À l'occasion du Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, le célèbre photographe iranien Alfred Yaghobzadeh expose quelques-unes de ses œuvres sur les murs de la cité normande. Qu'on s'y intéresse ou pas, on ne peut les ignorer, elles sautent aux yeux et interrogent, indignent. En grand format, les photographies d'Alfred Yaghobzadeh ornent les murs d'un parcours qui longe la rivière, l'Aure. Chaque image rapportée par le reporter de guerre parle d'elle-même, résume l'un des conflits qui a ou qui ensanglante toujours la planète. La famine en Somalie en 1992, le calvaire des Yezidis en Irak en 2015, une femme pleurant son futur époux mort durant le conflit dans le Haut-Karabakh en 1991, le début du «printemps arabe» place Tahrir en 2011, une flagellation au Pakistan en 1987, mais aussi Paris en 2003 durant les manifestations contre les retraites, le conflit israélo-palestinien, la guerre du Vietnam, la révolution roumaine, etc. Autant d'événements qui ont bouleversé la marche du monde ; autant de clichés qui ont fait connaître au monde ce qui se passait autour de la planète. Un talent reconnu très tôt Les témoignages photos d'Alfred Yaghobzadeh ont fait la Une des plus grands journaux et magazines dont Time, Geo, Le Figaro, National Geographic, Newsweek, Life, El Pais, The Guardian, etc. Ils se distinguent de toute autre photo par la force de leurs couleurs et de leurs contrastes. Né en 1959 à Téhéran en Iran, d'une mère assyrienne et d'un père arménien, Alfred Yaghobzadeh est encore étudiant aux beaux-arts quand il photographie la révolution iranienne. Mais son travail ne plaît pas au pouvoir. Il travaille déjà pour les plus prestigieuses agences de photos, Associated Press, Gamma, Sygma. Il quitte donc l'Iran pour le Liban d'abord, au début des années 1980, où il est blessé par un éclat de grenade puis pris en otage huit semaines par le Hezbollah. Puis il s'envole vers l'Afghanistan auprès des moudjahidines qui s'opposent aux Soviétiques. Il sera ensuite présent aux premiers jours de l'Intifada en 1987, un conflit qu'il couvrira durant plus de dix ans. «J'essaie de dépeindre la réalité telle que je la vois. Sans exagérer l'émotion ou l'esthétique. En tant que photographes, nous apprenons sans cesse sur le terrain et sur nous-mêmes. C'est un processus sans fin.» Alfred Yaghobzadeh immortalisera aussi la guerre Iran-Irak, la chute du mur de Berlin, Grozny sous le feu en Tchétchénie, conflit durant lequel il sera une nouvelle fois gravement blessé… Un bref retour en Iran À 47 ans, Alfred Yaghobzadeh, qui a reçu récompenses et prix en pagaille (dont le premier Prix World Press 1986, distinction suprême en photojournalisme, pour ses reportages sur la guerre du Liban), retrouve son pays natal. Un retour qui ne dure pas puisqu'en 2009, il est déclaré persona non grata après avoir témoigné durant les émeutes entourant les élections. Après avoir couvert une partie des conflits de ces quatre dernières décades, il dit : «Je ne porte aucun jugement, je suis tel un invité, et comme un miroir, je montre ce que je vois. Mais je constate que l'usage de la liberté est mal compris. Les opprimés qui se libèrent de leur joug deviennent à leur tour, très vite, des oppresseurs. Comme si l'être humain ne pouvait sortir de ce cercle infernal. Il fait subir à l'autre ce que lui-même a subi. Ça me laisse un peu perplexe. Je me demande si cela valait la peine de prendre tous ces risques et de croire à toutes ces révolutions». L'exposition Miroir sur le monde est un témoignage puissant des 40 dernières années de conflits, de la cruauté qui peut parfois saisir l'être humain.