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Il y a 60 ans : l'attentat aux voitures piégées de Mdina Jdida
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 28 - 02 - 2022

Il y a 60 ans, en ce jour fatidique du 28 février 1962, 23e jour du mois de Ramadhan, l'O.A.S. frappe à Mdina Jdida, en plein cœur de la population algérienne. Deux voitures piégées, transportant des obus 105, explosent à 15h55, faisant plus de 80 morts, dont la plupart non identifiés et 105 blessés. L'attentat considéré à l'époque déjà comme le plus meurtrier de la période de la guerre de libération; «il sera dépassé dans l'horreur par l'explosion d'une bombe au port d'Alger le 2 mai.»,1 notent les correspondants de presse.
«L'attentat le plus meurtrier de la guerre d'Algérie»
La semaine la plus sanglante fut celle du 21 au 27 février qui a préludé au carnage du 28 février. Cette journée commence par l'assassinat, devant le cinéma Régent de deux jeunes Européens appelés du contingent qui pour avoir refusé de donner leurs armes à leurs assaillants, l'un est grièvement blessé2, et l'autre froidement abattu3, ce crime gratuit fera dire au général Katz «N'aurait-il pas été facile de désarmer ces deux gamins de 20 ans sans les descendre comme des bandits de grands chemins ?».4
Ce même jour, vers la fin de l'après-midi, à quelques heures de la fin de la rupture du jeûne, deux voitures piégées, dans lesquelles on avait placé deux obus 105, furent mises en stationnement derrière les deux kiosques à tabacs, en plein milieu de Tahtaha. Les mains criminelles ont choisi délibérément cet endroit pour sa grande fréquentation par la foule, qui en cette fin de journée du Ramadhan, s'agglutinait devant les étals de Hadj Ali Boumedjout dit «Boulahya», le plus réputé marchand de zlabia de la ville. Quand soudain, vers 15 heures 55, une très puissante et inhabituelle déflagration se fit entendre. Des deux voitures piégées on n'a pu trouver que la partie avant d'une Peugeot 403 camionnette bâchée ; quant à la deuxième, elle était difficilement identifiable tant elle était pulvérisée par la bombe qu'elle transportait.
Passés les premiers moments du choc émotionnel, toute la population de Mdina Jdida ayant repris ses esprits, dans un seul élan, s'était déplacée sur le lieu du drame. La découverte de ce charnier donna lieu à des scènes de douleur qui restent ineffaçables dans la mémoire. Femmes, hommes et enfants nous avons dû ramasser lambeaux par lambeaux des corps déchiquetés. L'odeur de la chair sanguinolente s'était mêlée à d'odeur âcre de la poudre. La plupart des visages étaient méconnaissables, les corps étaient réduits en charpie. Les murs dégoulinaient de sang et de morceaux de cervelles. Les femmes ne supportant pas que les corps des victimes soient couverts de papier de journaux et de carton, enlevèrent spontanément leurs voiles, d'autres ont ramené de leur maison des draps blancs tout neufs, pour couvrir les corps.
Avec une force hallucinante, l'explosion avait anéanti le bloc où se trouvaient la vespasienne et les deux kiosques à tabacs. Certains qui se trouvaient tout près du lieu de l'explosion, leurs corps n'ont jamais été retrouvés, comme ceux par exemple des buralistes des kiosques.
Des corps ont été tellement soufflés par l'explosion qu'on n'en retrouvera que des lambeaux de chair qui ont été rassemblés un par un et regroupés dans la salle de prière de la mosquée de Si Tayeb Mehadji qui servit momentanément de dépositoire avant leur enfouissement par les agents des Pompes funèbres.5
On retrouvera une petite main avec une bague que la famille Djari identifia comme étant celle de la petite Khadoudja, 11 ans, qui accompagnait son père, Abdelkader Djari, 52 ans, et que sûrement au moment de l'explosion ils se tenaient tous les deux par la main.
Les corps qui ont été trouvés dans le périmètre de l'explosion n'ont pas été identifiés sur le champ. 13 parmi eux, l'inscription de leurs décès à l'état civil a fait l'objet durant l'été 1962, de jugement sur demande déposée par leurs familles ; 10 corps trouvés mais n'ont pu être identifié ont été inscrits sous X.
