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Prospective, décision publique et intelligence décisionnelle
Publié dans El Watan le 01 - 10 - 2006

La prospective peut-elle, dans un contexte de complexité et d'incertitude croissante, constituer une réponse crédible à la crise de temporalité de la décision publique ? Si tel est le cas, à quelles conditions le décideur public, dans les pays en développement en particulier, peut-il s'approprier un tel outil d'aide à la décision, qui reste l'apanage de quelques pays développés ? Est-il possible de promouvoir une prospective sur le mode de la faisabilité et de l'action, au service de la décision publique, dans des pays en transition, comme l'Algérie ?
Avant de tenter de répondre à ces questions, trois remarques, en guise d'arrière- plan à l'analyse proposée :
La première remarque est que, depuis que la mondialisation libérale a imposé ses règles et ses rythmes, la décision publique est passée sous l'empire du court terme et de la nécessité impérieuse. Cette tendance a trois conséquences majeures sur le processus décisionnel :
– La décision publique est réduite à une simple réaction, sans véritable liberté de choix, face àun problème brûlant, par manque de prévoyance.
– Les enjeux à long terme ou de portée globale, sont relégués au second plan, du fait de la pression du court terme. Les politiques publiques sont souvent décalées par rapport à ces enjeux et leur temps d'élaboration « hors échelle ».
– Les systèmes publics manquent de réactivité ; ils sont trop lents, trop sectoriels, trop verticaux et
pas assez « bottom-up ».
– La chaîne «réflexion à long terme I décision stratégique I action», que l'on croyait intangible dans sa vérité et immuable dans l'ordre de ses maillons, est rompue. Le constat qui s'impose est celui d'une réelle crise de temporalité de la décision publique. Tout se passe comme si les modèles antérieurs sont devenus subitement caducs et inopérants et que le monde cherche à s'adapter, au jour le jour, à des transformations rapides et profondes, qui rendent plus incertain l'avenir, qui complexifient les phénomènes socioéconomiques et qui posent le problème de la gouvernabilité des organisations dans des termes tout à fait inédits. Le phénomène d'éviction de l'impératif stratégique par la nécessité gestionnaire est encore plus frappant dans les pays qui ont abandonné le système de planification centrale, sans acquérir de nouvelles capacités d'anticipation et d'éclairage des grands choix collectifs, dont, faut-il le souligner, le long terme constitue l'horizon temporel naturel. Le manque de visibilité qui s'en est suivi a été est d'autant plus pénalisant que la transition systémique requiert précieusement une perception claire des enjeux à long terme et une lisibilité suffisante des dynamiques à l'œuvre.
La deuxième remarque est que le mode de construction de la décision publique est désormais soumis à l'exigence démocratique, une exigence qui implique la transparence du processus. décisionnel, la participation citoyenne à la prise de décision et le contrôle de l'usage du bien collectif, à tous les niveaux. Le temps de la décision unilatérale, sur le mode de l'injonction, est révolu. Dans un monde où les repères sont brouillés par l'accélération du changement et la montée des incertitudes, le processus de décision requiert, plus que jamais, une représentation claire de l'avenir et une information du public sur les choix d'avenir, sans quoi il ne peut y avoir d'adhésion sociale aux projets collectifs et de vision partagée. Cette optique, la question de la réhabilitation du long terme, n'est plus une simple question technique. Elle est au cœur de la problématique de la gouvernance plublique, qui repose sur la légitimité et l'efficacité de la décision publique. La troisième et dernière remarque est que les logiques spécifiques, qui ont longtemps guidé la prise de décision et de l'action publique, sont mises en cause par la montée de préoccupations à caractère global, porteuses de défis et d'enjeux à très long terme, tel que l'environnement, la santé publique ou encore l'énergie. Ces préoccupations, qui se posent en termes transnationaux et inter-générationnels, pèsent aujourd'hui de tout leur poids sur le processus décisionnel et questionnent le décideur public sur sa capacité à opérer des choix durables dans sa gestion du présent. Le décideur est sommé de changer de posture pour «voir plus large et plus loin ».
La recherche du souhaitable, qui constitue l'essence même des choix collectifs, redonne de la vigueur à la dimension du long terme et aux notions d'acteurs et de jeu d'acteurs, des notions chères à l'analyse systémique et prospective. Ainsi, sommes-nous face à un paradoxe avec, d'un côté, un besoin accru de visibilité à long terme et de réactivité des systèmes publics et de l'autre, un raccourcissement de l'horizon temporel, qui réduit singulièrement les marges de manœuvre, ampute les espaces de liberté et confine la décision publique dans des choix quasi obligés, faute de capacité d'anticipation.
