La Ligue arabe devait examiner la demande libyenne de rupture diplomatique avec la Bulgarie suite à la grâce présidentielle dont les infirmières condamnées par la Libye ont bénéficié “en violation de l'accord signé entre les deux pays”. Il a un certain culot pour oser ainsi solliciter de l'organisation des pays arabes une action de solidarité dans une de ses démêlés diplomatiques dont il a la recette et qui se résolvent toujours à coups de millions de dollars. Après avoir régulièrement invectivé ses pairs de la Ligue et dénoncé une organisation qu'il a, en 2003, jugé “pas pertinente” dans le contexte international d'alors. Pour appel, en mars 2002, Al-Kadhafi annonçait qu'il demandait aux Congrès populaires, ses instances délibératives maison, d'étudier la possibilité que son pays quitte l'organisation panarabe. Au sommet de Charm El-Cheikh, il s'en prit violemment au roi Abdallah d'Arabie. En mai 2004, il quitte le sommet arabe de Tunis en plein discours inaugural de Amr Moussa, sous prétexte que sa proposition surréaliste d'Isratine, Etat israélo-palestinien, n'ait pas été retenue dans l'ordre du jour. Il indique à nouveau qu'il demanderait à ses Congrès populaires d'étudier l'option de se retirer de la Ligue arabe. Le 4 octobre de la même année, il refait la même annonce. En mars 2005, à Alger, il fait moins de frasques, mais n'omet point de faire patienter ses homologues avant de rejoindre le sommet. Celui qui fut d'abord le chantre du panarabisme en est revenu, probablement parce qu'il a été éconduit dans ses projets de fusion avec beaucoup de pays dont l'Egypte, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. Découvrant tour à tour l'identité africaine, et même parfois amazigh de la Libye, il n'a cessé depuis quelques années de provoquer d'autres chefs d'Etat arabes à l'occasion de leurs sommets de palabres. Face au toupet d'Al-Kadhafi appelant à la solidarité arabe, il fallait aussi une dose de complaisance à ses pairs pour souffrir les exigences d'un homologue qui, de fait, a reconnu les pratiques douteuses de son Etat en dédommageant les victimes de l'attentat de Lockerbie et de l'avion de l'UTA, en livrant ses agents à la justice internationale et en acceptant le démantèlement de son industrie d'armement. Al-Khadafi ne pouvait pas ignorer que la Bulgarie allait libérer ses ressortissants : en payant une compensation, elle exprimait le point de vue qu'il ne s'agissait pas d'une affaire de droit. En acceptant une compensation financière, la Libye donne raison à la partie “adverse”. S'il ne s'agissait que de l'intérêt des enfants contaminés, les deux questions de la responsabilité pénale et des dommages ne seraient pas liées. Au demeurant, la Libye a négocié, seule comme une grande, avec l'Europe, la Bulgarie et la France. Si Al-Kadhafi avait quelque considération pour l'organisation arabe, et même si le prétexte n'était pas des plus prestigieux, il aurait invité la Ligue arabe à se poser en interlocuteur, d'ensemble politique à ensemble politique, à l'Union européenne. En répondant à une telle démarche, la Ligue arabe confirme sa syndicale finalité : s'entraider entre chefs d'Etat en faisant fi de leurs égarements individuels. Cela, ce sont leurs peuples respectifs qui en paient les frais. M. H. [email protected]