Quant aux 3 corps qui n'ont jamais été retrouvés : 2 (Djari Abdelkader et sa fille Khadoudja), l'inscription de leurs décès à l'état civil a été faite suite à une autorisation du Procureur en date du 24 août 1962 sur demande de Djari Mohamed Lamine, le fils du défunt. Celui de Bettalia Boughari, 4 ans, son décès a été inscrit à l'état civil sur la base d'une attestation établie le 22 février 1964 par le commissaire de police du 4e arrdt.
Si «Ammi Boulahya» a miraculeusement échappé à la mort c'est parce qu'il se trouvait à l'intérieur du local dans un coin ; par contre Bouazza, son aide, chargé de tromper la zlabia dans la bassine de préparation sirupeuse, du fait qu'il se tenait face à l'entrée du magasin, il fut touché de plein fouet par le souffle de l'explosion qui l'a littéralement laminé, on ne retrouva à quelques mètres du magasin que sa tête détachée du corps. Si Abdelkader Taïbi, le père du musicien Tayeb Taïbi, eut une jambe coupée.
Les correspondants de presse français et étrangers, présents à Oran, se sont déplacés rapidement sur les lieux. Les responsables politiques du FLN, aidés de quelques notables de Mdina Jdida, prirent aussitôt en charge les journalistes en les faisant circuler parmi les cadavres et les décombres occasionnés par l'explosion. Cet attentat «est le plus sanglant de la guerre d'Algérie», écrira, J.-P. Renard, dans Paris-Presse.6 Léo Palacio,7 correspondant du journal Le Monde à Oran, écrit : «Mercredi à 16h., la foule des promeneurs déambulait… Tout à coup, à quelques minutes d'intervalle, ce furent deux violentes explosions : deux obus de 105 déposés dans une 403 Peugeot et une camionnette tôlée Citroën venaient de sauter. Les véhicules furent désintégrés, tandis que tout était déchiqueté alentour. Le sol se joncha de corps d'hommes,de femmes et d'enfants atrocement mutilés méconnaissables, des lambeaux humains, des morceaux de chair qui baignaient dans le sang. Quelques maisons vétustes dans lesquelles vivaient entassées depuis l'exode plusieurs familles s'écroulèrent dans un nuage de poussière, les blessés hurlaient. Plusieurs canalisations coupées par l'explosion déversaient des flots d'eau. La patrouille militaire fut aussitôt prise à partie par une foule hystérique. Ambulanciers, brancardiers militaires européens durent renoncer à pénétrer en Ville Nouvelle pour éviter des incidents.»8
Le général Katz s'était aussitôt rendu sur les lieux, il écrira «La rue est pleine des cris, des hurlements, des lamentations des blessés, la foule hagarde, affolée, court en tous sens. Les secours cependant s'organisent mais avec quelques difficultés ! La Ville-Nouvelle, un des principaux quartiers algériens, ne dispose que de deux médecins qui n'ont même pas de plasma pour les transfusions. Des brancards de fortune transportent les plus atteints. Ceux qui sont touchés grièvement, mais conscients, refusent d'être conduits vers les hôpitaux européens, où ils redoutent, non sans raison d'être achevés. Il faut des heures pour déblayer la rue, il faudra des jours pour effacer les traces de ce terrible drame.»9
J'étais témoin oculaire d'un triste épisode qui a eu pour victime collatérale, un jeune Algérien appelé du contingent.10 Tout au bout de la rue de Kabylie au niveau du Bain de l'Horloge, abandonné par ses compagnons européens qui, à la suite de la déflagration avaient pris la fuite, il était resté isolé et s'agrippait obstinément à son fusil, si je me rappelle bien c'était un mousqueton Lebel R35, refusant de le céder à la foule en fureur ; un fidaï, visiblement emporté par la rage et le sentiment d'impuissance, l'abat d'une balle de révolver dans la nuque.11
Le bruit de l'explosion parvint jusqu'à l'intérieur des cellules de la prison civile. Les détenus vivant sous la hantise permanente des enlèvements, ont un moment cru que c'était la prison qui était visée par des bombes. Pressentiment amplement justifié, puisque le lundi 5 mars, à deux jours de la fin du Ramadhan, un commando de l'O.A.S. composé d'une trentaine d'homme revêtus d'uniformes militaires avait réussi, avec la complicité des gardiens à introduire dans la cour intérieure de la prison civile deux voitures pleines de plastic avec des bidons d'essence et du butane. L'explosion, qui fut déclenchée à 20h, provoqua la mort de nombreux détenus algériens, asphyxiés ou brûlés vifs dans leurs cellules. Des dizaines d'autres furent grièvement blessés.12
Les détenus qui se trouvaient à cette heure-ci de la journée en corvée dans la cour de la prison ont pu très bien entendre la déflagration, et voyaient nettement monter du côté de Tahtaha des volutes de fumée noire. Par les cris horribles qui ont suivi l'explosion, ils ont compris que quelque chose de très grave venait de frapper la population de Mdina Jdida. A leur retour dans les cellules, la nouvelle de l'explosion avait circulé comme une traînée de poudre.
