Ce constat s'applique aussi pour le marché de Zoudj Aâyoune, interdit depuis la rénovation du marché couvert. Les marchés anarchiques, vieux de plusieurs années pour certains, suscitent nostalgie et incompréhension parmi de nombreux habitants. Eradiqués par les autorités publiques, ces bazars informels manquent d'ores et déjà à leurs clients et habitués. Ils ne peuvent imaginer la Basse Casbah sans le marché, bien qu'illégal, de Djamaâ Lihoud et de Zenqat Laârayes, ou de Bab El Oued, sans son fameux marché tentaculaire de la place des Trois-Horloges. Si la décision de déloger les vendeurs anarchiques a été bien accueillie par les résidents des quartiers limitrophes, qui souffrent des cris, de la saturation et de la saleté, une autre catégorie de citoyens affirme que rien n'est plus comme avant depuis que ces marchés ont été éradiqués. Rencontrés à proximité de la mosquée Ketchaoua, des hommes d'un certain âge ont exprimé leur opposition à la décision de tout déloger. «La rue Ali Amar a toujours été un marché. Automobilistes, piétons et résidents cohabitaient sans le moindre problème. Des familles vivent de ce marché. Les vendeurs de vêtements, mais aussi ceux proposant du thé, des bourek et mehadjeb, etc. La sécurité y est assurée par les commerçants eux-mêmes», se plaint ce retraité. Sans les commerçants des arcades de la rue Bouzrina, d'Ali Amar ou de l'ex-rue de Chartres, ces lieux seraient fantomatiques, sans vie, sans ambiance et sans âme, soupire un autre citoyen d'un certain âge, tout en confiant avoir lui-même bricolé dans ces marchés. «Tout le monde y trouvait son compte, vendeurs et acheteurs. Et en faire un no man's land n'est certainement pas la solution», ajoute-t-il. Si les commerçants formels se frottent les mains en l'absence de ces concurrents déloyaux, il n'empêche que c'est déjà la désillusion. Et pour cause, l'afflux des acheteurs a beaucoup baissé. Sans les trabendistes, l'on se retrouve avec moins de choix en marchandises et l'on propose plus de produits à moindre prix, apprend-on. Ce constat s'applique aussi pour le marché de Zoudj Aâyoune, interdit depuis la rénovation du marché couvert et complètement éradiqué avec l'inauguration de l'extension du métro vers la place des Martyrs. Ces deux marchés, faut-il le rappeler, ont une réputation nationale et des acheteurs y viennent de toutes les wilayas du centre du pays. A Bab El Oued, le mythique marché des Trois-Horloges donne l'image d'un endroit spectral, où l'on ne reconnaît rien, en l'absence de «l'anarchie ordinaire des lieux». L'absence de l'énorme marché illégal de fruits et légumes suscite des regrets, voire une certaine résignation, parmi beaucoup de pères de famille. «On y achetait pour tous les prix», témoigne un autre citoyen. Depuis la fermeture du marché couvert et l'interdiction des vendeurs, dont les étals s'étendent sur plusieurs ruelles, Bab El Oued n'est plus la même. «Un certain charme a disparu», regrette notre interlocuteur. Selon lui, «les autorités auraient dû mettre un peu d'ordre et imposer le respect des règles d'hygiène et de salubrité publique au lieu de tout détruire». Et le drame, c'est que même les commerçants légaux, toutes activités confondues, gagnent moins depuis l'éradication de ce marché, en raison du manque d'affluence sur les lieux. «Même le mois de Ramadhan n'aura plus le goût habituel sans ce marché, ses odeurs et ses vendeurs», estime un jeune habitant, admettant toutefois que les résidents vont enfin bénéficier d'un peu de calme après des années de brouhaha et de tumulte insupportables.