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Guerres et intérêts
Le cycle arabe II
Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2009

Des années cinquante aux années quatre-vingt-dix, le cycle aura duré près d'un demi-siècle et couvert toute la région et ses composantes : le Moyen-Orient, le Maghreb, le Golfe, à travers des séquences historiques propres à chacune.
Après la défaite des « armées arabes » en 1948 contre l'occupation par Israël d'une grande partie de la Palestine, il commence avec la révolution égyptienne des « Officiers libres » en 1952 et se clôt aujourd'hui par la destruction américaine de l'Irak et les derniers massacres de Ghaza par Israël. Observons-le à partir de ses multiples dimensions.
La guerre
Sa première dimension, la plus flagrante est la guerre. Elle caractérise à ce point cette région que la littérature occidentale a fait de la violence une marque distinctive de ses habitants : les Arabes, les musulmans ou Arabo-musulmans, c'est selon. Pourtant, la très grande majorité des conflits armés qu'elle a connus sont des guerres de libération ou de résistance à des occupations coloniales ou impérialistes. Mais l'asymétrie du conflit entre les premiers et les seconds, qu'elle soit de l'ordre du droit international ou du déséquilibre des forces militaires, est habilement renversée par l'image qui en est produite ici des armées organisées, des « militaires » en uniformes impeccables obéissant aux règles de la guerre pour « neutraliser » leurs adversaires ; là des groupes désordonnés, des hordes hystériques, des guerriers cruels « tuant » des civils innocents. C'est la violence des agressés qui est alors mise en exergue : ceux-là sont habilement présentés comme des sauvages, des primitifs et leur en mise en scène médiatique, que permet une supériorité écrasante de la technologie de l'image par les agresseurs, finit par déplacer la violence sur les premiers. La parabole « du couffin contre un avion » est toujours d'actualité. C'est la première caractéristique des guerres que connaît cette région depuis un demi siècle par ses résistances aux injustices et agressions qu'elle subit, elle devient responsable des violences qu'elle entraîne. Anthropologues, historiens, politologues dans les centres de recherche américains et européens et même locaux sont alors mobilisés pour donner une légitimité scientifique à ce renversement des schèmes de perception que vulgarisent ensuite les grandes chaînes de TV et les journaux.
« La secte des assassins » est remise à jour par Bernard Lewis pour expliquer par l'histoire la culture et même les gènes, la violence devenue ainsi une singularité des Arabes et des musulmans. Quelle différence y a-t-il entre un homme cagoulé qui tient fièrement un kalachnikov ou un futur kamikaze qui prie avant son acte et un pilote de F15 qui bombarde une « cible » avec la précision d'un ingénieur ou un destroyer qui envoie un « tomawak » à guidance automatique ? Les premiers inspirent au spectateur voyeur une violence brute, insupportable ; les seconds suscitent une admiration face à la prouesse technologique ainsi mise en œuvre. Le paradigme posé, son conditionnement esthétique, hollywoodien pourrait-on dire, peut alors commencer souvent d'ailleurs avec la complicité imbécile des agressés eux-mêmes, flattés par la sollicitude des caméras. Rappelons pour exemple la magistrale mise en scène de la destruction des statues de Bouddha en Afghanistan par les talibans. Elle a précédé de peu leur « lâchage » puis leur diabolisation par les USA, dont ils étaient les meilleurs alliés contre l'Union soviétique. Le cycle s'ouvre par la guerre de Libération nationale en Algérie en 1954 et entraîne à sa suite les résistances marocaine et tunisienne ; viennent ensuite l'agression tripartite (franco-anglo-israélienne) contre l'Egypte à la suite de la nationalisation du canal de Suez en 1956, la guerre des 6 jours en 1967 qui oppose l'Egypte, la Syrie, et la résistance palestinienne à l'Etat d'Israël, soutenu par les USA, la guerre de 1973 qui oppose pour une troisième fois l'Egypte à Israël, toujours soutenu par les USA et les pays occidentaux et l'invasion du Liban par Israël en 1982. Le cycle se termine avec les deux guerres dirigées par les USA contre l'Irak, en 1991 et 2003, plus récemment l'agression israélienne au Liban, en 2006, et le bombardement génocidaire de Ghaza en 2008. L'unité des pays de la région, même factice, a commencé à se fissurer avec la guerre du Golfe en 1991 ; l'alignement d'une partie d'entre eux (les pays du Golfe et la Jordanie) sur les positions de l'envahisseur américain est allé en s'élargissant pour apparaître clairement lors des massacres de Ghaza. Le soutien public à la résistance palestinienne était alors la limite indépassable qui donnait à cette région une relative unité ; elle a été franchie. Il faut ajouter à cette série de guerres, dont les pays occidentaux sont les sources et les bénéficiaires principaux, des conflits régionaux qui ont opposé l'Egypte nassérienne à l'Arabie Saoudite en 1967 (guerre du Yémen) et surtout la guerre irako-iranienne de 1982 qui épuisera l'économie des deux pays ; la fin du cycle est marquée par les deux guerres civiles qui ont affaibli durablement le Liban à partir de 1985 et l'Algérie dans les années 90.
