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Une colère française bien particulière
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 22 - 11 - 2018

Personne ne sait ce sur quoi le mouvement des « gilets jaunes » français va déboucher. Il est possible que l'expression de cette grogne multiforme fasse boule de neige et constitue le « décembre 1995 » d'Emmanuel Macron, comprendre un blocage du pays qui oblige le gouvernement à reculer et à retirer certaines de ses mesures (à l'époque, il s'agissait de réformes du régime des retraites et de la sécurité sociale). On n'en est pas encore là. Pour l'heure, novembre 2018 n'est ni décembre 1995 et encore moins mai 1968, s'il faut citer les deux grands « moments » de contestation sociale en France de la deuxième moitié du XXe siècle.
Il est aussi possible que l'affaire se termine aussi vite qu'elle a commencé. Sans véritable structure nationale, sans cohésion politique, ouvert à toutes les influences radicales pour ne pas dire extrémistes, mais aussi hétéroclite dans ses revendications, le mouvement présente de nombreuses faiblesses originelles dont on se demande comment elles pourraient disparaître. C'est ce sur quoi tablent les autorités. D'aucuns diront que là est leur erreur. Un feu qui part n'est jamais contrôlable à cent pour cent. Et c'est d'autant plus vrai quand il s'agit d'une terre sèche qui n'attend qu'une étincelle pour flamber.
Cela fait des années que chercheurs, journalistes, universitaires et même personnalités politiques mettent en garde contre cette colère montante d'une partie de la société française. Je garde ainsi souvenir et cite régulièrement l'entretien accordé par Jean-Paul Delevoye au quotidien Le Monde en décembre 2010 (1). Alors médiateur de la République, l'ancien ministre de Jacques Chirac relevait une «grande tension nerveuse » au sein de la société française.
Celui qui a rejoint depuis le camp Macron (il est haut-commissaire à la réforme des retraites depuis septembre 2017) relevait ainsi qu'il estimait à « 15 millions le nombre de personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou à 150 euros près. » Oui, vous avez bien lu. Quinze millions de personnes et 50 à 150 euros de montant critique qui fait que l'on s'en sort ou que l'on bouscule dans la sphère infernale de l'endettement. Citons encore un autre passage de l'entretien : « Je suis frappé par la cohabitation de deux types de sociétés : l'une officielle, que nous connaissons tous, l'autre plus souterraine qui vit d'aides, de travail au noir et de réseaux. Ces deux sociétés ont des fonctionnements parallèles, elles ont leur propre langage, leur propre hiérarchie, leur propre chaîne de responsabilité. »
Tout est dit ou presque pour y voir, certes a posteriori, un diagnostic annonçant l'émergence d'un mouvement inclassable désireux de tout chambouler. Depuis 2010, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la Seine. Un président « socialiste » a accompli un mandat inutile et son ancien protégé s'est glissé avec la morgue du parvenu dans des habits jupitériens trop grands pour lui. Avec Macron, les riches sont encore plus riches, les pauvres encore plus pauvres et les classes moyennes, écrasées par une fiscalité qui prend aux cadres une part de ce qu'elle abandonne aux pdg, sont minées par les multiples signes concrets qui témoignent de la réalité de leur déclassement.
Les questions d'identité ont longtemps joué le rôle de diversion bienvenue. Elles n'ont pas disparu et alimentent, d'une certaine manière, l'argumentaire des « gilets jaunes ». Mais on en revient toujours à la question sociale et aux politiques économiques et financières. Le libéralisme auquel tous les gouvernements ont fait allégeance depuis le tournant de la rigueur en mars 1983, a démoli la France. Ou plutôt, il a démoli une certaine France. Celle où, entre autres, le « service public se tenait aux côtés des petits » comme me le répète souvent un ami syndicaliste qui hésite encore à se joindre aux « gilets jaunes ». Quelle est la mutation fondamentale de la France depuis les années 1970 ? Pour répondre à cette question, on peut, là aussi, s'engager sur les chemins incertains, souvent nauséabond, du débat identitaire. Mais ce serait faire fausse route quoiqu'en disent Eric Zemmour et ses amis. La vraie question, c'est le démantèlement du modèle façonné par le programme du Conseil national de la résistance en mars 1944.
Partout, quelle que soit l'administration ou l'entité publique, c'est la logique financière et comptable qui est à l'œuvre. L'argent va à l'argent, aux actionnaires, aux détenteurs de la dette et pendant ce temps-là, l'édifice se fissure de partout. Emmanuel Macron, ancien banquier d'affaires, est dans cette logique. Son discours sur le « ruissellement » - en gros, parce que plus riches et moins taxés, les nantis contribueraient alors à une diffusion d'une partie de leur richesse dans la société (toz…) est un leurre qui habille de justification morale un saccage délibéré et idéologique du bien public. Consciemment ou non, c'est cela qui constitue le socle de la colère des « gilets jaunes ».
On peut insister sur le fait que des homophobes, des islamophobes ou des racistes se sont joints au mouvement (leurs dérapages servent beaucoup à la propagande gouvernementale). On peut aussi gloser sur ces gens qui ne veulent pas d'une fiscalité écologique (laquelle ne finance guère la transition écologique). Mais ce n'est pas cela qui doit faire perdre de vue l'essentiel. C'est la fin annoncée de son modèle social qui est en train de secouer la France.
(1) « Je suis inquiet, le chacun pour soi a remplacé l'envie de vivre ensemble », Le Monde, 16 décembre 2010.


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