Santé: M. Saihi s'entretient avec son homologue tunisien    L'Iran affirme avoir frappé avec succès l'entité Sioniste    Ministère iranien de la Santé: les attaques sionistes ont fait au moins 224 martyrs depuis vendredi    L'Iran promet une réponse dévastatrice aux attaques sionistes    Foot/CAN féminine 2024 (décalée à 2025) : début du stage des Algériennes à Oran    Une illusion utile à ceux qui gouvernent    Poumon du développement, améliorer la gestion de la politique des transports en l'Algérie    Une nouvelle nuit d'escalade    De nouveaux avions dès septembre pour transformer Alger en hub régional    Du football pour le plaisir des yeux    C'est parti !    Ghaghaa, la fontaine oubliée... ou l'art d'assoiffer la mémoire    Ooredoo organise une opération de nettoyage de forêt à Jijel    Les lauréats de l'édition 2025 couronnés    BAC 2025: une organisation rigoureuse et des conditions favorables ont marqué le premier jour    Campagne moisson-battage 2025: le président de la République ordonne d'œuvrer pour des résultats supérieurs à ceux de la saison précédente    Athlétisme/5e Journée Elite & Jeunes Talents: Nouveau record national du 400 mètres pour Ismaïl Bouaziza chez les U18    Mascara: inhumation du Moudjahid Khatir Abdelkader    Le ministre de la Santé rencontre à Tunis le Directeur pays de la BM pour le Maghreb et Malte    Le ministère de la Justice lance des sessions de formation au profit des magistrats et fonctionnaires    Cyclisme/Tour du Cameroun: Islam Mansouri vainqueur du maillot jaune de la 21e édition    L'Observatoire national de la société civile tient sa septième session ordinaire    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Baccalauréat 2025: la première journée des épreuves marquée par une bonne organisation dans les wilayas de l'est du pays    Emission d'une série de timbres postaux intitulée "femmes et hommes de théâtre"    Plus de 878 mille candidats entament ce dimanche les épreuves du baccalauréat    La folie fatale de Netanyahou qui le rapproche de sa fin !    Une fin de saison en toute sportivité    Ce qu'il faut savoir sur la Coupe du monde des clubs    Le Monde au chevet de l'armée d'Israël ou comment on fabrique l'innocence    Des chercheurs ont créé un outil pour repérer les ouvrages toxiques    Chargé par le président de la République, le Premier ministre préside la cérémonie de remise du Prix du Président de la République pour les jeunes créateurs    Lundi 30 juin 2025, dernier délai pour soumettre les candidatures    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    L'Algérie est en mesure de relever toute sorte de défis !    Une série d'accords signés entre l'Algérie et le Rwanda    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Alimentation des paléoberbères
Publié dans La Nouvelle République le 19 - 08 - 2016

Quelles étaient les ressources alimentaires des hommes de la préhistoire ? De quelles quantités disposaient-ils ? Comment les utilisaient-ils ? C'est ce que l'on tente de savoir en examinant les rejets d'alimentation recueillis au cours d'une fouille. Ces rejets fournissent des renseignements précieux, mais malheureusement partiels, car ils ne représentent pas la totalité des produits qui furent effectivement consommés.
Les coquilles d'escargots entrent pour 35 à 40 % dans la composition de ces dépôts ; il y en a 200 m3 représentant 75 à 80 millions d'individus à Dra-Mta-el-Abiod, escargotière d'importance moyenne, située à 26 km au sud de Tébessa ; il y en a 3 000 m3, représentant 300 à 320 millions d'individus au Kanguet-el-Mouhaâd, escargotière exceptionnellement importante, proche de la frontière tunisienne.
Comment ont-ils été consommés ? Quand les animaux sont vivants, il est très difficile de les extraire sans briser la coquilles, or, celles-ci sont entières et intactes dans les gisements (si elles n'ont pas été broyées par un piétinement prolongé). Ils ont probablement été cuits ou noyés. Non pas directement grillés sur les braises, mais vraisemblablement bouillis.
Les Capsiens, ignorant la céramique, ont dû utiliser des récipients creusés dans le bois ou faits de cuir, de membranes animales ou de fibres végétales et dont l'eau était portée à la température convenable, soit par exposition à un foyer, soit par immersion de pierres préalablement chauffées, une partie des pierrailles mêlées aux cendres ayant pu servir à cet usage.
On ne constate pas sans surprise qu'ils ont préféré un mode de préparation infiniment plus long et plus compliqué à la rapide et facile cuisson directe sur les braises. On serait tenté de croire qu'ils se sont nourris principalement d'escargots si l'on ne trouvait, dans les escargotières, de nombreux débris osseux de vertébrés. Ces débris appartiennent à 28 espèces différentes : des ruminants, un équidé, des carnivores, des rongeurs, des oiseaux, et des reptile.
