L'ONU a tiré la sonnette d'alarme face à la détérioration de la situation politique au Mali, où le processus démocratique s'étiole au profit d'un pouvoir de plus en plus répressif. En cause, une série de mesures adoptées par la junte à la tête du pays depuis 2020, allant dans le sens d'une concentration des pouvoirs entre les mains de l'actuel chef de l'Etat, le général Assimi Goïta. «Ces changements juridiques ont fermé la porte à toute élection démocratique au Mali dans un avenir prévisible», a tranché Volker Türk dans un communiqué, qui appelle à rétablir de toute urgence les libertés fondamentales des Maliens. Près de cinq ans après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, suite à un coup d'Etat militaire condamné par le Conseil de sécurité de l'ONU, les promesses de transition vers un régime civil semblent oubliées. Depuis l'élection de M. Keïta en 2018, le pays n'a connu aucune élection présidentielle. Le 8 juillet dernier, une loi a consacré la possibilité pour M. Goïta de prolonger son mandat sans élection « autant de fois que nécessaire, jusqu'à la pacification du pays». Deux mois plus tôt, un décret présidentiel avait déjà dissous tous les partis et «organisations à caractère politique ». Pour le Haut-Commissaire aux droits humains, ces mesures violent le droit des citoyens « de participer aux affaires publiques, de voter et d'être élus». Répression tous azimuts Cette dérive institutionnelle s'accompagne d'un durcissement sécuritaire. L'ancien premier ministre Moussa Mara en a fait les frais. Cet opposant au régime a été arrêté le 1er août pour « atteinte à la crédibilité de l'Etat et opposition à l'autorité légitime », « solidarité indéfectible avec les détenus d'opinion ». Volker Türk a dénoncé une « instrumentalisation de la loi contre l'expression de la dissidence » et s'est inquiété d'une augmentation marquée du nombre d'arrestations de Maliens issus « de tous les milieux de la société », réduits au silence par des chefs d'inculpation similaires à ceux visant M. Mara. Le pays reste par ailleurs la cible régulière d'attaques djihadistes menées par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), qui est affilié à Al-Qaïda, et par Daech – deux groupes terroristes qui sévissent dans cette région d'Afrique de l'Ouest, à la frontière du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ces violences meurtrières servent de justification aux opérations de l'armée malienne, épaulée par les mercenaires de l'Africa Corps, une organisation paramilitaire russe qui a succédé au Groupe Wagner. Mais ces ripostes frappent également les populations civiles maliennes. Le bureau de Volker Türk fait notamment état, depuis le moins d'avril, de « centaines d'exécutions extrajudiciaires, d'arrestations et de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d'autres enlèvements commis par toutes les parties au conflit ». Dans un pays déjà éprouvé par l'instabilité, le constat des Nations Unies est sans appel : la suspension indéfinie des élections, ajoutée à la répression généralisée, risque de plonger durablement le Mali dans un cycle d'impasse politique et de violences.