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Ahmed Amine Dellai. Chercheur en poésie populaire
Publié dans El Watan le 08 - 02 - 2007

Pourquoi cette attirance quasi mystique pour la poésie populaire ? Au-delà de l'intérêt universitaire, où est la part personnelle ?
L'intérêt du chercheur est venu longtemps après. Je suis passé de la jeune poésie «algérienne» d'expression française, dont j'avais taquiné un temps la muse, au melhoun, avec, en voix-off, cette question qui m'obsédait : qu'est-ce que la littérature algérienne ? C'était et cela reste, des écrivains algériens écrivant dans la langue de Molière ou de Jahidh, mais pas dans celle du pays : la langue commune à tous les Algériens, à savoir l'algérien. En cherchant, j'ai découvert que les Algériens, et de façon plus générale les Maghrébins, avaient depuis longtemps créé une langue, non pas seulement de la simple conversation (darija), mais une langue de création littéraire (une fosha, le poète étant appelé chez nous el fsih), une sorte d'arabe démotique à l'usage des poètes, car nos écrivains sont des poètes. J'ai compris alors que je tenais là ma littérature algérienne. Quant aux influences personnelles, permettez-moi, en relation avec le sujet, d'évoquer ma famille et mon père, affilié aux Ulémas, qui fut le premier lettré d'une longue lignée de nobles d'épée (djouad) de la grande tribu des Hachem-Cheraga appelés les Ouled Della. Cette tribu des Hachem, déjà durement éprouvée par les derniers beys, a été achevée par l'épopée de Abdelkader à laquelle elle avait participé. Notre famille a alors tout perdu. L'histoire de la seigneurie algérienne reste à écrire. Dans une révolte ou une révolution, ceux qui ont tout, ont tout à perdre. Et souvent, ils ont tout perdu. Ma sensibilité à la poésie épique qui chante les hauts faits des héros de la nation vient peut-être de là. Cette digression sur mes origines, sans nombrilisme aucun, vise à souligner l'importance, pour le confortement de notre identité, de la réhabilitation de ces classes — injustement décriées par une certaine vulgate marxiste populiste — qui étaient porteuses d'une part importante de notre patrimoine et témoins de la continuité nationale. Je parle de la vieille citadinité, des anciens lignages de robe ou d'épée, des maisons de sciences et de foi. L'Algérie doit se réconcilier avec elle-même.
Culture populaire, culture savante. Où situer la frontière pour un chercheur comme vous, principalement acquis à la culture de l'oralité ?
Je parle, après d'éminents linguistes, d'une diglossie à l'intérieur du domaine couvert par la langue algérienne. Sont du domaine de la culture populaire algérienne, toutes les formes non élaborées de création en algérien «dârija» comme le conte, le proverbe et toutes les formes de chansons populaires non melhoun. Sont du domaine de la culture «savante» algérienne les œuvres écrites dans cette langue élaborée qu'est le melhoun. Je sais que cela peut dérouter beaucoup de gens qui ont tendance à confondre la langue arabe et la langue algérienne. Cette confusion est volontairement ou involontairement entretenue, y compris dans notre Constitution où l'arabe est la langue nationale et officielle. L'arabe est bien la langue officielle, vous n'avez qu'à écouter le Président qui y excelle, mais en aucun cas la langue nationale qui est, elle, l'algérien. Notre cas est bien curieux : voilà un pays où la langue officielle n'est pas la langue nationale et où la langue nationale n'est pas encore officialisée. Cette confusion à laquelle très peu d'Arabes, en général, échappent, vient de deux facteurs principaux : la proximité des deux langues, qui est naturelle, puisque l'une dérive de l'autre, comme le français dérive du latin, et le statut de langue sacrée de l'Arabe. Entendons-nous bien. Parler de langue algérienne ne signifie pas pour moi que j'exclus la langue arabe ou la langue française. Absolument pas. Seulement, je considère que notre langue et notre littérature algériennes n'ont pas la place qu'elles méritent et le fait de les ranger dans les tiroirs commodes de la «darija» et de la culture «orale» ou «populaire» les dévalorisent et par-là même nous dévalorisent nous-mêmes dans notre identité nationale.
La culture populaire reste, chez nous et au Maghreb, une culture de transmission orale. Comment avez-vous fait pour la mettre en écrit ?