Le lendemain, jeudi 1er mars (24 ramadhan),13 la population algérienne au bord de la folie s'était préparée à envahir le quartier européen le plus proche, le plateau Saint Michel, en particulier ; certains étaient même décidés d'atteindre la place des Victoires, au cœur même de la ville européenne.
Plusieurs témoins qui, à l'époque habitaient les faubourgs en hauteur comme Gambetta ou les Planteurs, ont pu voir l'épais nuage en forme de champignon qui montait du milieu de la ville ; ils ont très vite compris que cela ne pouvait provenir que de Mdina Jdida ; sachant pertinemment que ce quartier algérien était le plus visé par l'O.A.S.
Par cet acte odieux, l'O.A.S. venait de franchir un pas de plus dans sa folie meurtrière, dépassant ainsi donc toutes les limites jusque-là connues de la sauvagerie. En somme, on était arrivé au point de non-retour. Rien ne sera désormais plus jamais comme avant. Depuis ce jour, la haine s'est profondément ancrée dans les cœurs et se mit à fermenter jusqu'à ce quelle éclate un certain 5 juillet 1962.
28 février : le choix de la date n'est pas fortuit
Tout laisse penser que la date du 28 février ne relève pas d'un hasard de calendrier et qu'elle serait en relation avec les manifestations du 28 février 1961. Rappelons en effet que le 28 février 1961 (12 ramadhan 1380), après la prière de l'absent à la mémoire du roi Mohamed V,14 dirigée par cheikh Tayeb Méhadji sur l'esplanade de Tahtaha. Le rassemblement religieux qui initialement était consacrée à la prière et au recueillement, fut brutalement interrompu par la patrouille de la SAU de Mdina Jdida, et s'était très vite transformée en manifestation. Une voiture conduite par Antoine Kyricos, accompagné de son épouse Mme Stouraïti Vasiliqui et d'une autre passagère, Mme Reyes Angustias Vve Segura, toutes deux âgées de cinquante ans, furent pris dans tourbillon de violence, leur voiture interceptée par les manifestants, au boulevard Paul Doumer, face au musée, fut incendiée. Le conducteur, très grièvement blessé dut s'échapper à temps ; mais les deux femmes furent brûlées vives.
Ce lynchage avait jeté un grand émoi, notamment dans les milieux de la communauté de Grecs orthodoxes d'Oran, dont l'un des membres les plus influents n'est autre que Athanase «Tassou» Georgopoulos, notoire dirigeant de l'O.A.S. d'Oran, celui-là même qui avoue avoir, avec des semi-remorques bourrés d'armes volées à l'armée et après une infiltration par les égouts de la Ville-Nouvelle accédé à la prison civile où, dit-il, «On a fait entrer camions et voitures bourrés d'explosifs, de bouteilles de butane et d'essence.» Avec tous ces forfaits sur la conscience, il dira avec cynisme «Je n'ai tué personne. Mais j'en ai fait tuer beaucoup».
