Soixantenaire de la Cour suprême: Consensus sur l'importance de la numérisation et de l'échange d'expériences pour l'amélioration du travail judiciaire    Ahmed Attaf reçu à Riyadh par le président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas    Première édition du festival des sports d'Alger: la piste dédiée aux sports urbains attire les jeunes à Bab Ezzouar    Un investissement de 10 milliards DA pour renforcer la sécurité et la sûreté dans les aéroports    Agriculture/startups: lancement de la 4e édition du concours Africa Sipsa Innov Award    Lancement officiel du réseau associatif de la Démocratie participative    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Tournoi international de tennis: l'Algérienne Maria Badache et l'Espagnol Ganzales Galino Valentine sacrés à Tlemcen    Khenchela: 165 étudiants participent à la 14ème édition de la manifestation nationale universitaire "Marcher en Montagne"    L'Emir Abdelkader, un homme d'Etat et de Savoir    Education: toutes les mesures prises pour le bon déroulement des examens de fin d'année    Chargé par le président de la République, Attaf prend part à Riyadh à la réunion du Forum économique mondiale    Algérie : 4,1% de croissance économique en 2023    Ghaza : le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.388 martyrs    Génocide à Ghaza : La plupart des corps découverts dans les fosses communes des hôpitaux ne sont pas identifiables    La Réunion consultative entre les dirigeants de l'Algérie, de la Tunisie et de la Libye, une «réussite»    L'amie de la Révolution algérienne Briou André Alice Jeanne n'est plus    La DSA lance un appel en faveur des agriculteurs pour s'impliquer dans l'opération    Affaire USMA – RSB, la CAF saisit le tribunal international    Algérie Télécom sponsor officiel du tournoi zonal d'escrime de qualification aux Jeux Olympiques 2024    Vers le renouvellement du cadastre des terrains    Sonatrach signe un protocole d'entente avec la société omanaise OQ Exploration & Production    Saisie de 935 comprimés de psychotropes, 287,71 g de kif et 5 suspects arrêtés    Arrestation de 2 voleurs grâce au numéro vert 1548    Arrestation    Espagne: saisie de 25 tonnes de haschich dans un camion de melons en provenance du Maroc    Une porte-parole du Département d'Etat américain démissionne en raison de la politique de Washington    Festival du film méditerranéen à Annaba : "130 ans de cinéma italien à travers le regard des critiques", objet d'une conférence spéciale    Un modèle de l'unité et de la cohésion du peuple algérien dans sa résistance à l'occupation française    Une voix claire et retentissante doit être accompagnée d'un bon niveau de langue pour bien communiquer oralement    Un célèbre acteur néerlandais a embrassé l'islam    La préservation de la mémoire nationale conditionnée par l'utilisation des technologies modernes    Favorable au MCA, lutte acharnée pour le maintien    Ould Ali (JSK) : «Tout mettre en oeuvre pour redorer le blason du club»    Chanegriha impitoyable à la préparation au combat    Les médias conviés à une visite guidée du Centre de formation des troupes spéciales    Le ministre de la Justice insiste sur la fourniture de services de qualité aux citoyens    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Violence : Une prescription de fragilités
Publié dans El Watan le 09 - 09 - 2008

La sidération et l'attente sont des marqueurs émotionnels dominants après un acte terroriste. Beaucoup de personnes se trouvent saisies par la proximité de l'effroi et d'autres encore seront captées par le travail de l'imaginaire et par l'infranchissable représentation de l'horreur.
Par Mourad Merdaci (*)
Car toute mort violente est horrible par sa nature et par son effet. Au-delà de ces morts surgissent les ruminations silencieuses et le bruit de la détresse. Nous devons alors condamner, réfuter et essentiellement comprendre. Ce travail de questionnement, de décryptage et de recoupement paraît indispensable pour rendre lisible le processus de la violence, sa finalité et ses modes opératoires.
Une adversité furtive
Les affrontements qui ont pu opposer les représentants de l'intégrisme islamique aux forces de la République sont vidés de leur fondement politique et idéologique. Les ténors médiatiques de l'Etat islamique sont aujourd'hui ralliés au consensus modérateur de la réconciliation nationale et se trouvent de fait adoubés par un Etat bienveillant et protecteur. En matière de pratique terroriste en Algérie, un déplacement des modalités opératoires est à souligner qui concerne le passage de l'organisation militaire ou paramilitaire, les chefferies notoires politiques et militaires (Mezrag, Abderazak le Para, Hattab, Ali Benhadj ou encore le sinistre « tôlier ») vers la formule individuelle, anonyme, imprévisible et intangible. Il n'y plus de « chefs de guerre » mais une délégation institutionnelle d'un pouvoir de destruction supranational aux frontières indéterminées.
