Liberté : Pourquoi le recours, encore une fois, à la grève ? Boualem Amoura : La grève est un droit constitutionnel et civilisationnel, et nous y recourons quand cela s'impose. Et puis le ministère de l'Education ne nous laisse pas le choix en fermant toute voie de dialogue. Il n'y avait pas de dialogue officiel depuis plus d'une année entre le partenaire social et le ministère. Le ministère s'est renfermé sur lui-même et gère d'une façon unilatérale les dossiers du secteur. Cela ne risque-t-il pas de provoquer la colère des parents surtout que c'est une période d'examens (devoirs) ? Nous-mêmes sommes des parents d'élèves et donc personne n'a le monopole à ce titre et nous sommes plus que quiconque soucieux du devenir de nos élèves. Les examens ont perdu de leur crédibilité et les parents d'élèves sont contents. Certains parents nous disent : pourvu que nos enfants passent. Le niveau ne les intéresse pas. Regardez le niveau de nos élèves. Des parents d'élèves sont contents que leurs chérubins passent avec une moyenne de 9/20 et de 4,5/10 et que leurs enfants accèdent à l'université avec un bac obtenu avec une moyenne de 9/20 ! Le Satef était le seul partenaire social à être contre ces décisions populistes ! Où étaient-ils ces valeureux parents d'élèves ? Et puis, chacun défend ses enfants à sa manière. Si eux arrivent à subvenir aux besoins de leurs enfants, c'est tant mieux, mais ils doivent savoir que les travailleurs de l'éducation peinent à boucler la fin du mois. Aujourd'hui, vous êtes trois syndicats à unir vos forces et décider d'une grève. Se dirige-t-on vers des actions d'envergure en rangs unis ou comme toujours vers des actions séparées ? Oui, c'est juste un prélude, mais nous sommes condamnés à agir dans l'union, et d'ailleurs, aujourd'hui même, mercredi, une réunion regroupant la majorité des syndicats de l'éducation aura lieu à Alger pour essayer de resserrer nos rangs et de créer une synergie pour aller ensemble vers des actions de plus grande envergure ! Nous sommes condamnés à nous unir pour arracher le maximum de revendications qui sont légitimes, faute de quoi, nous allons continuer à baigner dans la misère. Le Satef est prêt à s'associer avec toutes les forces honnêtes et crédibles pour aller vers une alliance plus forte et pérenne. Qu'est-ce qui retarde, à votre avis, le gouvernement à répondre favorablement à vos doléances ? La classe moyenne n'existe plus en Algérie ! Il y a une classe très riche et une autre misérable. Le gouvernement, au lieu d'aller de chercher les financements nécessaires là où il faut, se contente de prendre son argent au petit fonctionnaire en augmentant l'impôt sur le revenu (IRG), ce qui a saigné le fonctionnaire, alors que certains secteurs ne paient pas un centime d'impôts. Nous exigeons de réduire l'impôt sur le revenu d'une façon conséquente pour tous les travailleurs de l'éducation. Le gouvernement ne veut pas écouter car il est de nature sourd et incompétent. Ce gouvernement doit savoir que le secteur de l'éducation est un secteur stratégique et que l'Etat doit mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires pour aller vers une école publique de qualité pour tous. Il doit mettre le paquet. La situation est-elle si dramatique ? C'est la goutte qui a fait déborder le vase. Les travailleurs de l'éducation faisaient partie de la classe moyenne jusqu'au début des années 90. Celle-ci est devenue aujourd'hui une classe pauvre. À voir la situation dramatique de leurs enseignants, les élèves ne croient plus aux études. Leurs enseignants leur renvoient une piètre image de la réussite en poursuivant leurs études. Et même notre maigre salaire n'est pas versé dans les délais requis. Après un mois de dur labeur, le fonctionnaire doit s'exhiber devant des bureaux de poste pour retirer "sa petite bourse". Le travail d'enseignant est un travail rude et usant, et c'est pour cela que nous revendiquons aussi une retraite après 32 ans de service. Il doit être classé parmi les métiers pénibles. Le gouvernement fait la sourde oreille comme il le fait aussi pour la refonte radicale du système éducatif. Il n'y a pas de volonté d'aller vers une école publique de qualité.Nous devons revoir les programmes, les méthodes d'enseignement, les méthodes de recrutement, la réouverture des instituts de formation d'enseignants, les rythmes scolaires et même l'architecture de nos établissements scolaires. L'école algérienne va mal et va de mal en pis. Le Satef a mis en garde le gouvernement contre une explosion sociale avant 2019, mais vu l'esprit arrogant de nos gouvernants, ils n'écoutaient personne. Aujourd'hui, nous persistons à tirer la sonnette d'alarme et à dire à nos gouvernants : "Vous devez écouter et répondre favorablement à nos doléances."