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Corruption, mondialisation et impunité
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2008

Bernanos disait : « L'énorme proportion des coupables finit toujours par détruire chez les non coupables le sens de la culpabilité. » A côté de ce constat sur le crime en général, pour la corruption, il faut en ajouter un autre : la corruption ne peut s'accomplir qu'avec la complicité entre un corrupteur, en quête d'un avantage ou d'un droit illégitime qui peut aller jusqu'à l'absurdité de suborner un agent pour une place privilégiée dans une chaîne d'attente et un corrompu.
Cet aspect de la corruption accroît son invisibilité et la rend hypothétique et très souvent indétectable, faute de preuves. Outre les personnes directement ou indirectement victimes de l'infraction, la corruption élève ses dégâts jusqu'à la société et sape les fondements de l'Etat. Selon le politologue William Zartrman, (cité par Ammar Belhimer dans Le Soir d'Algérie du 9 octobre 2007), l'effondrement d'un Etat découle de « l'incapacité de ses dirigeants, généralement minés par la corruption et le patrimonialisme, à assurer un minimum de régulation politique, à fonder un pacte social et à conquérir une légitimité minimale ».
Le plus alarmant est de voir que la corruption a été élevée au rang d'arme de combat par la première puissance mondiale qui, d'ailleurs, ne s'en cache pas. Ainsi, le 17 décembre 2002, dans Newsweek, le directeur de la CIA affirmait : « Nous avons les moyens de façonner l'opinion publique mondiale », en disposant d'un budget, pour « financer les opérations de corruption, de recrutement de personnes au profil douteux et les opérations d'assassinats à l'étranger. » Un calcul a même été fait pour délimiter le budget d'une opération de corruption de mille « personnes clés (parlementaires, journalistes, scientifiques, juges, etc.) », dans chacun des 50 premiers pays de la planète. Cela représente à peine 10% du budget annuel des services de renseignement et 0,8 % du budget annuel des services de défense globale des USA.
La conclusion est que les « Etats-Unis disposent de moyens financiers nécessaires pour corrompre une majorité de parlementaires de la presque totalité des pays de la planète, de juges, et la totalité des rédacteurs en chef des principaux médias. Si un tel niveau de corruption avoué est possible, comment ne pas imaginer que des niveaux de corruption biens plus modestes puissent être réels alors qu'ils n'apparaissent que sous forme de légers frissons en profondeur face aux vagues dévastatrices américaines. Devenue de plus en plus une infraction transfrontière, la corruption, avec la libéralisation effrénée de l'économie mondiale, ouvre à son domaine d'intervention un espace sans limites et encore plus fructueux, celui des affaires en tant que point de rencontre de trafics en tout genre où se conjugue la masse colossale de leurs bénéfices mutuels. La corruption devenait une menace très sérieuse pour le nouvel ordre mondial qui s'installait, après sa victoire sur le collectivisme, sur le concept du « bienfait de l'ouverture des relations économiques internationales. »
Elle risque de le faire sombrer dans les travers d'un libéralisme débridé qui instaure la tricherie et l'effacement subreptice des frontières entre le licite et l'illicite dans les affaires. Selon l'estimation, faite en 2003, par le directeur chargé de la gouvernante à la Banque mondiale, le revenu des transactions illicites représente 5% du volume mondial des échanges, soit un trillion de dollars américains, la moitié représente les paiements illicites et les pots-de-vin. Cependant, les augmentations des aides, particulièrement celles de l'OCDE prévues en 2010, et l'accroissement des transactions internationales et de la contrebande, qui se greffent sur l'incontrôlable boulimie de la consommation de tout genre, ne poussent pas à l'optimisme. Ainsi, la mondialisation a permis de promouvoir une zone grise devenue difficile à délimiter, ne permettant plus de distinguer entre le permis et le défendu.
C'est le cas notamment des rémunérations mirobolantes et primes de départ accordées aux dirigeants des grandes entreprises capitalistes, du gonflement des frais professionnels ou les « fringe benefits » (avantages annexes) américains, une forme déguisée de corruption, à côté d'autres pratiques telle « la comptabilité créative » établie selon des standards élaborés pour tromper les actionnaires, du « délit d'initié » pour manipuler les marchés financiers au détriment de petits actionnaires naïfs, de l'usage illicite des ressources de l'entreprise) à des fins personnelles (abus de biens sociaux) ou bien de la plus scandaleuse pratique du monde des affaires, le principe de « déductibilité scale des pots-de-vin » la déduction de l'impôt des sommes versées en pots-de-vin à des agents publics étrangers une pratique qui a permis de révéler les cas de nombreux cadres étrangers et même des chefs d'Etat (Abacha, Taylor, Mobutu, Fujimori, Bhutto et Suharto…), à côté des scandales qui touchent de hauts responsables politiques dans leur pays, parlementaires, chefs d'Etat ou de gouvernement, ministres, etc. accusés de corruption.