Guy Pujante apprenti terroriste qui s'épuise en conjectures dans le but de vouloir ravir à «Tassou» la première place du podium de la course aux tueries de masse, fait croire que par ses prétendus services de renseignements, le P.C. du FLN à Oran se situait en Ville Nouvelle et que l'ancienne Medersa15, bd. Joseph Andrieu, y servait de tribunal juridique, de centre d'interrogatoire et de transit des déserteurs au profit de la rébellion ; «Nous décidons d'y porter un coup fatal BA, écrit-il, notre spécialiste d'engins explosifs en tout genre,16 va préparer une machine infernale destinée elle à faire des dégâts et semer la terreur chez nos adversaires.[…] «La voiture piège utilisée a été récupérée par la «colline 5» (Secteur O.A.S.). C'est une 403 Peugeot. L'opération la plus délicate consiste à conduire le véhicule en pleine Ville- Nouvelle et de le garer devant le PC du FLN où les partisans du FLN circulent en permanence. Le conducteur volontaire pour cette mission à très haut risque réussit à garer son véhicule à l'endroit voulu et à le quitter sans encombre, le véhicule explose une demi-heure plus tard près de ce PC FLN/ALN objectif militaire, avec certainement des dégâts collatéraux toujours regrettables mais inévitables dans ce genre d'action ; on a parlé d'un second véhicule fourgon Citroën garé à proximité qui a aussi explosé augmentant les dégâts. Nous pensons qu'il s'agit d'un véhicule du FLN contenant des armes et des explosifs, mais il n'était pas à nous, ce n'était déjà pas évident d'en faire passer déjà un alors moins une fourgonnette. Voilà pour une action de guerre toujours regrettable après les combats sur laquelle on peut toujours spéculer pour le nombre de victimes à posteriori (27 identifiées par la presse) et utilisable pour la bataille idéologique y compris de nos jours.»17
L'ouverture de l'«hôpital FLN» de la rue de Tombouctou
Selon le propre témoignage de Mohamed Benzaïr18, le centre Tombouctou19 aurait été ouvert ce jour même. «Je me souviens que ce jour (mercredi 28 février 1962), dit-il, il était presque 16 heures environ un mois de Ramadhan, je me trouvais en compagnie de cinq de mes camarades «Fidaïyine» entre le boulevard de Mascara et le quartier Saint Antoine. Nous étions tous armés et attendions l'arrivée de Si Djamel (chef de groupe) qui devait nous instruire sur la mission que nous devions entreprendre à l'égard des éléments de l'O.A.S. […] À ce moment précis une grande et violente déflagration eut lieu […] puis nous nous sommes dirigés par la rue de Tombouctou, au n°19 de cette rue où se trouvait un dispensaire qui était géré par des Sœurs Religieuses. Et là, j'ai aperçu une des Sœurs que je connaissais bien appelée Sœur Marie, puisque nous avons habité au n°17 durant 11 ans (1946-1957). Donc notre maison était mitoyenne au dispensaire.
Ces Sœurs nous ont indiqué le lieu exact de l'explosion. Arrivés sur les lieux, des dizaines de victimes entre blessés et morts gisaient à même le sol. Au même moment deux citoyens volontaires nous apprennent que le dispensaire (appelé communément hôpital) Bendaoud était saturé.
Et c'est ainsi que nous avons eu l'idée et l'initiative de faire diriger les autres blessés (victimes du drame ou plutôt de la tragédie) vers le dispensaire géré par les Sœurs. À notre arrivée, la Mère Supérieure avait auparavant aménagé la grande salle afin de recevoir les blessés. Pour ce qui est des cas graves, ils furent transportés à bord de trois (3) voitures qui se trouvaient à proximité, dont celle de Hbibou (Benyebka Habib) qui faisait partie de notre groupe pour être dirigé vers le dispensaire de Bendaoud qui était mieux nanti en personnel médical. À la rupture du Ramadhan, les gargotiers de la rue de Tombouctou, nous avaient offerts un petit F'tour (repas léger).»20
Le premier responsable du centre désigné par le FLN fut Benhamadi Abderahmane.21 Parmi les premiers médecins algériens qui ont rejoint le centre, c'étaient les docteurs Taleb Driss, Mohamed Balaska, Nebia Bachir et Bennaï Maâmar, la pharmacie Benharrat fournissait gratuitement au centre médicaments et accessoires de pharmacie. 22
Le nombre réel des victimes de ce carnage ne sera jamais connu. En tout état de cause, il dépasse le chiffre des 80 morts23 et 150 blessés.