Ainsi, sous le label Al Qaïda, le kamikaze est un être sans identité, sans ressort personnel, sans appellation et sans visage. Les experts en stratégie sécuritaire doivent intégrer la mesure des risques, les systèmes de prévision, d'intervention d'urgence et de renseignement à développer pour accompagner l'efficacité redoutable des agents furtifs du terrorisme. Car il ne s'agit plus de contrecarrer des procédés lourds de guerre classique ou même urbaine, mais une capacité de mobilité, d'infiltration et de répétition. L'effet de récurrence, l'identité des exécutants, les scénarios de mise en actes et les cibles doivent également situer une lecture potentielle des tactiques de distribution de la terreur.
A son apogée, l'intégrisme islamique employait des chefs de groupes terroristes qui assassinaient publiquement les jeunes filles qui ne portaient pas le voile, les poètes, les enseignants et les journalistes. La chronique de ces forfaits est vérifiable. Aujourd'hui, dans le climat opaque de la réconciliation, les règles de l'affrontement sont indistinctes, les motivations du combat irrationnelles, les agresseurs et les victimes virtuelles.
Une prescription de fragilités
J'ai signalé dans une récente contribution le travail de fragmentation à l'œuvre dans les dimensions complexes de la vie psychosociale et politique en Algérie. Cette fragmentation est source de déchirement, de désenchantement et de désaffiliation. Il s'agit d'une décohabitation des sens, des émotions, des valeurs et des paroles où beaucoup d'Algériens ont cessé d'appartenir à ce pays et se trouvent candidats à l'exil. La terreur est une prescription de fragilités. Ces fragilités de nature affective, sociale, défensive, politique, économique et mentale sont diffusées à toutes les dimensions de la vie nationale et rendent illusoire l'unité et la cohésion identitaire. Nous ne sommes plus un même peuple, ni une même nation. Et nous ne référons plus des mêmes dogmes, ni d'une culture partagée ni d'une communion de destin.
Les gouvernants de ce pays ne semblent pas percevoir que la trame humaine de la société se démembre chaque jour en raison d'un partage inégal des richesses et l'affectation des prébendes et en raison de nombreux sentiments de réjection et d'humiliation. Même la mort n'est plus sacralisée ni parlée pour acquérir une valeur et un sens. Le deuil est proscrit. Le pacte social devient un pacte de violence sacrificielle développée comme un gage aux plus retors. La fragilisation psychologique provient de cette forme muette d'introjection de la douleur sans sanction de l'agresseur, sans détermination des attributs de la vie et de la mort. Le système de gouvernance actuel, fondé par le silence et le déni d'appartenance, légitime les inégalités nombreuses qui compromettent la coexistence des groupes sociaux.
Une catégorie du champ social, la plus instable, celle des jeunes adultes, est directement conviée à ce rôle victimaire de porter les contradictions des gestions sociales, politiques et culturelles. Faute d'avoir appris des formes de contestation politiques ou créatrices, elle s'administre une violence symbolique comme un essai de recommencement traumatique dans la formule de l'exil : la harga que les pouvoirs politiques voudraient pénaliser. Cette forme de contention est illusoire car elle ne régulera pas les motivations à la source du désir de fuite : disparités sociales et économiques criantes, inégalités de statuts humains, juridiques et politiques, sentiments d'exclusion et d'abandon, apprentissage de risques.
La harga figure alors un mode de colonisation d'un lieu pour délocaliser les ancrages douloureux. Il s'agit d'une périphérie, un contexte spécifique de reconstruction de l'unité interne et de l'identité sociale. Dans une réflexion de synthèse, G. Le Foyer de Costil observe que le terrorisme naît de la prohibition de la violence de l'Etat. En cela, il représente une privatisation de la violence collective. La législation algérienne semble institutionnaliser les formats indistincts du terrorisme en Algérie, sa férocité aussi, en prescrivant des attendus libératoires aux lieu et place d'une judiciarisation ferme et sévère des atteintes à l'Etat de droit. C'est un paradoxe moral et juridique. Car il est impossible de réprimer et d'amender dans un même mouvement.