Le phénomène de la guerre est donc omniprésent dans l'histoire contemporaine du Monde arabe comparée à d'autres régions. Mais à la différence de l'Europe, par exemple, où les guerres modernes ont opposé les nations européennes entre elles, ici les guerres sont imposées aux pays arabes de l'extérieur de la région. Ce sont en plus des guerres lourdes menées par les pays les plus puissants de la planète (France, puis Angleterre, Israël, ensuite les USA et les autres pays européens après 1989) intervenant souvent en coalitions et provocant des milliers de victimes et des destructions matérielles importantes. A l'exception, il faut le noter, des monarchies du Golfe qui sont restées relativement à l'abri de ces catastrophes. Autre fait remarquable, Israël est présent dans chacune d'entre elles comme acteur central ou en arrière-plan, ce qui a amené beaucoup d'analystes, y compris américains à « imaginer » qu'il en était le véritable meneur de jeu. Vrai ou faux, la controverse reste ouverte, mais dans tous les cas, il en est un des principaux bénéficiaires : l'accroissement de son territoire augmentant proportionnellement à l'affaiblissement des pays arabes.
Les enjeux stratégiques
Comment comprendre cet acharnement guerrier ? Le relier à une sorte de « haine millénaire » de l'Occident vis-à-vis du Monde arabe, le rattacher aux cycles des « croisades » que le Moyen-âge chrétien avait lancés pour conquérir la Terre sainte et retomber ainsi dans les discussions interminables et voulues comme telles par les théoriciens du « choc des civilisations » ? Certes, ces considérations interviennent certainement comme moyens de mobilisations et de manipulations par les Etats occidentaux de leur opinion publique et légitimer ainsi leurs opérations guerrières contre ce nouvel ennemi extérieur, aujourd'hui associé au « terrorisme ». Les Etats arabes, avec moins de succès, suivent la même logique, mais pour maintenir l'effort de résistance. C'est que pour employer les mots de J. Berque, « l'Islam pâtit dans l'opinion mondiale d'un discrédit qu'il ne partage ni avec le Japon, plus redouté que réprouvé, la Chine, formidable client à ménager, ou l'Inde, ce géant que son penchant métaphysique fait tenir pour inoffensif… Le musulman demeure l'éternel sarrasin rendu plus dangereux encore par une modernité à quoi il n'accéderait que pour le pire… » Le rire de Nasser ou la superbe de Boumediène devant le canal de Suez et les champs pétroliers nationalisés de Hassi Messaoud, l'arrogance de Saddam, inaugurant la première usine nucléaire, ou plus simple et plus intrigant cette multitude d'immigrés dans les capitales européennes qui continuent à se sentir supérieurs à ces « kouffar » qui les emploient, à cette civilisation occidentale qui les accueille et qu'ils narguent pourtant en s'arrogeant, suprême pouvoir de supériorité, celui de la juger et de sélectionner en elle ce qui leur convient, son matérialisme, mais pas sa culture, son code juridique mais pas ses lois civiles… Toutes ses figures, parmi une infinité d'autres, contribuent évidemment à figer dans des stéréotypes négatifs la personnalité du musulman d'aujourd'hui : « ce grand réfractaire » à la modernité, comme on le présente dans les colloques. Et, en les reliant à celles du passé, fonder en valeurs et en droit les guerres qui sont lancées contre ses territoires.
Mais cette opération a l'immense et double avantage de couvrir par la morale et le droit la culture et la civilisation, les objectifs réels « des chocs » et des affrontements que ces guerres déclenchent. Elle convainc les opinions publiques occidentales et les… agressés eux-mêmes qui finissent par croire à ce récit et à jouer le rôle qui leur a été ainsi imparti. Comme ce fameux Abou Hamza, réfugié politique à Londres, que la BBC invitait régulièrement, et en prime time, devant les téléspectateurs anglais. De son bras gauche, qui finissait par un crochet métallique, il répétait continuellement que lors de la victoire inéluctable de l'Islam, tous les mécréants et « kouffar », qui ne se plieraient pas à sa loi, seraient anéantis. Et à la question insidieuse du journaliste, même ici, même en Angleterre ? Il répondait imperturbable, partout, même ici. Après plusieurs séances de cet acabit, on ne le vit plus sur les écrans. La BBC n'ayant plus besoin de lui, il a été jugé et condamné à plusieurs années de prison. Exhibant fièrement ses convictions, il avait été en réalité « exhibé » et avait joué exactement le rôle qu'on attendait de lui : menacer, faire peur, convaincre l'opinion publique anglaise que la politique de son Etat était légitime, juste. A lui seul, Abou Hamza aura amplifié, popularisé par l'image ce que les démonstrations académiques s'étaient attaché à produire par le concept : la thèse du conflit des cultures, des religions, des civilisations et donc aussi couvert les véritables objectifs des guerres menées contre « les musulmans ». Son passage à la BBC devenu inutile, on le passa à Scotland Yard.
