Le ministre de la Justice préside la cérémonie d'installation du président de la Cour et du procureur général près la Cour de Constantine    Intégration numérique dans les cités universitaires : signature d'une convention entre l'ONOU et l'opérateur de téléphonie mobile "Djezzy"    Ce pays qui est le mien    Le CHAN démarre Les Verts finalistes de la dernière édition, visent une performance honorable    La Tanzanie secoue le Burkina Faso    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    Mustapha Adane, une vie de création entre mémoire et matière    L'ambassadeur d'Egypte en Algérie souligne le caractère stratégique des relations entre les deux pays    L'ambassadrice du Soudan exprime sa gratitude envers l'Algérie pour ses positions en faveur de son pays    Championnat arabe masculin 2025: retour triomphal à Alger de l'équipe nationale algérienne, vainqueur du titre    Rentrée universitaire 2025-2026 : début des cours dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur le 13 septembre prochain    Jeux africains scolaires (JAS-2025) Tennis - doubles : quatre médailles pour l'Algérie, dont deux en argent    Protection des données à caractère personnel: l'ANPDP informe l'ensemble des acteurs des amendements apportés à la loi    Le président du Conseil de la nation reçoit l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en Algérie    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Jeux Africains scolaires (JAS-2025): 5 médailles dont 4 en or pour l'équipe d'Algérie d'Equitation    Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la Confédération suisse    Journée nationale de l'ANP: un lien sacré avec le peuple et une doctrine défensive ancrée    Palestine: plus de 3000 colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade d'Al-Aqsa    Boumerdès: coup d'envoi de la 13e édition de l'Université d'été des cadres du Front Polisario    Une première place en or pour l'Algérie    Le ministre des transports annonce une augmentation du nombre de vols et l'ouverture de nouvelles lignes    L'Europe piégée et ensevelie    « Coûteux, insuffisants et inefficaces »    Une ville clochardisée    3.761 interventions à travers le territoire national    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha honore les Cadets de la nation lauréats du Baccalauréat et du BEM    L'économie de l'Algérie se porte L'économie de l'Algérie se porte biende l'Algérie se porte bien    L'élégance d'un artiste inoubliable    La célèbre statue féminine de Sétif au statut toujours contesté    Le ministère de la Culture organise un atelier international de formation sur le patrimoine mondial en collaboration avec l'AWHF    La délégation parlementaire algérienne tient une rencontre de travail avec la délégation autrichienne    Biskra commémore le 59 anniversaire des "massacres du dimanche noir"    Initiative Art 2 : 16 porteurs de projets innovants dans le domaine des industries culturelles et créatives retenus    Renforcement des perspectives de coopération dans le domaine de la jeunesse entre l'Algérie et la Chine    Le héros national, le Brigadier de Police Mellouk Faouzi s'en est allé    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Aux origines féminines de la négritude
Portrait de l'écrivaine Suzanne Lacascade
Publié dans La Nouvelle République le 15 - 07 - 2020

Suzanne Lacascade est l'auteure d'un seul livre, Claire-Solange, âme africaine, qui lui vaut en 1924, le prix Montyon de l'Académie française avant de retomber immédiatement dans l'oubli.
Redécouvert par Maryse Condé qui l'inclut dans ses enseignements au cours des années 1970, l'ouvrage est aujourd'hui perçu surtout outre-Atlantique comme précurseur de la négritude et de l'intersectionnalité. Au 60 rue de la Fontaine, dans le 16e arrondissement, l'Hôtel Mezzara, chef-d'œuvre Art nouveau d'Hector Guimard, connu pour être le concepteur des stations du métro parisien, se souvient encore d'avoir abrité, à partir de 1930, un cours privé tenu par les sœurs Lacascade, qui en avaient acquis la propriété. On peut ainsi y voir, sous vitrine, au hasard des ouvertures au public orchestrées par le Cercle Guimard, qui rêve de changer les lieux en un musée dédié à l'architecte, l'un des 30 exemplaires de l'édition originale de Claire-Solange, âme africaine. Ce livre, le premier écrit en français par une Antillaise noire, raconte l'histoire d'une jeune fille de 19 ans, fille d'une «mulâtresse» morte en couches et d'un officier colonial. Elle débarque à Paris, chez sa tante paternelle…
Le «nous» de l'identité noire
Au début des années 1920, le Second Empire colonial français est à son apogée. Durant la guerre du Rif, il a même usé de toutes les horreurs de la guerre moderne pour écraser la révolte. Les rares écrivains noirs qui s'expriment en France sont assimilationnistes, comme René Maran, prix Goncourt avec Batouala en 1921, ou naïvement coloniaux, comme Bakary Diallo, auteur de Force bonté, en 1926. Cela n'empêche pas le premier de faire scandale et le second d'être soupçonné d'être un simple prête-nom. Surtout, aucun d'entre eux n'est une femme. Assimilationniste, le père de l'écrivaine l'est aussi, tour à tour député et gouverneur, pas assez semble-t-il pour que le peintre Gauguin ne sombre pas dans l'abjection en le caricaturant en singe.