De même, le cadre juridique que l'Etat infère dans le traitement du terrorisme et de la réconciliation n'est plus efficient dans la mesure où ils ne s'inscrivent plus dans une limite territoriale nationale mais internationale.Afin de préserver la vie des citoyens, il faudrait alors que l'Etat développe la même terreur face aux terroristes précisément, appliquer plus de la même chose, virtualiser la répression et réhabiliter la violence de l'Etat. Toutes les violences ne diront pas comment sera demain et quel héritage auront d'autres générations d'Algériens. Une culture de la haine réciproque s'élabore de manière pernicieuse et les régnants persistent à obturer la réalité.
N'est-ce pas le chef de l'Etat qui enjoignait aux jeunes, tout récemment, de ne pas voir ni tenir compte des fortunes fortuites ? Comment pourraient-ils gérer cette prescription de cécité et de négation du réel ? Il faut alors redire les choses : les jeunes Algériens sont particulièrement informés des fortunes subites et de la facilité qui est faite à certains de vivre. Le pouvoir doit s'affranchir de cette équation pour résorber la frustration contenue, élaborée dans le dénigrement des valeurs du travail et de l'école et dans les règles de la cooptation mafieuse et clanique.
Une centralité narcissique
Beaucoup d'Algériens sont affectés par le silence et l'impassibilité du président de la République qui a la charge constitutionnelle de représentation de l'Etat et du peuple. Dans tous les pays, la santé, la dignité et la vie d'un citoyen sont une affaire suprême. En Algérie, chaque jour annonce sa funeste litanie de morts, de tous les bords, sans que les agents de l'Etat et le premier d'entre eux viennent exprimer la compassion due aux victimes. Faut-il renvoyer cette stratégie de communication à ce qui la singularise le mieux, le travail de communication visuelle de l'image du président développé dans tous les médias ? Le président dans sa représentation nationale est renfrogné, imperméable et autoritaire tandis que le président dans le contexte international est avenant, humain et réceptif.
Le chef de l'Etat est dans une logique de centralité narcissique qui l'empêche de percevoir et d'entendre la douleur des autres. Seul compte le pacte avec les repentis ? Les Algériens doivent payer par leur endurance le prix des morts soudaines, de fractures irréparables, de souffrances indicibles. Pourtant, l'acte de parole du chef de l'Etat inscrit le pouvoir dans une surface de représentation concentrique. La capacité de dire et d'entendre prolonge la vie psychique et sociopolitique et informe la réciprocité de la gouvernance. L'acte de parole est également structurant qui inscrit une forme d'arbitrage et de médiation. L'imaginaire et la symbolique du pouvoir situent entre le Président et son peuple des contextes d'échange et d'effets spectaculaires nécessaires à la cohésion interne et à la reconstruction de la vie du groupe national.
Dans la conjoncture d'incertitude et de déchirement qui domine l'Algérie depuis plusieurs années, des paroles de ressourcement et de clarification paraissent nécessaires. Le chef de l'Etat pourrait y indiquer pour son peuple en quoi il est dans l'échec. Davantage qu'un partage politique, ce sera un partage éthique pour recouvrer le sens de la fonction présidentielle.Car la fonction présidentielle n'est pas une féodalité. Ni le Président un légat. Le président de la République peut-il s'arroger la latitude de placer la vie des Algériens dans une alternative de perte, que souligne l'actualité présente, de mise en risques et de finitude ? Engager les éléments les plus fragiles du peuple dans un simulacre de résistance héroïque ? De ces quelques aspects de la réalité oppressante, le chef de l'Etat a le devoir constitutionnel de rendre compte à son peuple.
Beaucoup de lectures dans les médias rapportent la perspective d'une fin de mandat et des explications que retiendra l'Algérie, son peuple, ses institutions diverses de plusieurs années d'errements politique et sécuritaire. Une tradition, typiquement algérienne, veut que tout responsable peut se départir de son mandat ou en être relevé sans présenter de bilan quelconque ni de justifications des investissements portés au nom de la République. Les citoyens-électeurs attendent de savoir quels usages traduisent le mandat qu'ils ont donné à leur Président. C'est le principe même du suffrage et de la démocratie.
(*)Psychologue clinicien, psychopathologue Maître de conférences HDR en psychologie clinique Consultant pour l'enfance et la famille


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.