Les revenus de l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI-Daech) de la contrebande de pétrole, des "taxes" imposées à la population des territoires qu'elle contrôle en Irak et en Syrie, des rançons et de transactions financières secrètes sont évalués à 2,9 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros) annuels, selon plusieurs études. Selon une enquête du Financial Times publiée en octobre, le seul trafic de pétrole rapporterait à Daech 1,5 million de dollars par jour, avec un baril au prix moyen de 45 dollars. Une dizaine de champs de pétrole seraient aux mains de l'EI. Cet "or noir", qui représenterait 44 000 barils par jour en Syrie et 4 000 en Irak, est revendu à prix cassés. A 30 dollars le baril (il est à 45 sur les marchés financiers), cela constitue une manne d'environ 1,4 million de dollars par jour, soit plus de 500 millions de dollars par an. L'enquête a montré comment l'EI parvenait à maintenir "une chaîne de production en dépit du contexte politique et d'installations vieillissantes". Les raffineurs viennent se fournir auprès des puits contrôlés par l'EI, les camions-citernes formant des queues longues de 6 kilomètres. Le pétrole est ensuite "vendu localement ou en Turquie". Autres ressources, le gaz, les mines de phosphate et les usines de ciment offrent des débouchés financiers supplémentaires. Les auteurs de ces études citent aussi le pillage des banques. A Mossoul, l'un de ses principaux fiefs en Irak, l'EI s'est aussi accaparé les ressources de la banque centrale en juin 2014. Ces ressources représentaient environ 500 milliards de dinars irakiens, soit 450 millions de dollars. De plus est, l'esclavage qui concerne surtout les minorités (yézidis, shabaks, chrétiens assyriensà quand ils ne peuvent pas payer une "taxe spéciale" qui leur est infligée) et tout particulièrement les femmes. Selon la liste qu'a diffusée une employée de l'Organisation des nations unies, les sommes demandées vont de 40 dollars à 165 dollars, dans un ordre proportionnellement inverse à l'âge. L'EI pratique l'extorsion et impose des taxes aux populations locales sur les territoires qu'il contrôle. Tout particulièrement les fonctionnaires encore payés par les autorités en Irak, et en Syrie (taxés à 50 %), ce qui génère 300 millions de dollars par an. Daech diversifie ses revenus en taxant systématiquement tout passage (camions, convois humains) aux frontières qu'il contrôle, la banque de crédit de Rakka est chargée de "collecter 20 dollars tous les deux mois" auprès des commerçants, il s'attribue en outre les fruits des cultures des plaines à l'est d'Alep (coton, céréales…). Selon le rapport du service de recherche du Congrès américain, même les élèves sont taxés (chaque mois, 22 dollars en primaire, 43 en secondaire, 65 à l'université). Le groupe terroriste se finance aussi avec les "rançons" extorquées aux proches des otages, à des gouvernements (même s'ils s'en défendent) et aux sociétés d'assurance, des rançons dont les revenus équivaudraient jusqu'à 10 millions de dollars par mois, selon certaines évaluations. Les amateurs d'objets archéologiques, qui dans le monde entier achètent des pièces pillées en Syrie et en Irak, "participent au financement du groupe Etat islamique et donc du terrorisme", avait assuré le 13 novembre le directeur général des Antiquités et des musées de Syrie, Maamoun Abdulkarim. Selon des calculs du Wall Street Journal, la vente d'antiquités et d'oeuvres d'art en provenance de ces régions procurerait environ 100 millions de dollars par an à l'EI. Naissance d'un "Etat terroriste" D'après le documentaire, Daech, naissance d'un Etat terroriste, diffusé sur Arte en février dernier, l'organisation dispose d'un revenu annuel de l'ordre de 2,9 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros). D'après l'expert Jean-Charles Brisard, auteur en 2014 d'un rapport sur le financement de Daech, l'organisation utilise "librement" les réseaux bancaires syrien et irakien et peut accéder par leur biais aux réseaux bancaires internationaux. Sans que personne n'ait encore pensé à casser ces canaux. Selon plusieurs études, l'EI aurait la main sur des actifs dont le montant est estimé à 2 000 milliards de dollars (1 800 milliards d'euros), chiffre qui intègre notamment la valorisation des richesses globales des zones qu'il contrôle dont les ressources pétrolières et gazières. A titre de comparaison, le budget des talibans par exemple est évalué entre 53 millions et 320 millions de dollars. Les sanctions occidentales n'ont pas prise sur ces sources de financement totalement souterraines, souligne Evan Jendruck, consultant chez IHS Jane's. Aux Etats-Unis, les transactions bancaires signalées dans le cadre de la loi anti blanchiment des Etats-Unis ont produit cette année un nombre croissant d'alertes relatives à des transactions financières pouvant impliquer l'EI. Les banques américaines ont annoncé qu'elles épluchaient leurs transactions à la recherche de liens éventuels avec des suspects des attentats du 13 novembre à Paris. Selon Gerald Roberts Jr, qui dirige la section Opérations de financement du terrorisme du FBI, à l'occasion d'une conférence de l'American Bankers Association: "Certaines des meilleures informations dont nous disposons sur les réseaux actifs d'EI (…) viennent de chez vous". Les services de renseignement irakiens ont récemment récupéré 160 clés USB dans la cache d'un cadre du mouvement, clés renfermant notamment des informations inédites sur l'état des comptes. Pour le Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, la situation est claire: "Nous tenons [l'Arabie saoudite] responsable des aides financière et morale que les groupes [insurgés] reçoivent", a-t-il déclaré. Le groupe (EI) est "probablement l'organisation terroriste la mieux financée", indiquait en octobre dernier David Cohen, le sous-secrétaire américain au Trésor chargé de la lutte contre le terrorisme.