L'héroïne de sa fille, elle, est beaucoup moins modérée, du moins dans la première partie du roman. Bien que «quarteronne» – Suzanne Lacascade est «mulâtresse», comme ses deux parents –, elle semble n'être venue en métropole que pour «glorifier la race noire» auprès de sa tante blanche du 16e arrondissement. De la France, rien ne la séduit, ni la misère des fortifs, ni l'hiver glacé du Nord, tout ce qu'elle décrit, bien avant Theodor W. Adorno, comme une «vie mutilée». Au fil des pages, elle affirme en un «nous» triomphant une identité noire qui rassemble Afrique et Antilles et décrit une continuité d'oppression de l'esclavage à l'asservissement de la vie ouvrière en métropole, en passant bien sûr par le colonialisme omniprésent. Ainsi décrit-elle horrifiée un contrôleur noir dans le métro, «enfoui dans cette blancheur vernissée, comme dans un sarcophage où l'auraient muré des Européens».
«Je suis Africaine»
L'Afrique, qu'elle ne connaît pas, lui sert de secours mythologique où puiser un passé épique dont les Antilles lui semblent privées. Sa généalogie, surtout, est exclusivement féminine. Son livre n'est-il pas dédié «à ses aïeules d'Afrique, à ses grand-mères créoles», avec une nette préférence pour les premières si l'on en croit ce passage : «Je suis Africaine, clamait Claire-Solange, persuadée que cette déclaration intéressait l'univers... Africaine, par atavisme et malgré mon hérédité paternelle ! Africaine comme celle de mes aïeules, dont nul ne sait le nom sauvage, et que la traite fit échouer esclave aux Antilles, la première de sa race. Ou encore celle qui, sur la côte du Zanguebar, avait dix-neuf maris pour lui tuer du gibier, lui porter ses colis. Si elle quittait un village, on allumait les arbres, en guise de torches, sur son passage ; quant à ses dix-neuf maris, ou vingt-neuf, je ne sais plus bien... – Tais-toi, balbutie la tante blanche. Tais-toi !...» Mais Claire-Solange ne peut se taire : «Mes grand-mères caraïbes, je les méprise, un peu ! Figurez-vous, tante, que, dans cette race, les femmes sont très asservies ; après la naissance des enfants, c'est le père qui se couche, pour recevoir les visites de félicitations tandis que la mère retourne à ses travaux d'esclave.»
Les sources féminines de la négritude
Il y a chez cette adolescente enflammée quelque chose de la radicalité de ses contemporains dadaïstes. Si la fin du livre fait d'elle un être beaucoup plus rangé, les graines semées au fil des pages sont de celles que déposeront encore au début des années 1930, les sœurs Nardal et la Revue du Monde noir, puis dans l'ombre des «grands hommes» de la Négritude, l'immense Suzanne Roussi-Césaire. Dans un texte émouvant écrit par Emmanuelle Gall, petite-fille de Suzanne Lacascade, on peut lire ceci : «À sa mort en 1966, elle n'a laissé d'autre héritage que son roman et une poupée antillaise : une «popote» de cuir fabriquée sous le Second Empire, que ma grand-mère m'a transmise de sa part lorsque j'avais neuf ou dix ans.» On ne peut que faire le lien avec la collection de Black dolls africaines-américaines récemment présentée à la Maison Rouge, et à cette double identité féminine et noire qu'elles incarnent à défaut de la crier. À la différence de beaucoup d'entre elles cependant, la «popote» de Suzanne Lacascade possède une bouche, et les mots qu'elle pourrait prononcer sont ceux de Claire-Solange, des mots de femme noire, les tout premiers de la négritude.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.