Une antilope domine dans tous les inventaires des faunes mammaliennes des gisements capsiens : il s'agit de l'alcélaphe ou antilope bubale (Alcelaphus boselaphus). Ce ruminant assez disgracieux, au garrot surélevé et à l'arrière-train ravalé, dont la face paraît démesurément allongée, était encore, au cours des derniers siècles, avec la gazelle, l'antilope la plus répandue en Afrique du nord. Son extinction est très récente. Non seulement l'antilope bubale est représentée très souvent dans les escargotières (on l'a reconnue dans 29 des gisements capsiens dont la faune a été étudiée) mais encore est-elle très abondante dans chacune.
Comment était consommée la viande du gibier ?
Certainement cuite. Mais cuite comment ? Les débris osseux calcinés sont rares, et ceux qui ont subi l'action du feu sans être soumis à calcination ne sont eux-mêmes pas très nombreux (15% à 20%). Il semble que les Capsiens n'aient que rarement pratiqué la cuisson directe, à la chaleur des braises, de quartiers de gibier avec leurs os.
Aussi bien, avaient-ils maintes autres possibilités : rôtir l'animal entier dans sa peau à la manière des aborigènes d'Australie ou des chasseurs touaregs (voir Abatūl*), utiliser comme marmite une panse de ruminant ainsi que le faisaient les Indiens d'Amérique du Nord, employer des pierres préalablement chauffées pour cuire les aliments à l'étouffée ou pour porter à ébullition l'eau d'un récipient les contenant, tout simplement découper des grillades et des brochettes.
On recueille dans les cendres des plaques calcaires couvertes d'incisions légères qui ont été vraisemblablement des planches à découper ; la rareté des traces laissées sur les os par les outils de silex ne prouve pas qu'il n'y a pas eu décarnisation mais seulement que le découpeur était habile et expérimenté. Les petits animaux (lièvre, tortue) ont probablement été bouillis car les os en sont toujours intacts ; quant aux gros os, ils ont été systématiquement brisés pour en extraire la moelle.
La masse du gibier consommé peut être évaluée approximativement à partir de l'inventaire des restes faunistiques et de la détermination du nombre minimal des individus de chaque espèce. Pour l'ensemble de la population du site, la chasse aurait fourni au moins les 5/6 de l'approvisionnement en chair animale, les escargots au plus 1/6. On arrive, à Dra-Mta-el-Ma-el-Abiod, à des conclusions à peu près exactement inverses ; c'est que les méthodes d'approche diffèrent.
Ayant découvert que certains échantillons des dépôts archéologiques sont imprégnés de matières d'origine organique, D. Lubell est parti de cette constatation pour évaluer à environ 500 000 kg la masse de chair comestible tirée des vertébrés. Comparé à celui que nous avons retenu pour Dra-Mta-el-Ma-el-Abiod (16 000 kg pour 550 m3 de dépôts), ce chiffre de 500 000 kg (pour 944 m3 de dépôts) paraît énorme. Il est possible que les Capsiens de l'Aïn Misteheyia aient été de plus gros mangeurs de viande que ceux d'El-Ma-el-Abiod ;
Il est vraisemblable que la méthode de calcul fondée sur l'imprégnation du sol conduise à surestimer l'importance du gibier ou que celle fondée sur le dénombrement des restes osseux conduise à la sous-estimer ; de nouvelles recherches en décideront.
Bien qu'il ait attribué à la chasse un rôle qui nous paraît trop important, D. Lubell estime lui aussi qu'elle n'a assuré aux Capsiens de l'Aïn Misteheyia qu'une partie de leurs besoins alimentaires et que le complément a été demandé principalement au règne végétal. L'ordre de grandeur des ressources alimentaires que représentent les rejets conservés à Dra-Mta-el-Ma-el-Abiod suggère la probabilité d'une occupation discontinue. Mais elle a pu être discontinue sans comporter une alternance régulière de présence et d'absence.
Chacun des deux modèles de vie que l'on peut envisager pour les Capsiens : sédentarité ou nomadisme, explique bien certains faits mais, en même temps, soulève de graves difficultés et il est permis d'hésiter entre eux. Si les capsiens ont déserté les escargotières à la mauvaise saison, où sont-ils allés ? Comment se fait-il qu'on ne retrouve aucune trace de leurs campements d'hiver ?
Plus que les escargots, les œufs d'autruche et d'autres oiseaux et que la chair des animaux chassés ou pris au piège, des herbes diverses, des plantes à bulbe, des bourgeons et des fruits sauvages devaient assurer une partie importante de l'alimentation. La principale ressource devait être cependant les graines de graminées ou de légumineuses qui avaient en outre l'avantage de pouvoir être conservées.