Ces objectifs sont à chercher ailleurs, non pas dans « la chrétienté » de l'Occident, qui nous renvoie aux rivalités d'un passé ancien, mais dans la logique de ses intérêts économiques et donc aussi stratégiques d'aujourd'hui. Ils ne sont pas tournés vers le passé même s'ils y puisent une partie de ses images et de ces mythes, mais bien assis dans le présent et rationnellement orientés vers l'avenir. Comment expliquer autrement l'amitié inébranlable que « ces croisés » vouent à certains états musulmans, parmi les plus rigoureux de la région, notamment dans le Golfe contre l'Egypte hier, puis l'Irak, contre l'Iran aujourd'hui ; à la Tchétchénie contre la Russie ; au Kossovo contre la Serbie ; l'amitié, l'alliance plutôt se noue toujours contre un adversaire. Il nous faut donc détourner notre attention des rivalités d'un autre âge et observer avec plus de rigueur les alliances d'aujourd'hui. La mondialisation au sens capitaliste et néo-libéral du terme est, nous semble-t-il, au cœur de cette logique et c'est sa compréhension qui nous permettra d'expliquer son acharnement sur cette région. Le capitalisme n'a pas « d'états d'âme », il l'a assez démontré avec ses propres peuples et les colonies au XIXe siècle, ses guerres « mondiales » au vingtième ; quant aux Etats qui le portent, ce sont des institutions politiques, non des êtres moraux : ils n'ont pas « d'amis », mais des « alliés » et ce sont les plus puissants d'entre eux qui déterminent, à partir de leurs intérêts propres, les termes de l'alliance.
Les trois guerres franco- allemandes (1870, 1914 et 1939) ont fait des millions de morts et se sont soldées par l'occupation de la France puis la division de l'Allemagne, mais aujourd'hui « l'axe franco-allemand » est le moteur de l'Union européenne. Les USA ont bombardé à l'arme atomique le Japon, mais aujourd'hui celui-ci fait partie de « la triade ». L'histoire est pleine de ces alliances et mésalliances, y compris entre musulmans et chrétiens au temps des croisades ou des temps modernes qui traversent allégrement les cultures et les systèmes religieux, portées qu'elles sont par les logiques de l'intérêt politique, stratégique ou économique. Avec le passage du capitalisme libéral qui restait malgré tout enraciné dans l'espace et les intérêts des Etats nations à celui mondialisé du néo-libéralisme, cette logique de l'intérêt économique est devenue le noyau quasi-exclusif de l'action politique. L'intérêt stratégique de la région arabe, comme nœud de circulation vers l'Asie, comme « hinterland » obligé d'Israël, et comme réservoir de mains-d'œuvre pour l'Europe, s'imbrique étroitement à son intérêt économique lié aux immenses réserves de pétrole et de gaz qu'elle détient. Son cycle d'évolution post-colonial dépendait étroitement de cette équation, mais « l'étreinte » qui l'enserre devient plus forte aujourd'hui. Le cycle avait commencé avec les indépendances, quand les principaux pays, notamment l'Egypte et la Syrie puis l'Algérie et l'Irak, se lancent dans une politique de non-alignement active qui inquiète les pays occidentaux et soutiennent sans aucune ambiguïté la résistance palestinienne qui dérange leur projet de règlement de « la question juive », leur question « intime ». L'heure était à « l'esprit de Bandoeng », idéologie indépendante du camp communiste, mais qui déplaît aux puissances occidentales. Elles n'auront alors de cesse d'affaiblir ce troisième axe, dont les programmes indépendantistes de développement (réformes agraires, nationalisations et industrialisation) mettent en cause les intérêts de leurs entreprises, tandis que les idéologies socialisantes qui l'animent le rapprochent du bloc soviétique.
Mais non couverts par le bouclier de la dissuasion qui a institué une stratégie de guerre froide entre l'Ouest et l'Est, les pays non-alignés (non intègres au « pacte de Varsovie ») subissent de plein fouet la réaction, souvent militarisée, de l'Occident. La vague d'interventions commence par l'Asie : les régimes de Mossadek en 1952 en Iran, de Soekarno en 1965 en Indonésie (un million de morts) et plus tard au Pakistan (1977) sont défaits dans la violence, suivront ensuite les pays d'Amérique latine. Dans la région arabe, les pays autour desquels s'étaient polarisées ces expériences de développement et de « neutralité positive », comme l'Egypte, la Syrie, l'Algérie et l'Irak, finissent par « tomber » à travers des guerres, dont celle qui s'est terminée par l'occupation de ce dernier pays et/ou des pressions très fortes, économiques et politiques sur les gouvernements et « les sociétés civiles » des autres pays. Avec l'effondrement de l'Union soviétique et la guerre en Afghanistan, finit la première phase du cycle et son idéologie développementaliste. La nouvelle ouvre sur des perspectives bien différentes. Le Monde arabe, pacifié peut, doit accueillir, l'expérience néo-libérale du capitalisme déjà bien entamée en Occident, dans quelques pays d'Asie, dans les pays du Golfe, au Mexique.


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