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Colette, la vie romancée et le roman vécu
Publié dans El Watan le 30 - 03 - 2006

Il sut rapidement jouer sur la corde sensible pour faire éclore chez sa jeune femme une plume en devenir de fleur. Colette avait trouvé son sombre Pygmalion et le couple paraissait heureux, elle écrivant, lui signant. La première série des Claudine parut entre 1900 et 1903 et connut un franc succès. Avec talent, Colette avait su romancer ses souvenirs d'enfance. Sans scrupules, son mari les signa de son pseudonyme Willy. Il n'en avait pas écrit une seule ligne. Sous influence amoureuse, Colette poussa sa romance des Claudine durant tout un printemps. Elle avait vingt ans. Bientôt elle aspira à briser l'entrave.
En 1904, elle publia sous son nom Dialogue de bêtes, comme pour dire qu'entre humains, il n'y avait plus rien à se dire. Deux ans plus tard, ce fut le divorce. Colette n'avait plus rien à faire signer à Willy que l'acte de leur séparation, de son vrai nom cette fois-là : Henri Gauthier-Villars.
Colette chanta tout un printemps, de plus belle, faussement. Libre, elle monta sur les planches, joua la pantomime, mena de music-hall en music-hall la vie hasardeuse et fatigante des comédiens en voyage. Willy s'était-il trompé ? La vagabonde se dispersait et elle le sentait. Elle avait besoin de chanter plus juste. Parfaire l'œuvre et se libérer du doute. Colette attendait la plainte qui lui révélerait sa voix. Un jour de printemps, elle entendit la voix d'un rossignol.
Publié en 1908, Les Vrilles de la vigne débute comme l'une de ces fables qui choisissent de mettre en texte des animaux pour brouiller un jeu trop humain. Mais à ce rendez-vous fabuleux, Colette a su se rendre comme à la naissance d'un jour nouveau. Elle était poète bien avant cette date, au point que Willy déjà, du temps de leur mariage, avait pu se demander s'il n'avait pas épousé «la dernière des lyriques». Willy avait vu juste. Il ne s'était trompé que sur le statut de la femme mariée. Le divorce et la parenthèse bohémienne soldèrent chez Colette les vaines angoisses et forgèrent un génie. Dans Les Vrilles de la vigne, les variations musicales atteignent leur acmé pathétique au bout d'une nuit de veille, à la pointe d'un nouveau jour sans homme sombre, en compagnie d'un rossignol, un véritable maître chanteur qui ne signera pas l'œuvre.
Or donc, un rossignol chantait toute la journée. Couché à sept heures, sept heures et demie, il faisait un somme jusqu'au lendemain. Une nuit de printemps, «le rossignol dormait debout sur un jeune sarment, le jabot en boule et la tête inclinée, comme avec un gracieux torticolis.» Le bel oiseau dormait et ne sentait pas pousser les cornes de la vigne, «ces vrilles cassantes et tenaces» qui poussèrent dru cette nuit-là et qui l'enserrèrent et le ligotèrent. Ailes impuissantes, pattes empêtrées de liens fourchus, le rossignol crut mourir. Il se débattit et se libéra de l'entrave acide et fraîche et jura de ne plus dormir la nuit.
Alors, toutes les nuits de printemps, le rossignol chanta pour se tenir éveillé, se rappelant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Colette ne dort pas. Chaque nuit, elle voit le rossignol chanter sous la lune, mais lui ne la voit pas. Il est trop occupé à varier ses thèmes et enguirlander ses vocalises. Il fait tout bien, tout pour que le désir insupportable de le voir chanter ne la quitte pas. Toutes les nuits, Colette entend ce fou chantant, qui chante pour chanter de si belles choses qu'il ne sait plus ce qu'elles veulent dire. Mais elle, elle a de la mémoire. Elle entend encore, à travers le chant léger et cristallin, le son grave du premier chant naïf et effrayé du rossignol pris aux vrilles de la vigne. «Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Je ne dormirai plus !
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…»
Colette a fini par entendre le chant de ses vingt ans pris dans les liens tenaces, cassants, d'un printemps heureux et sans défiance. En ce temps-là, elle dormait d'un somme innocent et tranquille. Et puis, un jour, une nuit, le jeune auteur d'une Claudine effrayée a senti des fils tors qui déjà tenaient à sa chair. Colette a sursauté et elle a fui. Pendant un temps, quand la nuit venait, elle chassait la torpeur de ses paupières, craignant de nouvelles vrilles de la vigne, jetant tout haut une plainte qu'elle écoute à jamais. La plainte de sa voix d'or. Depuis, elle reste éveillée la nuit, se défendant toute seule contre «le printemps menteur où fleurit la vigne crochue». Toute seule, Colette reste éveillée. Elle ne connaît plus le somme heureux, mais elle ne craint plus les vrilles de la vigne. Le bonheur ? La femme rossignol a toujours dit qu'elle ne comprenait pas ce mot.


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