Durant les années 1970, elle était directrice d'une école d'application et elle a eu à former des centaines d'enseignants du fondamental et des dizaines de directeurs… En 2004, on vient, comme ça, à l'improviste lui demander de vider l'appartement qu'elle occupe avec ses enfants. Pour aller où ? Personne ne se risquera de répondre. A la rue, sur un trottoir, ou en enfer… on s'en moque du moment que la bonne dame n'a plus rien à donner. Elle est à la retraite et ne garde du corps enseignant que les souvenirs et les mérites d'un devoir dûment accompli. On l'a essorée à l'usure et aujourd'hui l'honorable machine de l'éducation entend récupérer son bien : un appartement situé dans l'enceinte de l'établissement scolaire El Amel. C'est la loi, c'est la règle. Quoique des logements d'astreinte dans d'autres établissements aient longtemps servi de «pied-à-terre» à plusieurs personnalités et à d'autres vacanciers. Mme Abada a tenté de plaider sa cause auprès de l'ancien directeur de l'éducation pour le sensibiliser et lui démontrer qu'elle ne dispose d'aucun gîte pour l'abriter elle et ses enfants si jamais on venait à la mettre à la rue. «Malgré plusieurs tentatives je n'ai même pas pu l'approcher», raconte-t-elle. Elle raconte également, et dans le détail, les longs moments qu'elle a passés devant la porte de la Direction de l'éducation dans l'attente d'être reçue par ceux-là même qui furent un jour ses propres élèves. Pourtant, dira-t-elle, «je ne demande pas l'aumône. Je veux juste qu'on me donne un logement décent. Je n'en possède pas car j'ai passé toute ma vie dans le cercle de l'enseignement auquel j'ai donné le meilleur de moi-même. Et croyez-moi, si je possédais un logement personnel, je ne me serais pas abaissée à tant d'humiliation. Je suis trop digne pour faire du porte-à-porte». Elle dira également que le président de l'APC lui aurait promis de trouver une solution honorable, mais en attendant, les mises en demeure inondent sa boîte postale. «Je suis seule et je n'ai que mes enfants, je veux juste finir ma vie dans la dignité.» Mme Abada, qui fait d'ailleurs partie des quelques repères encore vivaces du corps enseignant dans la ville de Skikda, ne donnait nullement l'impression de chercher la compassion ni la charité. Malgré l'épreuve difficile qu'elle endure, elle garde encore une bonhomie bien «bônoise» et un espoir très vaste. Car elle demeure confiante que toutes ses années qu'elle a données aux autres, ne sauraient partir en vain. Puissent les autres responsables le penser également.