La diplomatie française a commis une erreur de jugement en voulant focaliser sur la chute du président syrien Bachar al-Assad et de son régime, a estimé mardi le président de l'Institut français des relations internationales (IFRI), Tierry de Montbrial, dans une interview aux Echos. ‘‘Aussi bien à la fin de la présidence de Nicolas Sarkozy qu'au début de celle de François Hollande, on a décrété comme postulat que Bachar al-Assad devait être immédiatement éliminé. Certes, nous n'étions pas les seuls. L'idée que le président syrien allait rapidement s'effondrer et qu'il existait à court terme des alternatives viables au régime baasiste était une erreur de jugement. Nous aurions dû écouter les minorités libanaises ou irakiennes, notamment chrétiennes, qui nous mettaient en garde'‘, a expliqué le spécialiste en relations internationales. Dans son analyse qu'il a livré au quotidien économique, il a soutenu que les Occidentaux ont perdu de vue la nature des relations internationales, expliquant qu'une grande partie des difficultés d'aujourd'hui ‘‘résultent d'une compréhension insuffisante de la situation au Moyen-Orient et d'erreurs répétées de la part des dirigeants'‘. Il a estimé qu'en Syrie, ‘‘il ne peut y avoir de gouvernement suffisamment fort sans une participation du régime sortant'‘, réfutant l'existence ‘‘d'ordre possible sans une coopération avec ce régime'‘. ‘‘Il faut, en Syrie, éviter la reproduction de ces erreurs. (à) Aujourd'hui, tout le monde reconnaît qu'il faut préserver l'intégrité territoriale de la Syrie. Ce qui suppose vraisemblablement l'instauration d'un gouvernement de transition, capable de gouverner effectivement, et, donc, avec une grande partie de l'ancien régime, tout en ménageant une porte de sortie pour Assad'‘, a-t-il expliqué en substance. Au sujet de l'action russe en Syrie et de ses opérations militaires contre l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI/Daech), l'ancien directeur du Centre d'analyse et de prévision (CAP) du ministère des Affaires étrangères a affirmé que le président russe Vladimir Poutine a agi ‘‘en stratège'‘, à la différence des Occidentaux ‘‘insuffisamment pragmatiques'‘ et qui ‘‘raisonnent trop souvent en termes idéologiques'‘. Le jeu des Russes, a-t-il ajouté, ‘‘consiste à démontrer qu'on ne peut rien faire sans eux et à renforcer leurs cartes dans les négociations'‘, sachant qu'ils ne peuvent pas se permettre de se lancer dans une guerre prolongée en Syrie car, a-t-il soutenu, ‘‘ils ont l'expérience de la guerre en Afghanistan (1979-1989) et savent qu'on peut s'enliser très rapidement'‘. Suite aux attentats sanglants de vendredi soir à Paris et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Daech et les auteurs de ces massacres, le président de l'IFRI a indiqué qu'il existe ‘‘un intérêt commun à vaincre ce fléau, même en coopérant avec des régimes que nous n'aimons pas'‘. Mais il avertit que dans cette guerre ‘‘asymétrique'‘ contre cette organisation terroriste autoproclamée ‘‘Etat islamique'‘, ça va être ‘‘une affaire de longue haleine'‘, avec toutes les difficultés que cela représente pour les démocraties libérales qui, a-t-il dit, ‘‘n'y sont pas à l'aise'‘. ‘‘La façon la plus radicale serait d'introduire des mesures d'exception, mais on n'est pas encore prêts à cela en France'‘, a-t-il précisé, avouant que Daech ‘‘s'est construit en grande partie sur les erreurs commises par les Etats-Unis en Irak'‘.