L'Algérie constitue, de ce point de vue, un parfait exemple. A l'économie centralement planifiée des années 1970, devait succéder, à partir du milieu des années 1980, une économie réglée par le marché. Cette mutation systémique majeure s'est opérée sous la pression de facteurs endogènes et dans le prolongement de la vague libérale, qui a déferlé sur le monde, provoquant la faillite du modèle dirigiste, dans sa triple dimension économique, sociale et politique. Malgrès les limites inhérentes à son caractère purement programmatique, le système de planification centrale avait le mérite de permettre une certaine maîtrise du moyen terme, dans la démarche de développement. Son abandon, vers le milieu des années 1980, allait avoir pour conséquence de placer la décision publique sous l'emprise du court terme et dans une position de réactivité quasi instantanée à un enchaînement d'évènements de toute nature (destructuration économique, épuisement social, évanescence de l'Etat providence, effets dépressifs de l'ajustement structurel, rupture de la paix sociale…).
L'amélioration des indicateurs économiques et sociaux, au début de la décennie 2000 et la reprise du processus de développement, à travers les différents programmes de soutien à la relance de la croissance, repose la question de la réhabilitation du long terme dans la démarche de développement, car il ne saurait y avoir d'allocation optimale des ressources, d'efficacité et de cohérence des actions, sans visibilité suffisante et sans mobilisation des acteurs du développement autour de projets collectifs fédérateurs. Dans les pays où elle constitue une pratique économique et sociale établie, la prospective, en tant qu'aide à penser le long terme, a démontré qu'elle pouvait être une réponse appropriée au déclin des méthodes traditionnelles de planification et de prévision.
L'impératif prospectif est censé jouer le rôle de réducteur de la pression exercée par le court terme sur le processus décisionnel, pour autant qu'il ne se soit pas réduit à l'outil, car sans effort critique et analytique, le plus sophistiqué des outils d'aide à la décision ne peut produire que du «prêt-à-porter prospectif», qui vient conforter une décision publique déjà prise, à défaut d'asseoir sa légitimité.
La prospective n'est pas non plus une panacée, loin s'en faut. Son influence réelle sur le processus de décision reste encore sujette à caution, si l'on considère, par delà l'effet de mode, « les clichés et les lieux communs» qui encombrent, le champ prospectif. Il suffit de jeter un regard sur les réflexions et les articles de presse, à prétention prospective, pour se rendre compte combien les stéréotypes de mondialisation, d'accélération du changement, de révolution technologique, d'affaiblissement de l'Etat ou encore de l'incertitude du lendemain sont reccurents et surutilisés.
Paul Tailla considère que «cette forme de contextualisation du travail prospectif, stéréotypée et non construite, procède davantage de la rhétorique que de l'analyse. Elle est de nature à brider la réflexion et à mettre le décideur face à des contraintes immuables, à des fatalités, contre lesquelles il se sent totalement désarmé, au lieu de lui indiquer ses responsabilités, quant à l'avenir et de l'inciter à l'action ».
Comment dès lors sortir du piège de la stérilité et concevoir une prospective porteuse d'utilité pratique pour le décideur public ?
Le renouvellement de la pratique prospective, en vue de faciliter l'appropriation de ses méthodes et de ses outils et d'articuler l'exercice prospectif à l'exercice de la décision publique est une question d'actualité, qui intéresse l'Algérie dans la mesure où la réintroduction de la dimension du long terme dans la démarche de développement devient une nécessité absolue, car seule cette temporalité permet, réellement, d'engager des actions en profondeur. A court terme, les jeux sont quasiment faits et les marges de manœuvre, étroites. L'impératif prospectif s'est imposé au début de la décennie 2000 et a donné lieu à la création du Commissariat général à la planification et à la prospective.
Cette institution, chargée d'éclairer et de réaliser la cohérence de l'action gouvernementale, n'a malheureusement pas connu de démarrage effectif, privant ainsi les programmes de relance de la croissance économique, qui allaient être lancés, de la visibilité nécessaire à leur conduite et de la lisibilité des défis auxquels ils sont censés répondre. La récente approbation en Conseil des ministres, d'un nouveau décret de création, ouvre la voie à la mise en place rapide du Commissariat et à la relance de la réflexion organisée sur le long terme, une réflexion qui doit intégrer les nouveaux besoins du pays, en termes de veille informative et d'aide à la décision stratégique. Les approches vernaculaires et archaïques ont démontré leur incapacité à orienter les choix à long terme dans le sens de l'intérêt collectif, à maintenir en état de réactivité permanente les acteurs socioéconomiques impliqués dans des processus longs et à développer la compréhension des évolutions de l'environnement.
C'est dans cet esprit que les idées suivantes sont avancées.
