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Mohammed Khadda. Un peintre au sommet de son art
Publié dans El Watan le 04 - 10 - 2007

A l'initiative de l'Association Mémoire de la Méditerranée*, Mme Naget Khadda a présenté jeudi dernier une conférence intitulée «Khadda ou la peinture rendue à sa plus lointaine mémoire».
Mohammed Khadda eut une enfance difficile, marquée par une mémoire tragique. Descendant de propriétaires terriens dépossédés de leurs biens, petit-fils d'un fermier condamné au bagne pour avoir éliminé le colon qui l'avait spolié de ses terres, il a été pétri de tous ces drames. De plus, ses deux parents étaient aveugles et il aiguisa son regard par instinct de survie. Khadda craignait les biographies et imaginait par avance ce que les critiques ne manqueraient de dire à son sujet, les explications réductrices et romanesques qui mettraient en avant la cécité de ses parents et son regard aigu sur le monde comme une revanche sur le sort. Mais comment taire cette réalité qui le fit, enfant déjà, les yeux de ses plus proches ?
Il connut la précarité et la faim et ne put poursuivre ses études malgré l'insistance de son instituteur, car il fallait aider la famille et se mettre au travail. Après le certificat d'études, il entre donc en apprentissage chez un imprimeur. Très vite, il se passionne pour son métier de typographe et notamment, la diversité des polices de caractères, ce qui apparaîtra clairement dans son œuvre. Une visite aux Beaux-Arts en 1948 le confirme dans son désir de devenir peintre. En 1952, il «monte» à Paris en compagnie de son ami Abdellah Benanteur, originaire comme lui de Mostaganem. A Paris, il découvre les différentes tendances de l'art moderne, en même temps qu'il se forge une culture générale et picturale. En 1963, il rejoint Alger «une fois la paix gagnée», selon sa propre expression. Ce sont des moments d'espoir intense et de promesses pour le futur et il écrit dans le prologue à Eléments pour un art nouveau (UNAP, 1972) : «Si l'indépendance est le sol enfin acquis, la terre brûlée redevenue féconde, c'est aussi et surtout la libération de l'esprit». Les êtres et les choses reprenant leurs fonctions, Khadda désire, quant à lui, faire œuvre utile en quêtant une audience pour la peinture algérienne qui en est à ses premiers pas. Tous ses efforts tendront vers ce but.
Dans le sillage de l'olivier
Dans sa conférence, Naget Khadda fera l'historique de la naissance de la peinture algérienne. La peinture de chevalet sera introduite dans les fourgons de la colonisation, dit-elle. Les premières œuvres seront inspirées, de près ou de loin, par la peinture orientaliste qui triompha au XIXe siècle. Il y eut ainsi les peintres voyageurs qui séjournèrent plus ou moins longtemps en Algérie, les locataires de la villa Abdeltif et les Européens natifs de l'Algérie. On pourrait dire que la peinture algérienne à ses débuts fut «une excroissance de l'histoire picturale européenne avec ses codes et ses références», ne manque-t-elle pas de souligner. Cette peinture se régénéra en Algérie au contact des paysages et des arts locaux. Le début du XXe siècle donna lieu à une timide intrusion des Algériens dans la sphère de l'autre.
Dans les années 1950, la peinture algérienne se constitue. Khadda rencontre Louis Nallard, peintre célèbre pour son attitude libérée de l'école de Paris, mais il fait surtout son initiation en solitaire dans les musées, les galeries et la Bibliothèque nationale. Il commence à peindre des œuvres figuratives comme l'a montré la rétrospective que lui a consacrée le musée des beaux-arts d'Alger en 2006, et c'est à Paris qu'il décroche de la figuration. Il s'exprime à ce sujet toujours dans le livre précité : «On a coutume de définir un peintre par l'aspect formel de son œuvre. A partir d'une première lecture du tableau, on dira, par exemple, un tel est abstrait, un tel est figuratif. Cette méthode de classification est superficielle. Elle laisse supposer par l'emploi abusif du terme abstrait qu'il existe à l'opposé une peinture concrète figurative.» Et il énonce alors ce jugement : «Toute peinture est, par définition, abstraite, car elle est autre chose que le réel brut, même si elle se donne pour but de représenter avec fidélité ce réel. Ce qui compte, c'est le contenu et surtout son élaboration.» Le mot «élaboration» est essentiel ici, car, comme le souligne la conférencière, c'est une idée, un concept qui vont prendre corps et forme dans l'harmonie des couleurs et des tracés. L'univers de Khadda va se construire en s'indexant sur le terroir et sur la mémoire.