Ce principe a été d'ailleurs interdit par l'OCDE dans une recommandation de 1996, l'institution la plus en pointe dans la lutte contre la corruption depuis sa convention de 1997 sur la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et les différentes recommandations qui l'ont suivie. Des institutions internationales, parmi les plus importantes, n'ont pas échappé au scandale de la corruption pour ne citer que le cas du président de la Banque mondiale Wolkovitz, en 2007, obligé de démissionner pour une forme de corruption grise (népotisme). Il ne semble pas que l'intéressé ait fait l'objet de poursuites judiciaires dans son pays, les Etats-Unis, et pour cause, c'était l'un des plus virulents faucons dans le déclenchement de la guerre contre l'Irak. La mondialisation a donné à la corruption un relief jamais atteint auparavant. Ainsi, les délocalisations conséquence de la lutte en Europe contre l'immigration clandestine avec tout ce qu'elles laissent supposer comme pratiques corruptrices, ont fait passer l'intérêt du particulier des détenteurs de capitaux avant celui de l'économie nationale et de l'Etat où se trouvait installée, au départ, l'entreprise. Ces pratiques s'inscriraient, pour le libéralisme économique triomphant, dans le cadre des avantages comparés que permet la concurrence.
Mais, dans tous les cas de figure, il s'agit-là d'une concurrence déloyale. Pour le pays de départ, elle se matérialise par la perte de nombreux emplois, pour le pays d'accueil, généralement un pays du tiers-monde moins développé, ce sont les conditions de travail moins rigoureuses pour les patrons et le coût réduit de la main-d'œuvre qui attirent. Elles plombent ainsi tout progrès social de la population laborieuse. La gravité de la corruption tentaculaire qui menace surtout les pays en développement, moins bien armés, et qui peut effectivement façonner le monde et lui faire perdre son âme, explique l'heureuse initiative du législateur algérien qui, après l'avoir inscrite comme une infraction contre « la paix publique » dans le grand titre se rapportant « aux crimes et délits contre la chose publique » dans le code pénal, en a fait un système d'infractions plus élaboré. La loi du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, a été rédigée sur le modèle de la convention des Nations unies contre la corruption (UNCAC) signée le 9 décembre 2003, à Mérida (Mexique) par 94 pays dont l'Algérie qui l'a ratifiée en 2004.
La loi du 20 février 2006 a repris, in extenso, de larges extraits de la convention, particulièrement ses définitions. La convention de l'ONU est le premier instrument multilatéral qui pose de manière contraignante le principe de la restitution des avoirs acquis illicitement. Mais les conventions et les lois, auxquelles viennent s'ajouter d'autres instruments de lutte de nature éthique, jusqu'à se référer aux recommandations des différentes religions, suffisent-elles à enrayer les progrès de la corruption ? L'Islam ne maudit-il pas le corrompu, le corrupteur et leur intermédiaire ? Le christianisme rappelle que l'argent peut très facilement de serviteur se muer en maître tyrannique au détriment de Dieu, maître suprême, et toutes les religions recommandent l'honnêteté dans les affaires. En outre, depuis la faillite de grandes entreprises américaines à partir de 2001 (Enron, Worldcom, Tyco…) sous l'influence des lois Sabanes-Oxley, des directeurs d'éthique (« ethical officers » ou « compliance directors ») sont désignés dans les petites et moyennes entreprises américaines, une forme de directeur de conscience. Ils existent en fait depuis 1980 dans les grandes entreprises.
Il se sont constitués en association (Ethics Officers Association), fondée au Centre pour l'éthique des affaires (Center for businness ethics) de l'université Bentley à Waltham dans le Massachusetts. Depuis 1991, les juges ont été rendus destinataires d'une série de recommandations fédérales pour les peines concernant des entreprises, un document qui définit les références que toute organisation (grande ou petite, commerciale ou non) doit respecter pour obtenir une réduction de peine si elle devait un jour être condamnée pour crime fédéral. Toutes ces mesures ne semblent pas avoir fait reculer la corruption aux Etats-Unis, un pays qui avoue l'avoir érigée en challenge international pour corrompre la terre entière, dans des pays où la corruption s'est installée de façon endémique. Aussi est-on en droit de nous demander si un jour nous vivrons un monde sans corruption, ou du moins si son reflux peut-être prévisible ? A croire la loi de Gresham sur l'éthique, ce sont toujours les mauvais comportements « éthiques qui chassent les bons, à l'image du principe monétaire qui veut que la mauvaise monnaie chasse toujours la bonne.
L'auteur est Ex-secrétaire général du Conseil constitutionnel


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