Le nombre des gisements capsiens, quelles que soient leur durée respective et leur réelle signification démographique, révèle un accroissement de la population qui n'a son équivalent ailleurs que dans les phases avancées du Néolithique.
Aussi est-il tentant de faire ce rapprochement et de se demander si les Capsiens, comme les Néolithiques, ne possédaient pas déjà les techniques de production qui ont permis à l'humanité de progresser si rapidement. Les capsiens étaient-ils déjà agriculteurs ?
Il faut tenir compte de certains éléments de l'équipement capsien qui pourraient se rapporter à l'agriculture. Le premier objet attirant l'attention est la lame, à bord abattu ou non, portant un lustre parfois très marqué au voisinage du bord et s'étendant sur les deux faces de ces couteaux. On a l'habitude de la qualifier de «lustre des moissons» car on pense qu'il fut provoqué par le frottement contre la lame des tiges de graminées tranchées par le moissonneur.
De telles lames ont été reconnues dans plusieurs gisements capsiens mais elles restent assez rares ; seraient-elles beaucoup plus nombreuses que leur présence ne suffirait pas à prouver que les Capsiens étaient des agriculteurs. Non seulement le fait de couper des tiges de graminées ne prouve pas que l'on cultive des céréales, mais encore faut-il bien admettre que le «lustre des moissons» peut être provoqué par la coupe des tiges non consommables mais fort utiles comme les roseaux, par exemple, qui pouvaient servir aussi bien à la confection de pièges qu'à la fabrication de vannerie ou à la couverture des habitations.
D'autres outils, composites ceux-ci, ont été plus étroitement liés à l'agriculture et aux moissons puisqu'il leur fut donné le nom de faucilles. La mieux conservée provient du niveau capsien de Columnata : il s'agit d'un manche droit de 21 cm aménagé dans une côte de grosse antilope ou d'équidé dont une extrémité est creusée d'une rainure de 0,09 m de long et de 0,014 m de profondeur.
Dans cette saignée sont logés trois microlithes (un triangle scalène et deux lamelles à bord abattu, ce qui prouve la vanité de notre nomenclature typologique). (P. Cadenat, 1960, J. Tixier, 1960). Ces microlithes étaient logés verticalement perpendiculairement à l'axe du manche ; leur tranchant était dirigé vers l'intérieur ce qui laisse entendre que l'outil, s'il servait à couper, était effectivement manié en ramenant vers soi, suivant un mouvement semi-circulaire, les tiges à couper. C'est bien le geste du moissonneur.
Le gisement de Columnata avait, antérieurement à la découverte de cet objet, déjà livré un autre manche brisé portant également dans une rainure longue de 11 cm, quelques éléments de silex à bord abattu, tous brisés au ras de l'os. D'autres manches ayant perdu leurs éléments de silex ont été trouvés dans des gisements capsiens : à l'Aïn Kéda, à Mechta el-Arbi et au Relilaï. Même si ces outils composites étaient réellement des faucilles, ils ne permettent pas plus que les lames portant le «lustre des moissons» d'affirmer que les Capsiens étaient des agriculteurs.
On ne peut abandonner le sujet de l'agriculture sans mentionner les instruments de broyage indispensables dans la consommation des graines dures de céréales. Si les molettes de formes diverses sont fréquentes dans les inventaires des gisements capsiens, les auteurs ont généralement négligé de mentionner les meules qui auraient dû les accompagner. En fait, les rares pierres plates découvertes dans les couches archéologiques capsiennes portent le plus souvent des traces de couleur (Relilaï) ou présentent de fines incisions (Medjez II) qui font penser qu'elles servaient plutôt de planches à découper.
Elles sont toujours rares. Aucun document archéologique ne permet donc de croire que les Capsiens pratiquaient déjà une véritable agriculture. La date assez récente de nombreuses escargotières que nous savons être contemporaines du Néolithique méditerranéen rend toutefois vraisemblable l'hypothèse selon laquelle les Capsiens se livraient à une cueillette de plus en plus sélective et faisaient déjà des réserves de graines.
Cette « végéculture » est le premier pas vers une vraie agriculture ; mais ce stade économique peut se maintenir sans changement pendant des millénaires : dans toute l'Afrique sahélienne la récolte des graines comestibles de nombreuses espèces de graminées non cultivées fournit non seulement un appoint mais souvent une part importante de l'alimentation d'origine végétale.
Bien que les renseignements qu'on en tire soient inévitablement incomplets, les données recueillies au cours des fouilles montrent donc que les Epipaléolithiques de l'Afrique du Nord avaient fondé leur économie sur l'abattage des vertébrés et sur la cueillette ou le ramassage.
(Suite et fin)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.