En 1954, s'il rompt avec la figuration, c'est qu'il la ressent comme étrangère au rapport à l'esprit, la tradition, la sensibilité et la culture du Maghreb. Ayant découvert combien les peintres occidentaux (de Matisse à Mondrian en passant par Paul Klee) se sont imprégnés de l'art arabo-berbère, Khadda revendique haut et fort son enracinement. Il prend appui sur l'expressivité de la graphie arabe. Son travail est comparable à celui que Zhao Wu Ki poursuit dans le champ de l'écriture chinoise. Une fine écriture cursive envahit ses toiles, épousant en quelque sorte la dynamique du travail d'un Bissière ou d'un Manessier. Cette grille première s'enfonce dans le minéral et le végétal. L'écriture se mêle aux failles des falaises, aux cailloux des oueds, aux nœuds des branches et des racines pour dire comment le peintre voit le monde. Dans le sillage de l'arbre et surtout de l'olivier pour lequel il avoue une préférence marquée, il poursuit la trace d'une écriture inédite, ce qui lui ouvre une large lisibilité des choses. C'est en ce sens, parce que cette peinture est une façon d'être au monde, qu'elle décrit et qu'elle célèbre, que l'on pourrait parler d'abstraction lyrique.
La conférence s'est poursuivie par une projection d'images des œuvres du peintre, commentées par Naget Khadda. Pratiquement toutes les œuvres ont des titres. Certains, plus longs, sont comparés par la conférencière à une scénographie, car ils inspirent notre lecture des toiles et des aquarelles, et guident notre rêverie.
Au fur et à mesure, défilent, devant nos yeux, de fragiles cadastres qui numérisent le monde, aussi bien des paysages, plaines, champs, villes, buissons que des images, des atmosphères, des sensations, des perceptions, les constructions des hommes, les rumeurs, tout un monde qui s'intitule : Confluence, Olivier aube, Olivier signes, Envoi de signes, Mémoire clairière, Saisons fiancées, Talisman, Oued Chlef, Calligraphie des algues, Après la pluie, Chuchotement, Annonce du printemps, Soleil d'Août, Conte d'Orient, Toujours la terre s'offre aux semailles… Les titres disent l'œuvre, la décrivent pour nous. Pas plus que le peintre ne reproduit les paysages pour eux-mêmes, il n'use de la calligraphie pour elle-même. C'est dans sa perpétuelle mouvance et sa perpétuelle métamorphose qu'il s'attache à travailler la lettre, à capter les instants fugitifs que nous offre la réalité.
En même temps, et comme par la force de sa démarche, son horizon s'élargit sans cesse, touchant aux frontières d'autres écritures. Il mène une réflexion sur la circulation des écritures et des cultures : El Wassiti, Mondrian, les idéogrammes chinois, le Tassili, l'écriture koufique maghribi. Sa pratique picturale s'accompagne en permanence d'une conceptualisation, d'interrogations, d'allers et retours. La réflexion impulse l'œuvre
picturale.
Le capteur de sources
La quête de Khadda est à la fois une recherche singulière et une expérience solidaire. C'est un humaniste engagé dans sa recherche esthétique, mais qui se sent toujours impliqué dans le devenir de la cité. En témoignent ses choix personnels, ses prises de position politiques comme son adhésion au Parti communiste, ses recherches esthétiques contre l'exotisme et l'arabesque, existentielles contre les verrous de l'imaginaire. Les œuvres torturées, inquiètes, s'organisent autour d'un piège. Elles racontent les souffrances de notre époque, l'agression contre la Palestine, la torture infligée à son ami Bachir Hadj Ali, le quotidien morose, les tourments de l'âme, l'apothéose de la souffrance, comme il l'écrit lui-même. Les œuvres rayonnantes entretiennent une attente ou une réminiscence, un écho, un appel, une Méditerranée sereine, un printemps prometteur, soit l'espoir.
Pour conclure, mais non terminer car cette conférence se voulait surtout une introduction et une incitation à déchiffrer cette œuvre, Naget Khadda a lu des extraits de textes consacrés au peintre. Nous retiendrons ces phrases de Bachir Hadj Ali, écrites en 1983 : «Khadda est au centre névralgique d'un combat pour l'art vivant, ancré profondément dans nos pratiques quotidiennes et surgi de notre environnement. (…) Khadda exhume avec tendresse nos richesses. Il capte les sources qui distillent les tensions fortes ou les accords tempérés. Il polit, il cisèle amoureusement l'espace pour de jeunes ballerines. Il décèle le moment qui réveille les pierres et leurs chants multipliés, l'art des grottes, la danse du figuier et de l'olivier sur les rythmes de Hadawas (…) sans cesse, sur les chemins escarpés de l'art, son souffle au parfum des sommets et des algues nous entraîne sur les traces fondamentales (…). ce n'est pas la vision de l'œil qui est copiée, c'est le plané des rêves multiples qui s'imposent.» Laissons-nous entraîner dans ses rêveries.


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