1. Pour être réellement utile à la décision publique, la prospective a besoin de se réconcilier avec le court terme, tant il est vrai que les processus de mise en œuvre des politiques publiques impliquent la coexistence et l'interaction entre des temporalités longues (réalisation de grands projets d'infrastructures, investissements économiques, mutations sociales…) et de temporalités plus courtes, liées à l'exécution budgétaire, par exemple.
2. La prospective c'est aussi l'art du présent, au sens ou sa finalité consiste non pas à prédire l'avenir ou à le rendre certain, mais à repérer les enjeux et les défis, afin d'aider à mieux gérer le présent. Plus la prospective fournit de tels éléments plus elle est utile au décideur.
3. La prospective ne peut occulter les effets d'inertie propres à certaines structures sociales. Ces inerties génèrent des résistances par rapport à des dynamiques externes (révolution technologique, par exemple) et peuvent donner lieu à des retards dans la prise de conscience des enjeux qui s'y attachent, qui ne sont pas sans influence sur la décision publique. La prospective travaille, par définition, sur la complexité et la spécificité des situations considérées.
4. La question de la relation entre la sphère de décision publique, en tant que lieu de production du discours, et les logiques d'acteurs, et les niveaux infra de gouvernance, est déterminante quant à l'articulation de l'exercice prospectif et de l'exercice de la décision. Elle renvoie à la question plus large de la relation entre la sphère politico-administrative, source de la décision et la sphère socio-économique avec sa diversité d'acteurs et de stratégies d'acteur.
5. La question de la représentation de l'avenir, produite par la sphère publique et de sa relation avec les représentations construites par les autres acteurs, à partir de leur propre réalité. Les divergences entre ces deux types de représentations des futurs rendent d'autant plus problématique le passage à la stratégie, pour la réalisation du futur souhaitable. Une prospective réellement utile doit s'engager dans le sens du souhaitable et se prononcer sur le meilleur choix qu'il convient de faire. C'est à cette condition qu'elle peut servir de fil conducteur à l'élaboration des stratégies et de catalyseur du débat public.
6. La question de la finalité du travail prospectif. Pour le décideur, ce qui importe, au-delà de l'apport cognitif ou normatif de l'exercice prospectif, c'est l'aide à la décision. La question centrale pour lui est bien celle d'anticiper les développements futurs d'une situation présente, pour les infléchir, à temps, dans le sens favorable, ou encore, d'appréhender les vrais défis pour s'y préparer et effectuer les choix et les arbitrages qu'ils impliquent. Il ne s'agit là que d'une incursion dans le débat incontournable sur le renouvellement de la pratique prospective et sa déclinaison sur le mode de la faisabilité, c'est-à-dire au service de la décision et de l'action publique, tant il est vrai que la réhabilitation du long terme est un défi que tous les pays en transition devront tôt ou tard affronter en s'appropriant les outils modernes d'aide à la décision et en évoluant progressivement vers des formes plus élaborées d'intelligence décisionnelle, incorporant davantage d'expertise, du fait de la technicité croissante de l'objet de la décision publique et l'éclairage prospectif, pour une plus grande efficacité du processus décisionnel. Cette exigence nous invite à promouvoir la prospective en tant qu'outil moderne d'aide à la décision et que pratique porteuse d'enjeux de bonne gouvernancepour trois raison au moins
1. L'implication des citoyens dans le mouvement général de l'action collective, à travers leur association aux choix qui les concernent et à leur concrétisation. Cette démarche participative passe par un travail de mise en perspective des enjeux collectifs, de sorte à faire assumer l'avenir par chacun l'efficacité de l'action publique en dépend dans une large mesure.
2. La prospective et la gouvernance publique ont en comun la dimension du long terme et l'émergence d'une pensée collective pour tout ce qui touche à la gestion des territoires, de l'environnement, de l'énergie ou encore du développement durable. Cette complémentarité est de nature à faciliter l'introduction de l'outil prospectif dans la gestion publique.
3. La troisième question est liée à la difficulté de synchroniser le temps prospectif, le cycle court de la gestion publique et l'instant marchand. La démarche de bonne gouvernance administrative est fondée sur la coexistence de trois temporalités le temps prospectif, le temps plus court de la gestion publique et l'instant marchand. La synchronisation de ces trois temps est difficile à réaliser car le décideur a privilégié le cycle court, propre à l'exercice du pouvoir.
En conclusion, comment mieux dire que la décision publique, dans sa construction comme dans sa mise en œuvre, ne peut ignorer plus longtemps l'impératif prospectif, tant il est vrai que cette ignorance est en contradiction avec un besoin naturel d'anticipation, que tout décideur exprime intuitivement en «pesant le pour et le contre d'une décision », au regard de ses conséquences sur l'avenir.
L'auteur est : Consultant


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