Ce troisième tour qui intervient après l'annulation par le Conseil constitutionnel des résultats du second tour pour fraude électorale, qui avait donné vainqueur le candidat du Pouvoir pro-russe l'ancien Premier ministre Victor Ianoukovitch se déroulera cette fois-ci sous haute surveillance électorale et dans un contexte politique interne nouveau marqué par le grave scandale de l'empoisonnement à la dioxine du candidat de l'opposition Victor Iouchtchenko. L'opinion internationale qui suit avec un intérêt particulier ce scrutin s'est mobilisée comme jamais auparavant en se faisant représenter à ce scrutin pour surveiller sa régularité par 12 300 observateurs contre 5000 durant le second tour annulé par le Conseil constitutionnel. Autant dire que les risques de fraude sont cette fois-ci réduites presque à néant compte tenu de la mobilisation interne et internationale extraordinaire pour barrer la route aux fraudeurs et des nouveaux amendements apportés à la loi électorale dans le sens d'une plus grande transparence du scrutin. Ironie de l'histoire, cette fois-ci, c'est le candidat pro-russe Victor Ianoukovitch qui crie à la fraude affirmant que ses partisans étaient prêts à marcher sur Kiev en cas de victoire de son rival. Les derniers sondages donnent Victor Iouchtchenko favori avec 51% des intentions de vote contre 37% pour son concurrent, qui a perdu des soutiens, y compris dans son propre bastion à l'est et au sud du pays. Victor Ianoukovitch n'a fait que compter et accuser les coups que lui a assenés son adversaire au cours de ces dernières semaines de crise qui ont secoué le pays. Il ne peut même plus compter sur le soutien dont il bénéficiait dans les sphères du Pouvoir. Le président sortant Léonid Koutchma, qui semble avoir tiré les leçons de la déferlante de la « révolution orange », a en effet sinon changé son fusil d'épaule, du moins n'a pas fait d'obstruction pour faire amender la loi électorale et ouvrir le pays aux observateurs internationaux pour effacer de la mémoire des Ukrainiens et de l'opinion internationale la fraude de la honte dont s'était rendu coupable le système lors du second tour du scrutin. Ce repositionnement politique du Président ukrainien, qui a compris dans quel sens souffle réellement le vent et que le temps des cooptations est définitivement révolu, est suivi par plusieurs membres du gouvernement qui ont quitté l'Exécutif. Ianoukovitch est en passe d'être lâché même par les siens : par Moscou, qui l'avait pourtant porté à bout de bras pensant qu'il était l'homme de la situation qui pouvait sauvegarder ses intérêts stratégiques dans ce pays situé dans une position charnière entre l'Occident et la Russie. Le président russe Vladimir Poutine se place déjà dans la perspective de la victoire inéluctable de Iouchtchenko au prochain scrutin en exprimant jeudi dernier le souhait que « dans l'entourage de M. Iouchtchenko, il n'y ait pas de gens qui bâtissent leurs ambitions politiques sur des slogans antirusses ».
