La France est dans une situation prérévolutionnaire. Une France prérévolutionnaire car ceux d'en bas ne veulent plus, et ceux d'en haut ne peuvent plus. La preuve : des gouvernements ne cessent de tomber, les têtes de gouvernement sont décapitées par des députés qui siègent dans un Parlement chaotique dépourvu de majorité, un Premier ministre (Bayrou), à la veille de la journée de blocage de la France le 10 septembre, saborde délibérément son gouvernement pour s'éviter l'humiliation de la débandade provoquée par le peuple en furie, son successeur (Lecornu), conscient de l'impuissance voire de l'inutilité de sa fonction tant la crise est insurmontable, annonce sa démission à peine nommé à Matignon, une France privée de budgets, un pouvoir affaibli, un président autoritaire mais sans autorité, des marges de manœuvre introuvables sinon par la compromissions des appareils politiques, etc. En tout cas, l'effondrement du pouvoir, des institutions, de la finance et de l'économie de la France, en un mot de l'ordre social, se précise, s'accélère. C'est dans une France qui ressemble à un château de cartes que le nouveau Premier ministre Lecornu, au lendemain de sa reconduction rocambolesque à Matignon, a annoncé, sur un ton révolutionnaire digne de Robespierre, pour prendre de vitesse le peuple en colère qui menace, depuis le 10 septembre, de marcher sur l'Elysée, sa ferme résolution de mettre fin aux «privilèges à vie» des ex-ministres. Que peut rétorquer la France d'en-bas piétinée à ce haut factionnaire du capital à la gouvernance pétainisée, dans son besoin de révolution plus clair de jour en jour, sinon qu'elle aspire mettre fin, comme la situation prérévolutionnaire historique l'exige, non pas aux privilèges, mais aux privilégiés, c'est-à-dire congédier définitivement l'oligarchie gouvernementale et l'aristocratie financière, en un mot annihiler le pouvoir de toute la classe régnante répugnante française. Démanteler son système fondé sur l'exploitation, l'oppression, la prédation, la corruption. La France d'en-bas ne compte pas réitérer la fallacieuse abolition des privilèges politiques et administratives votée le 4 août 1789 par l'oligarchie bourgeoise à peine déféodalisée, apôtre de la propriété privée et du capitalisme embryonnaire. Pour rappel, la déclaration du 4 août a certes aboli les droits féodaux, c'est-à-dire les privilèges étatiques et administratifs des nobles, notamment l'hérédité des offices (charges de magistrature). Mais jamais les féodalités économiques et les oligarchies financières. Ces féodalités capitalistes qui détiennent depuis deux siècles le pouvoir en France. Elle a certes aboli les justices seigneuriales. Mais pour la remplacer par l'unique et inique justice bourgeoise. La bourgeoisie a certes aboli la vénalité des charges. Mais c'est pour charger, c'est-à-dire répandre et contaminer, toute la société de sa mentalité vénale. Elle a certes aboli les corvées seigneuriales et autres servitudes personnelles devenues obsolètes sous le capitalisme naissant. Mais pour les remplacer par les servitudes collectives salariées, la transformation de chaque paysan appauvri et artisan ruiné en ouvrier à vie. C'est-à-dire en prolétaire héréditaire : celui qui ne dispose que de sa force de travail pour vivre (survivre). Elle a certes aboli la dîme ecclésiastique, uniquement payée par les pauvres. Mais c'est pour la remplacer par le potentiel impôt du sang payé par tous les prolétaires français, symbolisé par la conscription obligatoire instaurée le 5 septembre 1798. Sur ce chapitre, la bourgeoisie aura expulsé le peuple français des églises piteuses pour concentrer sa progéniture adolescente dans ses nouvelles casernes ruineuses, tant elles sont coûteuses. Comble de cynisme, les enfants de la bourgeoisie bénéficieront du droit de remplacement et de substitution leur permettant de se soustraire à la conscription. Il suffisait aux familles fortunées, en échange d'une somme d'argent, de trouver une recrue pour effectuer le service militaire à la place de leur progéniture. Bien sûr, seules les familles les plus riches pouvaient se permettre un tel luxe. Ainsi, la Révolution française a engendré une nouvelle oligarchie, celle de l'argent, qui règne encore aujourd'hui sans partage. Le président actuel de la France, Emmanuel Macron, a plus de pouvoirs qu'un roi. Et l'Etat de droit, souvent invoqué comme preuve de la démocratie, n'a rien de l'égalité, ni de la liberté ou de la fraternité arborées au fronton des bâtiments publics de France. De quelle égalité s'agissait-il aux yeux des révolutionnaires bourgeois ? D'égalité entre bourgeois et nobles, ce que la bourgeoisie, longtemps privée du pouvoir politique et étatique, a réussi à arracher par l'action révolutionnaire violente. Et non pas entre bourgeois et prolétaires. De quelle liberté s'agit-il ? De la liberté pour la bourgeoisie d'exploiter librement et légalement les prolétaires. De quelle fraternité s'agit-il ? De celle prônée aux exploités pour les convaincre de fraterniser avec leurs nouveaux exploiteurs auréolés de toutes les vertus charitables. Certes la Révolution française a mis fin à la noblesse et à son ordre social, mais c'est pour les remplacer par l'oligarchie financière et l'ordre capitaliste exploiteur. Comme ne cesse de le marteler un de ses plus fidèles représentants contemporains, le génocidaire des Palestiniens, Netanyahou, à lui seul une synthèse du capitalisme : «il faut finir le travail». En effet, il faut finir le travail, c'est-à-dire délivrer la France de cette oligarchie de milliardaires parasitaires, ces privilégiés inféodés au pays génocidaire des Palestiniens, Israël. Des privilégiés tricolores sur le point d'emboîter le pas à leur indéfectible allié sioniste, Netanyahou, en transformant plusieurs pays en Gaza, autrement dit en champ de bataille, en champ de ruines, en charniers, avec les guerres qu'ils planifient et préparent, qu'ils financent cyniquement avec l'argent soustrait des budgets sociaux. «Le privilège des grands, c'est de voir les catastrophes d'une terrasse. » Il est temps pour la France d'en-bas de s'accorder ce privilège de terrasser les grands privilégiés responsables des catastrophes économiques, sociales, politiques et institutionnelles. En un mot, d'abolir non pas les privilèges, mais de bannir les privilégiés.