Les corps qui ont été retrouvés dans le périmètre de l'explosion n'ont pas été identifiés sur le champ. Treize parmi eux, l'inscription de leurs décès à l'état civil a fait l'objet durant l'été 1962 de jugements sur demande déposée par leurs familles ; dix corps retrouvés n'ont pas pu être identifiés, ils ont été inscrits sous X. Quant aux trois corps qui n'ont jamais été retrouvés : deux (Djari Abdelkader et sa fille Khadoudja), l'inscription de leurs décès à l'état civil a été faite suite à une autorisation du Procureur en date du 24 août 1962 sur demande de Djari Mohamed Lamine, le fils du défunt. Quant à Bettalia Boughari, 4 ans, son décès a été inscrit à l'état civil sur la base d'une attestation établie le 22 février 1964 par le commissaire de police du 4e arrdt.
La lente réappropriation mémorielle de cet événement
L'attentat considéré à l'époque déjà comme le plus meurtrier de la période de la guerre de libération, ne sera dépassé dans l'horreur que par l'explosion de la bombe du port d'Alger le 2 mai 1962. Alors que ce dernier attentat est commémoré chaque année, «parce que porté par la mémoire ouvrière, pris en charge par la mémoire du syndicat U.G.T.A.», dira avec justesse Fouad Soufi, l'attentat de Mdina Jdida était demeuré pendant très longtemps absent du rituel commémoratif officiel. Il aurait fallu attendre le 1er novembre 1969 pour qu'une modeste stèle soit érigée à l'endroit même où se produisit le drame.
À la faveur du déverrouillage idéologique qui a suivi les glorieuses journées d'octobre 1988, les anciens membres de l'ALN, les anciens condamnés à mort et les membres de l'Organisation civile du FLN (OCFLN), jusque-là, noyés dans la nébuleuse de l'Organisation des Anciens Moudjahidines et libérés du carcan tutélaire de la prétendue «ré-écriture de l'histoire de la guerre de libération nationale», s'étaient organisés en créant leur propre cadre associatif en lui donnant le nom d'Association des Résistants et Ayants Droit de la Wilaya d'Oran. Le premier souci des dirigeants de cette association était le rapprochement avec le milieu universitaire notamment les historiens travaillant sur la guerre de libération en général et la période O.A.S.
Lorsqu'au début de 1992, alors que le temps semblait avoir de la mémoire collective le douloureux souvenir du drame du 28 février 1962 ; qu'aucune chronologie établie depuis 1962 n'a retenu cette date (F. Soufi). À ce moment-là, l'idée nous vint, Fiuad Soufi et moi, de proposer à l'association de ne pas se cantonner à la célébration du 30e anniversaire des accords d'Evian, mais qu'il fallait se réapproprier la mémoire de ce douloureux événement et le réinscrire dans le calendrier des commémorations des événements dramatiques. Et le 28 février 1992 c'était la première fois que la société civile commémore en présence de tous les anciens responsables du réseau FLN de la ville ce douloureux souvenir.
Le travail de mémoire ayant été mené, il fallait cependant commencer le travail de recherche historique sur le bilan de cette journée. C'est le travail que nous menons depuis une vingtaine d'années par des recherches sur les registres de décès de la commune d'Oran24 afin d'établir la liste complète de toutes les personnes victimes de l'O.A.S., quelle que soit son appartenance communautaire, civil ou militaire.
*Historien-sociologue, chercheur associé CRASC, Oran
Notes :
1 - Si l'attentat à la voiture piégée du port d'Alger est commémoré chaque année, c'est parce que , dira Fouad Soufi, il a été porté «par la mémoire ouvrière, pris en charge par la mémoire du syndicat U.G.T.A.» ; alors que l'attentat de Mdina Jdida est demeuré pendant très longtemps relégué au fond de la mémoire collective oranaise.
2 - ARBASSET Marcel, 18 ans, natif d'Oran.
3 - REMY Marcel Oscar, né le 31 janvier 1940 à Champaray (Vosges), son décès est enregistré sous le n° 483 du registre des décès Européens de la mairie d'Oran.
4 - Général Joseph Katz, « …une destinée unique… » Mémoires (1907-1996), préf. de Jules Roy, Paris, L'Harmattan, 2011, p. 258.
