Les travaux de la première session de la Haute commission mixte algéro-iranienne ont débuté hier à Téhéran sous la présidence du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et du Premier vice-président iranien, Mohamed Redha Rahimi. En marge de ces travaux, il est fort possible que soit évoqué, en partie à l'instigation de la «perfide Albion», le dossier du nucléaire iranien et les pressions occidentales qu'il suscite. Le voyage du Premier ministre Ahmed Ouyahia à Téhéran, pour présider et représenter l'Algérie aux travaux de cette commission, intervient dans une conjoncture internationale marquée par les sanctions américaines prises contre l'Iran, accusé «de développer l'arme de destruction massive». L'Europe et les Etats-Unis, sans parler d'Israël, ce pays nucléaire que l'on serait tenté de qualifier « d'atome libre », ne cessent de faire pression sur Téhéran pour qu'il renonce à son programme nucléaire. «L'ami des deux pays» En visite, il y a quelques jours, à Alger, Alistair Burt, secrétaire d'Etat britannique pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, a également abordé ce sujet. Durant ses entretiens avec Rezag Bara, conseiller du président Abdelaziz Bouteflika, avec son homologue Abdelkader Messahel et avec le chef de la diplomatie Mourad Medelci, M. Burt a donc évoqué l'Iran pour suggérer très clairement une médiation algérienne avec les Occidentaux. «L'Algérie est l'ami des deux pays» (Grande-Bretagne et Iran), a affirmé M. Burt. «Pour l'heure, a-t-il dit, l'Iran a besoin de ses amis pour qu'ils lui expliquent qu'il est sur une pente dangereuse» avec son programme nucléaire, «qu'il présente comme civil et non militaire mais ne convainc personne». «Si l'Algérie par ses relations peut aider à persuader l'Iran d'accepter l'invitation à discuter de son programme nucléaire, ce sera d'une grande aide». Ainsi, la Grande-Bretagne ou la «perfide Albion», comme l'appelle les Français, voudrait que l'Algérie contribue à la mise à plat par l'Iran, pour les Occidentaux, de son programme nucléaire. Le touriste d'Aïn Oussera Pour mémoire, c'est Londres qui, au printemps 1991, avait rameuté ses alliés américains et autres ainsi que les médias sur la présumée bombe nucléaire que fabriquerait l'Algérie à Aïn Oussera. Les services de sécurité algériens avaient surpris un « touriste » en train de photographier les installations de la petite centrale nucléaire de Aïn Ouessara, à 150 km d'Alger. D'après les informations qui avaient filtré alors, il s'est avéré que le touriste était le colonel William Cross, attaché militaire britannique en poste à Alger. Il fut expulsé le 10 avril 1991. Mais sa «balade» avait braqué les feux sur l'Algérie qui vivait une effervescence politique exceptionnelle, pour présenter le pays comme potentiellement dangereux (globalement ce qui est fait actuellement pour l'Iran). Plusieurs médias s'étaient saisis de l'affaire parmi lesquels, notamment, le journal américain d'extrême droite Washington Times, avec un article sous la plume du journaliste Bill Gertz, « spécialisé dans les fuites, calculées ou non, en provenance du Pentagone et des services de renseignement de la CIA ». Le cas d'Israël Ce rappel factuel effectué, Londres voudrait qu'Alger explique aux Iraniens qu'ils sont «sur une pente dangereuse» et qu'il faut qu'ils acceptent de discuter de leur programme nucléaire. A l'évidence, par principe, Téhéran ne peut pas refuser de discuter, mais précisément de quoi. Son programme est soumis à des contrôles réguliers de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), ce qui n'a jamais été le cas pour les installations des bombes nucléaires israéliennes. Cette exception exorbitante, seule, permet légitimement à Téhéran de s'opposer aux pressions internationales. Quelle médiation entreprendre lorsque le droit international est à géométrie variable ? Récemment, et pour la première fois depuis 18 ans, un vote à la majorité au sein de l'AIEA rappelle « qu'Israël n'a jamais adopté le Traité de non-prolifération et qu'il s'est doté de l'arme atomique en toute illégalité il y a déjà de nombreuses années ». Au fond, l'obstacle au traitement de la problématique du nucléaire dans cette région est bien celui d'Israël qui ne respecte aucune des normes du droit international, avec le soutien des Américains et de la « perfide Albion ». Avec ce boulet nucléaire, toute médiation, si talentueuse qu'elle soit, sera très difficile pour ne pas dire impossible.