Dans le melhoun, il y a plus d'écrits que d'oral. Nous croulons quasiment sous les manuscrits. Mon ami marocain, Azzeddine Kharchafi, me racontait que le défunt roi Hassan II a voulu un jour récupérer un manuscrit de melhoun qu'il tenait de son père, Mohamed V, et qu'il avait prêté à son ministre de la Culture, ami et professeur, feu Si Mohammed El Fassi. Il envoya deux personnes fouiller dans la bibliothèque du défunt qui était un véritable capharnaüm. Ils mirent un temps fou avant de trouver le manuscrit. La notion de littérature orale a été appliquée aux sociétés dites sans écriture, ce qui n'est pas le cas pour notre région. Les Maghrébins ont toujours écrit, gravé ou dessiné partout et sur tous les supports. La poésie du Maghreb circulait sous forme de cahiers et de registres manuscrits. Pour cela, il faut rendre hommage aux maîtres du calame, nos vénérables tolbas. J'ai vu des diwans de melhoun calligraphiés qui étaient de véritables œuvres d'art. Ainsi, les zajals de cheikh Bengouzman l'Andalou nous sont parvenus par écrit et non oralement. Cette notion de culture de l'oral est pernicieuse, comme beaucoup de notions importées. La recherche s'accompagne nécessairement d'un travail de critique des notions, concepts et théories élaborés sous d'autres cieux, surtout quand il s'agit de cultures dominatrices.
Vous avez traduit en français plusieurs poètes du melhoun maghrébin. Pourquoi avoir choisi ceux-là et pas d'autres ?
J'ai traduit Sidi Lakhdar Benkhlouf, Qaddour El Alami, Mbarek Soussi, El Gherabli, Qaddour Benachour, Benhammadi, Ali Kora, El Khaldi et beaucoup d'autres. Nos poètes sont innombrables. Et quand on choisit, nécessairement, on élimine. Mais je crois avoir retenu les plus grands. J'ai volontairement mis de côté les poètes du haouzi, car je n'ai pas voulu les noyer dans l'ensemble. Ils méritent à eux seuls un ouvrage. Quant aux poètes de l'Est algérien, j'avoue ne pas posséder grand-chose de leurs œuvres. Curieusement, ils ne sont quasiment jamais cités dans les manuscrits de melhoun du Maroc et de l'Ouest algérien alors que l'on trouve ceux du Maroc et de l'Oranie dans les manuscrits de l'Est. J'ai un manuscrit de melhoun du Sud Constantinois, de Ouargla si je ne me trompe, dans lequel on peut lire un texte de cheikh Mohamed Belarbi des Sejrara de Mascara et beaucoup de textes de cheikh Belkheïr d'El Bayadh.
Mais M. Ahmed Lamine, de l'Université d'Alger, a déjà rendu hommage aux poètes de l'Est algérien en rééditant le recueil de Sonneck qui en contient beaucoup. Toutefois, ne confondons pas frontières culturelles et frontières politiques. On sera très surpris le jour où l'on dessinera la carte culturelle de l'Algérie et du Maghreb. Vous y verrez Alger plus près de Fès et de Meknès que de Mascara et, probablement, El-Oued plus près de Tripoli que d'Alger et vice-versa.
Le terroir marocain semble particulièrement vous fasciner…
Tout simplement parce que le melhoun marocain constitue un sommet dans l'évolution du genre au Maghreb. Votre question aurait pu s'adresser à El Hadj Anka et, à sa suite, à tous les interprètes de chaâbi, dont la plupart des qacidate viennent du Maroc. Il était naturel aussi que, rassemblant des textes chantés dans le genre chaâbi, mon anthologie en contienne beaucoup.
Des pans importants de la poésie populaire sont sortis de l'anonymat grâce à la chanson et notamment le chaâbi. Cette poésie a-t-elle été écrite pour être chantée ?
Le melhoun, même s'il n'est pas écrit pour être chanté, gagne à l'être. On peut comparer le poème écrit à un corps mort auquel le chant insuffle la vie et la musique donne une âme.
D'aucuns estiment, notamment parmi les universitaires de langue arabe, qu'une langue populaire, ne peut prétendre à la dimension universelle…
Je les invite tout simplement à lire, entre autres, un article de René Etiemble intitulé «Mestfa Ben Brahim et Turoldus, César et Roland» (1963) où ce spécialiste en littérature comparée, compare justement la poésie épique de notre poète des Beni Amer avec les grands textes épiques universels. Cela dit, beaucoup d'universitaires arabisants ont dépassé cette vision réductrice et sont devenus de fervents amateurs de cette littérature. C'est un pas important. Un jour, l'université s'ouvrira sans complexe à notre littérature. Ou alors elle sera tout, sauf algérienne. Car renier le melhoun, notre littérature nationale, c'est comme refuser d'écouter ces voix familières qui viennent du fond des âges nous rappeler qui nous sommes. C'est renier les siens, et c'est se renier soi-même.
BIO-EXPRESS
Né en 1954 à Oran, Ahmed Amine Dellaï a effectué des études de sociologie à Paris. La recherche sur le melhoun qui le passionnait déjà personnellement est devenue son objet d'étude principal. Parmi ses publications sur le sujet, une anthologie des textes du melhoun parue en 1996 ainsi que Les chants de La Casbah, paru en 2003 à l'ENAG dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France et Paroles graves, paroles légères (chantres de l'ouest algérien) paru en 2005. Il codirige avec le professeur Hadj Miliani un groupe de recherche sur les cultures populaires en Algérie auprès du CRASC (Centre de recherche en anthropologie et sciences sociales).


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