5 - Les archives de la régie communale des pompes funèbres, mentionnent pour le 1er mars 1962, 48 inhumations dont sept (7) morceaux de chair sans numéros.
6 - Paris-Presse, 2 mars 1962.
7 - Léo Palacio né en 1913 à Oran, décédé en 2008 à Fenouillet (Haute-Garonne). Journaliste à L'Echo d'Oran et correspondant local du Journal Le Monde. Le 17 mars 1962, il est expulsé d'Oran pour le motif de « propagation de fausses nouvelles ». Replié à Paris, il entre à la rédaction du Monde en qualité de secrétaire de rédaction avant de devenir correspondant régional à Toulouse. Parallèlement à ces activités journalistiques, il s'est spécialisé dans les écrits historiques tant sur la guerre civile d'Espagne que sur la guerre d'Algérie.
8 - Le Monde, 2 mars 1962.
9 - «Journal du Général Joseph Katz : Les dernières semaines à Oran», Matériaux pour l'histoire de notre temps, 1992 Vol. 26, n° 26, pp. 11-25, p. 13.
10 - BELBEDJ Bachir, 21 ans, 2è classe au 2è bataillon de zouaves, 4è compagnie à Oran, originaire de M'cil (Batna). Grièvement blessé, il décèdera à son arrivée à l'hôpital militaire Baudens.
11 - L'auteur du forfait semble être, selon certains témoignages, le fait d'un fidaï qui vit encore.
12 - KESSEL Patrick et PIRELLI Giovanni, Le Peuple algérien et la guerre. Lettres et témoignages d'algériens 1954-1962, Paris, F. Maspéro, 1962.
13 - L'Aïd-Séghir fut célébré le Mercredi 7 mars 1962/1er choual 1381.
14 - Le roi Mohamed V est décédé le dimanche 26 février 1961/ 10 ramadhan 1380
15 - Medraçat El-Fallah au mois de février 1962 était toujours occupée par les militaires, comme S.A.U. de la Ville-Nouvelle.
16 - Le spécialiste d'engins explosifs en tout genre dont il est question, semble bien être Marcel Petitjean qui eut, lors du montage d'un engin explosif à l'aide d'une grenade, les doigts de la main droite abîmés par l'explosion.
Sur Marcel Petitjean, voir notre article, « Avril 1961 - Un épisode méconnu du putsch des généraux à Oran : le maquis de Canastel », Le Quotidien d'Oran, 7 avril 2021.
17 - PUJANTE Guy, Itinéraire lambda de l'Algérie de papa à l'O.A.S., Paris, Godefroy de Bouillon, 2004.
18 - Mohamed Benzaïr dit Hamani, fidaï de la 5/4/1 de Djillali Benguesmia-Chadli alias «Si Abdelhamid ». Natif d'Arzew, retraité de la Sûreté Nationale, décédé à Oran en 2018.
19 - Dispensaire du Centre Charles de Foucault situé aux n°21-23 de la rue de Tombouctou, sous-quartier de Sidi-Blal en Ville-Nouvelle. Il appartenait à l'Association Médico-sociale d'Oranie, relevant des communautés de religieuses des Sœurs Notre-Dame des Apôtres et des Sœurs de la Présentation de Tours.
20 - Témoignage écrit intitulé « Attentat meurtrier du 28 février 1962 », communiqué le 8 mai 2014 par Benzaïr Mohamed dit « Hamani ».
21 - Journée d'études sur le drame du 28 février 1962, organisée, le 27 février 2003 par Mohamed Fréha et le Musée du Moudjahid d'Oran. Témoignage de Mme Rahal Fatima qui fut infirmière au centre dès son ouverture.
22 - Témoignage d'un militant, 19 mars 2015 au siège de l'Association des Résistants et ayants-droits, rue des Frères Niati (ex-Dutertre).
23 - Les victimes de cette journée ne figurent pas sur la liste des inhumations effectuées du 1er au 5 mars 1962 de la Régie Communale des Pompes Funèbres d'Oran.
24 - Le travail de recensement sur les victimes de l'OAS entrepris dans le cadre de cette recherche nous a permis d'établir un premier bilan des victimes de l'attentat aux voitures piégées de cette journée du 28 février 1962.


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