Le Conseil constitutionnel français a refusé la nationalité française, par «héritage», à un Algérien dont le père est devenu citoyen français grâce à une ordonnance du 7 mars 1944 «relative au statut des Français musulmans d'Algérie». Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, le débat sur la nationalité française continue de susciter les polémiques et tous les fantasmes nés de la méconnaissance de la loi française et les demandes de reconnaissance de la nationalité française par des Algériens, déposées dans les consulats, ont explosé depuis les années 1990, donnant lieu, entre autres, à des falsifications de documents. A l'issue de ce verdict, les « Sages » ont refusé, hier, d'accorder la nationalité française à A. Mouloud, citoyen algérien, né en 1941, qui avait déposé une « Question » prioritaire de constitutionnalité pour faire reconnaitre la filiation française. Divergences de lecture concernant cette ordonnance du 7 mars 1944, A. Mouloud soutient que l'article reconnaissait à ses bénéficiaires un droit à la nationalité française, conservé après l'indépendance de l'Algérie en 1962, alors que le Conseil estime que le texte visé « a eu pour objet de conférer, en raison de leurs mérites, à certains Français musulmans d'Algérie, relevant du statut personnel des droits politiques identiques à ceux qui étaient exercés par les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie ». Me Patrice Spinosi, l'avocat du requérant, avait pour sa part indiqué que «cette faveur faite aux Algériens, particulièrement méritants, a dissuadé leurs enfants de faire une démarche en vue d'une conservation d'une nationalité française qu'ils croyaient acquise», lors de sa plaidoirie en audience, le 19 juin dernier. Pour lui, les descendants des Algériens qui ont obtenu la nationalité française grâce à l'un des trois textes en vigueur à l'époque, n'ont jamais souscrit de déclaration recognitive de la nationalité française à l'indépendance puisqu'ils étaient certains de la conserver automatiquement. Pour l'avocat de A. Mouloud, il y a discrimination dans l'attitude de l'Etat français par rapport au trois textes « pourvoyeurs » de nationalité française pour les Algériens. Il dénonce « une rupture d'égalité devant la loi », puisque les Français musulmans d'Algérie qui ont acquis la citoyenneté sous le régime du Sénatus-consulte, du 14 juillet 1865 et d'une loi du 4 février 1919, l'ont eux, conservée, avait-il fait valoir. Mais pour le Conseil, « le principe d'égalité n'imposait ni que des personnes bénéficiant de droits politiques identiques soient soumises au même statut civil ni qu'elles soient soumises aux mêmes règles concernant la conservation de la nationalité française». Alors que les Algériens relevaient du droit civil local et du code de l'indigénat pendant la colonisation (1830-1962), une petite minorité avait acquis la citoyenneté française, grâce à trois textes. Ainsi, 60.000 Algériens ont acquis la nationalité française, à la faveur de l'ordonnance du 7 mars 1944. La loi du 4 février 1919 donnait aux quelque 173.000 soldats « indigènes » mobilisés pour la Première Guerre mondiale, la possibilité d'obtenir la citoyenneté française par jugement. Quant au Sénatus-consulte du 14 juillet 1865, il autorisait les chefs de tribus, les fameux caïds et autres bachaghas ainsi que des notables, à demander la citoyenneté française, conférée ensuite par décret impérial, rendu en Conseil d'Etat. Au total, ils étaient «moins de 8.000» en 1936 à la demander et à renoncer au droit local, a expliqué le représentant du gouvernement devant le Conseil constitutionnel. Pour ces deux derniers cas de figure, leurs descendants, eux, jouissent de la nationalité française par filiation, contrairement à ceux qui relèvent de l'ordonnance de 1944, a jugé le Conseil constitutionnel.