauvais choix des dirigeants font perdre un temps précieux qui aggrave la situation générale et complique la sortie de crise.