Lorsqu'on en arrive à obtenir la chute du Président quand les manifestants revendiquent la chute du système, c'est que la politique du fusible n'a pas bien fonctionné. Le Président devrait être la cible quand tous les niveaux inférieurs du pouvoir correspondant à une cascade de fusibles auront successivement «explosé» l'un après l'autre. Pourquoi le Président fonctionne-t-il comme fusible des niveaux intermédiaires ? En Algérie, on veut faire accréditer la thèse selon laquelle tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains du seul Président. Lui-même le revendique quand il dit qu'il ne veut pas être «un tiers de Président», alors que pratiquement tous les observateurs estiment qu'il y a une répartition des pouvoirs entre tous les clans associés au pouvoir. Le pouvoir est plutôt horizontal que vertical. Quand l'Etat existe en tant qu'impersonnel, c'est la loi qui prime et non les clans. C'est l'Etat qui récupère son autorité et non le pouvoir. L'exécutif n'a de pouvoir qu'autant que le permet l'Etat, c'est-à-dire la loi. Tout pouvoir réparti entre clans ou concentré dans les mains du seul Président ne peut s'exercer de façon personnelle que par l'affaiblissement volontaire de l'Etat. On n'a plus alors d'institutions, mais des hommes. Pas de ministères, maisdes ministres, pas de wilayas, mais des walis, pas des mairies, mais des maires, pas de justice, mais des instructions d'en haut. Les cas tunisien, égyptien et libyen sont assez clairs. Même si les populations étaient sorties dans la rue, en réalité, on pourrait qualifier les changements de coup d'Etat, car ce sont les hommes du système qui ont succédé aux présidents. Les démocraties occidentales y ont veillé pour éliminer les surprises.