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Le point du samedi
Publié dans El Watan le 13 - 08 - 2005

La confrontation déifiée entre ces deux sphères serait même, à en croire certains héritiers de l'historicisme, la ligne de partage d'une summa divisio, le sens ultime de l'Histoire. Le paradigme a fortement imprimé ses marques sur la science sociale : qu'elle se réclame désormais de Marx ou qu'elle se revendique de Weber, qu'elle s'inscrit dans le sillage de l'école de la «dépendance» ou dans celui de la «modernisation», la sociologie a longtemps été dominée par cette grille de lecture. Celle-ci fut, il est vrai, rudement critiquée par le courant «postmoderniste» au sortir des années 1960 ; déprécié, le paradigme est tombé dans une sorte de disgrâce intellectuelle. Une disgrâce somme toute courte et partielle : l'idée est revenue à l'honneur à l'occasion du 11 septembre 2001 pour s'imposer, à nouveau, comme la clé de déchiffrement du jihad qui s'en prend à l'Occident. Comme manifestation de la violence furieuse de l'hubris, celui-ci serait, dans son essence même, l'expression ne varietur de la tradition musulmane dans son opposition continuelle à l'Occident, patrie de la Modernité.
Plusieurs arguments appuient cette interprétation, dont le moins important n'est pas l'homologie établie entre la nébuleuse d'Al Qaîda et la secte des Assassins. En effet, entre les sectateurs jihadistes de nos jours et les fidâ'is ismaéliens de jadis, plus qu'une généalogie commune, il y aurait, selon cette «archéologie» du jihad, une nouaison culturelle sinon une permanence cultuelle qui fait se lier les deux groupes par-delà dix siècles de distance temporelle. Fondé par Hassan al Sabbâh au XIe siècle, le premier se veut le modèle inaugural dans lequel le groupe d'Oussama Ben Laden trouverait précisément le socle de référence, la geste référentielle. Du choix des cibles – croisées, vizirs locaux – à la dissimulation (la taqiyya chère aux chiites), les similitudes ne manquent pas entre les auteurs des attentats de New York ou de Londres et les assassins de Conrad de Monteferrat et de Nizam al Mulk : les premiers savaient se faire passer, de longues années durant, tantôt pour des moines chrétiens, tantôt pour des mamelouks ; les seconds savaient se faire passer pour des étudiants «modernes», bien intégrés dans le tissu social, parfaitement rompus au mode de vie occidental. Ce n'est pas tout : le maître des Assassins s'était construit un refuge dans la citadelle d'Alamut sur les montages d'Albruz ; le chef d'Al Qaîda s'est réfugié dans les grottes imprenables de Qelat, les deux refuges se trouvant aux confins désolés de l'Asie centrale. Les similitudes sont, à première vue, impressionnantes. Le paradigme semble imparable, ainsi que s'emploie à le fonder en théorie l'orientaliste Bernard Lewis dans un article paru en 1990, intitulé «Les racines de la rage islamique». Article qui allait servir de référence autorisée sinon de source canonique à Samuel Huntington pour élaborer, deux ans plus tard, sa célèbre thèse du «clash des civilisations». Depuis le 11/9, le paradigme fait fortune, accédant, par le truchement des «néo-cons» aux commandes de l'Administration américaine, au rang de doctrine stratégique. Peut-on cependant, par-delà l'irrésistible attrait esthétique qu'exerce la «spécificité» culturelle de l'Islam, considérer les kamikazes d'Al Qaîda comme les disciples lointains du fondateur de la secte millénariste des Assassins ? Rien n'est moins sûr. Toute lecture essentialiste mise à part, Mohammed Atta et ses acolytes sont les «fils de leur temps», celui pour reprendre les termes forts d'Abdelwahab Meddeb, de «l'universalisation de la technique et de l'unification cathodique de l'humanité à l'âge de l'américanisation du monde». La présumée taqiyya n'y changera rien, sinon toute organisation cultivant le secret devient ipso facto de filiation ismaélienne, qu'il s'agisse de l'IRA irlandaise ou de l'ETA basque ! Les nouveaux radicaux du jihad sont les agents sociaux de la globalisation : ils ont suivi des «études modernes», ont mené une jeunesse «à l'occidentale», sont devenus transnationaux, ont souvent connu une radicalisation politique avant de basculer dans la violence. Enfants de l'Internet et du digital, les nouveaux sectateurs jihadistes sont fascinés par la technique, mais peu ou prou par la science. Adeptes du bricolage idéologique et de l'instantanéité, leur accès au corpus religieux se fait de façon sauvage, en violation des canons classiques ; leur connaissance de la Tradition s'avère très souvent rudimentaire.
Gros de plusieurs apories, le paradigme «tradition vs modernité» n'est pas d'un grand secours pour éclairer l'énigme qui nous occupe. Exemples : la sublimation et le surinvestissement du jihad sont un phénomène tout à fait récent, il date des années 1970. C'est Abdel Salam Farag, disciple de Sayyid Qotb, électricien et idéologue du groupe des assassins de Sadate, qui en formalisera la «doctrine» : en effet, dans son opuscule L'Impératif occulté (Al faridha al ghaïba), le jihad devient une obligation personnelle impérative (fardh âyn) au même titre que la croyance en l'unicité de Dieu, la prière, le jeûne ou l'aumône, alors que la Tradition a toujours restreint son usage dans le temps comme dans l'espace, faisant de son recours un impératif communautaire (fardh kifaya) en cas de menace d'un ennemi. Le jihad contemporain procède par conséquent d'une «invention de la tradition» bien davantage que d'une réminiscence de celle-ci. Pour une pensée fondamentaliste si prompte à jeter la flétrissure de la bid'â sur toute innovation doctrinale, cela est plutôt un comble ! Mais il y a une autre innovation, celle du «modèle» kamikaze de l'attentat. Cette forme de terrorisme n'est en rien l'apanage de la tradition islamique, on l'a retrouve aussi bien chez les Tigres Tamouls du Sri Lanka qu'au sein du FPLP, le parti laïque palestinien fondé par (le chrétien) Georges Habbach. Comble du paradoxe : même un imam salafiste proche de la mouvance jihadiste comme le cheikh al Albani désavoue, au nom de la tradition, l'attentat suicide – propre au chiisme – que les néo-fondamentalistes sunnites exècrent par-dessus tout ! Et si on interprétait le jihad comme une réponse paroxystique à l'individualisation bien à l'œuvre de la religiosité musulmane, une combinatoire explosive du ressentiment et de l'acculturation occidentale des musulmans, une recherche fantasmatique et désespérée d'une umma imaginaire – dont le jeu géopolitique des membres désavoue l'existence au quotidien -, un rejet obsessionnel de l'entrée à reculons de l'islam dans la sécularisation ?


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