Il est une autre question, essentielle celle-là, à laquelle Bouteflika se garde bien d'apporter une réponse : quelles raisons l'avaient poussé à démettre Ali Benflis de ses fonctions ? Le départ de Ali Benflis, plutôt son limogeage, n'a pas entraîné de changements notables dans la composante du gouvernement. Le remaniement opéré au sein de l'Exécutif est, en effet, trop léger pour signifier que le chef de l'Etat a échafaudé un nouveau plan d'action pour enrayer les pannes qui entravent les ambitions de la société. Lesquelles ambitions, il est vrai, ne recoupent pas et n'agréent pas, encore moins, les prétentions du régime à la pérennité. Au reste, Bouteflika pouvait-il logiquement tenter de revoir sa copie à quelques mois d'une échéance aussi capitale, à ses yeux surtout, que la présidentielle de 2004 ? Il se charge lui-même de répondre à la question : “La composition du gouvernement (…) reflète le souci (du chef de l'Etat) de garantir la continuité dans la gestion des affaires du pays (…)”, lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres tenu hier. Mais il est une autre question, essentielle celle-là, à laquelle il se garde bien d'apporter une réponse : quelles raisons l'avaient poussé à démettre Ali Benflis de ses fonctions ? La question est d'autant plus légitime que l'argument de la continuité ainsi avancé aurait dû plaider, plutôt, pour son maintien. L'éviction du patron du FLN a, certes, pu être décidée pour châtier, voire humilier un collaborateur qui, au lieu de se contenter d'exister à l'ombre du roi, s'est pris à croire qu'il est promis à un autre destin, plus valorisant. On sait, en effet, que Bouteflika n'aime pas qu'on le contrarie et que cela nourrit chez lui une sorte d'allergie au débat contradictoire. Ceux qui, certes peu nombreux, s'échinent à donner de lui l'image d'un homme ouvert, sous le règne duquel fleurira la démocratie en seront pour leur crédulité ou leur mauvaise foi, c'est selon. Mais là n'est pas le propos. Infliger une “punition” à Benflis relève donc d'une tentation qui sied parfaitement au profil psychologique de Bouteflika. Mais pas seulement. Elle correspond également à ses besoins conjoncturels, tant l'opération lui offre l'opportunité de désigner à la tête de l'Exécutif un responsable qui exécute, sans état d'âme, les ordres et instructions. Ahmed Ouyahia aura, en vertu de ses nouvelles fonctions, et sauf autre changement, à présider la Commission nationale de préparation de l'élection présidentielle. Les élections du 5 juin et du 23 octobre 1997 font de son curriculum vitae en la matière une carte de visite qui avait de quoi séduire un Bouteflika plus que jamais en manque de soutiens. La fraude en marche, voilà peut-être qui pourrait expliquer le petit coup d'Etat de ce début mai. S. C.