Pour un jour de repos hebdomadaire, l'atmosphère était étonnamment gaie et joyeuse. Il plane un sentiment d'entrain et d'exquise fébrilité. Un vendredi de fin d'année fait exception à la règle. Une rupture de ban qui surprend agréablement. Les quartiers populaires, qui ont pris la mauvaise habitude de plonger dans une profonde inertie, se remettent à vivre densément, l'espace d'une journée réputée traditionnellement pour son spleen et sa morosité à découper au couteau. Les magasins sont toujours fermés hermétiquement. La circulation réduite à la portion plus que congrue. Seuls les nantis pouvaient se payer une salutaire escapade extra-muros, histoire de conjurer une ambiance à foutre le cafard en un quart de tour. Le reste des infortunés mortels se laissant engloutir par une indicible morosité. Un miracle de fin d'année semble mettre un bémol roboratif et gripper la machine de la torpeur du week-end. Comme par un coup de baguette magique, malgré le froid et la pluie battante, les rues s'animent pour le plus grand plaisir des habitants. Un vendredi pimpant et sémillant ne se refuse pas. Et pour cause. Le pied de nez qu'il inflige à la léthargie des gestes et des attitudes ravit le cœur et le remplit d'aise. Il n'y a que la fête de fin d'année qui a été capable de bannir et de congédier la platitude envahissante des week-ends qui se suivent et se ressemblent. Déprimante dans son morne rituel. La fête a ce je ne sais quoi d'aptitude à éloigner les tourments, les soucis et les tracas. Moment de paix et de tranquillité que l'on s'offre et que l'on arrache presque instinctivement au temps et aux événements qui ne sont pas souvent réjouissants. Ni décret ni oukase contraignant pour chasser ses démons, ses turpitudes. Et c'est tant mieux.
