Comme nous ne cessons de le répéter, le capitalisme se trouve dans une impasse historique. En tout cas, comme le démontrent les deux pays phares longtemps érigés en parangon démocratique, nous vivons la fin d'un monde capitaliste : celui de la démocratie bourgeoise avec son système politique, ses Parlements, ses droits, ses pouvoirs et contre-pouvoirs devenus superflus. Car, désormais, les lois et les mesures despotiques sont dictées directement par le pouvoir exécutif, autrement dit l'Etat, ce conseil d'administration du Grand capital international, sans être ratifiées par les Parlements. De Paris à Washington en passant par Londres et Berlin, nous assistons à la fin de la souveraineté du pouvoir judiciaire désormais dépouillé de son apparente et illusoire indépendance, à la mort de la liberté d'expression et de la presse, illustrée par la disparition des fonctions de contrepoids correctif démocratiques défendues par des instances de régulation libres, désormais menacées de disparition car encombrantes en période de guerre de classe. Cela dévoile également le caractère illusoire de la démocratie bourgeoise. Dans l'histoire, démocratie et dictature, deux modes de régulation politique au sein du même mode production capitaliste, se succèdent alternativement, au sein du même Etat, au gré des conjonctures socioéconomiques et de l'assoupissement ou de l'exacerbation de la lutte des classes. La politique, lieu d'affrontements par excellence, est nécessairement despotique. De fait, elle ne peut tolérer l'opposition et la contradiction, excepté comme antagonisme institutionnellement policé et orienté vers la stabilité sociale, le respect de l'ordre existant, opéré au sein de structures parlementaires ou communales par essence incorporées au pouvoir étatique. Mieux. La politique est l'espace de la régulation et de la pondération institutionnelle des conflits, de l'équilibre interclassiste, du respect des normes étatiques, de la pacification des rapports sociaux entre «citoyens», mais également le lieu de la «violence légitime» de l'Etat. Contrairement à la propagande distillée par tous les partis politiques institutionnels, suggérant que le pouvoir gouvernemental émanerait des urnes, des députés élus au Parlement, il faut réaffirmer que les élections sont une pure mascarade. La démocratie, une imposture. La preuve par la France. Malgré l'absence de toute majorité à l'Assemblé nationale, cette situation institutionnelle chaotique n'a pas empêché le fonctionnement régulier de l'Etat. Car le centre du pouvoir politique bourgeois se trouve dans l'Etat. Contrairement à l'idée communément répandue par la mythologie démocratique claironnant que le Parlement est l'expression par excellence de la «souveraineté populaire», depuis plus d'un siècle le Parlement ne constitue plus l'espace institutionnel d'élaboration et de décision des orientations politiques et économiques. Avec le renforcement du pouvoir de l'Etat, le Parlement est devenu une simple chambre d'enregistrement de décisions prises par les cercles capitalistes les plus influents. Le pouvoir gouvernemental repose sur les coffres-forts des banques, les matraques policières et les blindés des casernes. Les urnes lui servent à enterrer les illusions électoralistes du prolétariat aliéné. Certes, des dissensions peuvent apparaître entre les diverses fractions composant l'Etat capitaliste sur l'orientation de certaines politiques économiques et sociales, comme on l'observe actuellement en France. Mais ces dissensions entre les partis en lice pour la gouvernance demeurent circonscrites au sein de l'espace institutionnel, et surtout toujours conformes aux intérêts du capital. Malgré cela, le système démocratique remplit un rôle de mystification politique et de conservation sociale. En donnant l'illusion que la participation électorale pourrait influer la politique suivie par l'Etat, le système démocratique réussit à opposer la voie parlementaire à la voie de la lutte ouverte, de la confrontation de classe contre classe. Cela étant, le processus de désagrégation de la politique, vidée de sa dimension conflictuelle purement idéologique, longtemps ritualisée par les mascarades électorales, se confirme chaque jour davantage avec la crise institutionnelle et la croissance de la défiance et de l'abstentionnisme. Désormais, dans tous les pays dits démocratiques, en particulier la France et les Etats-Unis, la politique est devenue une affaire intra-bourgeoise, et vis-à-vis des classes populaires, la politique devient une entreprise de terreur exercée contre l'ensemble du prolétariat. En effet, si la politique continue à fonctionner comme instance de régulation pacifique des conflits entre bourgeois, en revanche, comme l'illustrent la France et les Etats-Unis, pays érigés en parangon des «droits de l'Homme», dans ses relations avec les populations laborieuses, aujourd'hui, elle dévoile sa hideuse figure criminelle qu'elle a toujours en vérité masquée sous le voile de la démocratie bourgeoise : celle de la répression policière, des arrestations, de l'incarcération arbitraire, du contrôle social, de la surveillance électronique, du confinement pénitentiaire, de l'état de siège, du couvre-feu. En résumé, de la militarisation de la société, de la démocratie totalitaire, dernière invention du capital, que j'ai baptisé démospotisme. Le démospotisme, c'est ce mode de gouvernance occidentale, donc français, qui a l'apparence de la démocratie par l'élection, mais le vrai visage du despotisme par la gestion étatique. S'il fallait une preuve de ce despotisme pleinement à l'œuvre, elle nous est administrée par la politique antisociale et la terreur policière (militaire) du gouvernement macroniste et de la présidence trumpiste. Plus que jamais, la démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Si en période de «paix sociale», la classe dominante occidentale, et donc française, arbore sereinement le masque hypocrite de la respectabilité «démocratique», en période d'agitations sociales radicalement revendicatives, la même classe dominante, apeurée, dévoile belliqueusement son véritable visage hideux. Toute sa coutumière phraséologie libérale sur le droit de grève, de manifestation, de circulation, en un mot le respect des «droits de l'Homme», se métamorphose en son contraire. La répression devient son mode de gouvernance. L'intimidation, sa méthode de gestion barbouzienne. La calomnie, son moyen de communication médiatique. L'incarcération, sa technique de bannissement politique. L'arbitraire, sa conduite procédurale judiciaire. Le mépris, son expression naturelle. La manipulation, sa stratégie étatique machiavélique. Les régimes oligarchiques capitalistes macroniste et trumpiste s'emploient à instaurer une dictature fasciste. En France comme aux Etats-Unis, on assiste à la multiplication des attaques contre le droit d'expression, à l'intensification de la répression policière et de la militarisation de la société. Aux Etats-Unis, des troupes de la Garde nationale sont déployées dans les grandes villes américaines, notamment Washington DC, Chicago, Los Angeles, Portland et Memphis. La rhétorique policée cède devant le langage martial. En effet, le langage utilisé par la Maison-Blanche est désormais celui de la guerre civile. L'aspirant dictateur Donald Trump a appelé à l'utilisation de l'armée contre «l'ennemi intérieur». En France, lors de la manifestation du 10 septembre, le gouvernement Macron a déployé une «armée» de 80 000 policiers et gendarmes pour réprimer tout débordement. Une chose est sûre, le tournant fasciste actuel n'est pas une aberration temporaire ou un épisode passager. Il n'y aura pas de retour à la «normalité démocratique». Les bourgeoisies occidentales, notamment étasuniennes et françaises, sont déterminées à rompre avec les formes constitutionnelles de gouvernement.