Message du président de la République à l'occasion de la Journée internationale du travail    Le président de la République reçoit le ministre ghanéen des Affaires étrangères    CHAN 2025/Algérie-Gambie: poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    24e Championnat arabe d'athlétisme: l'Algérien Ameur Abdennour remporte la médaille d'or du 20 km marche en ouverture de la compétition à Oran    L'inscription en 1ere année primaire effectuée exclusivement via l'espace parents du système d'information du ministère de l'Education à partir du 4 mai    Accidents de la route: 33 morts et 1434 blessés en une semaine    L'entrée de l'aide humanitaire à Ghaza, "une question non négociable"    CIJ: poursuite des audiences sur les obligations humanitaires de l'entité sioniste en Palestine occupée    Saison estivale 2025: lancement d'une campagne nationale de prévention des risques    Relizane: décès du moudjahid Adda Gharbi    Rebiga participe à la cérémonie commémorant le 50e anniversaire de libération du Sud Vietnam    Groupe GEAT de Batna: mémorandums d'entente entre "Sonelgaz" et "General Electric Vernova" pour l'exportation vers de nouveaux marchés    Agressions sionistes contre Ghaza: le bilan s'élève à plus de 52.400 martyrs et 118.014 blessés    Le projet de loi présenté à l'APN    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    Le championnat national de football se met à jour    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    L'Algérie franchit le cap des 2 millions d'abonnés FTTH et lance le Wi-Fi 7    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    Présentation à Alger des projets associatifs    Journées portes ouvertes sur les écoles et les instituts supérieurs dédiés à la Culture et à l'Art    Hommage à Alger à Kaddour M'Hamsadji, doyen des écrivains algériens    Décès de l'ancien journaliste à l'APS Djamel Boudaa: le ministre de la Communication présente ses condoléances    Ligue 1 Mobilis/USMA-ASO: les "Rouge et Noir" sommés de réagir    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Le CS Constantine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un café maure à Cordoue
Publié dans El Watan le 28 - 10 - 2007


Cordoue (Espagne).
De notre envoyé spécial
Il nous aura fallu dix bonnes heures pour atteindre Cordoue par train en provenance de Barcelone. L'ancienne capitale de l'Andalousie est à pas moins de 900 km (895 exactement, selon un guide) de celle de la Catalogne et à près de 400 bornes au sud de Madrid. Ce qui épate d'emblée le visiteur, à fortiori un «Maure», c'est l'élégance de cette ville qui respire l'Andalousie par chacun de ses pores et chacune de ses portes. De fait, en flânant dans les ruelles et les venelles étroites de la mythique Qortoba, on est tout de suite happé par l'architecture mauresque qui marque une bonne partie des édifices de la ville. De magnifiques maisons, des riadhs, des palais, aux murs fastueux et à la blancheur immaculée défilent en exhibant arcades, cours et patios ainsi que des jardins somptueux, avec leurs myrtes, citronniers et autres grenadiers, nous donnant la nette impression de nous promener dans un poème d'Ibn Zeydoun ou une mélopée andalouse de Ziryab, tant le descriptif de ce répertoire musical fait abondamment référence à ce décor. La structure labyrinthique des rues fait largement écho à nos Casbahs. La végétation luxuriante qui jure avec le socle urbain dominant fait la part belle à des palmiers plantureux, un détail qui achève de nous projeter de plein fouet cinq siècles en arrière. Il convient, à ce propos, de rappeler que Cordoue constitue un croisement de plusieurs conquêtes : phénicienne, carthaginoise, romaine, wisigothe arabe, castillane, napoléonnienne… Depuis l'épopée de Tarik Ibn Ziyad et sa conquête de l'Espagne en l'an 711 puis la proclamation de l'émirat de Cordoue par Abderrahmane 1er, un transfuge de la dynastie omeyyade de Damas, avant que l'émirat ne s'érigeât en califat en 929 sous Abderrahmane III, la perle du Guadalquivir sera le cœur battant de la civilisation andalouse et sa capitale politique et culturelle. Son destin se confondra ainsi, plusieurs siècles durant, avec la civilisation de l'Islam. A la faveur de cette rencontre entre deux imaginaires, son rayonnement dardera ses lumières sur tout le continent, devenant vite La Mecque scientifique et intellectuelle de l'Occident, voire du monde. Elle s'imposera ainsi, comme un creuset des sciences, des arts et de la philosophie, elle qui a été le berceau, tour à tour, de Sénèque, le célèbre stoïcien romain, de l'immense Ibn Rochd et du non moins célèbre penseur juif Moïse Maimonide. Elle avait également accueilli, est-il utile de le souligner, le vénérable Ibn Arabi surnommé Al Chaykh Al Akbar, grand pôle de l'Islam soufi, qui, sans être spécialement Cordouan, avait séjourné céans pour y rencontrer l'un de ses maîtres, Averroès. L'apogée de ce rayonnement sera atteint avec la construction de la Mezquita (littéralement la mosquée), monument spirituel aux murailles imposantes, plus grand édifice religieux musulman de la Péninsule ibérique et l'un des vestiges les plus impressionnants de l'architecture musulmane au monde. Cette prospérité va durer jusqu'à 1236, année qui verra sa chute sous les menées de Ferdinand III de Castille. Après la Reconquista, la Mezquita sera convertie en cathédrale sous Charles Quint et devient la Santa Iglesia Catedral de Córdoba. Ce mélange foisonnant de cultures et d'influences se laisse aujourd'hui encore percevoir dans le paysage cordouan où domine ce que l'on désigne par «le style mudéjar». Les «Mudéjar», c'étaient les Morisques, les musulmans restés en Espagne après la reconquête chrétienne. Et le style «mudéjar» donc représente ce courant architectural mauresque où se marient, dans un décor exubérant, arcades, vasques, fontaines, mosaïques, jardins, portes ciselées, enchaînements harmonieux de salles et de patios, tout en intégrant ça et là des influences occidentales (castillane, gothique ou Renaissance).
L'exception espagnole
Autre détail qui n'échappe pas au visiteur, particulièrement arabe : les noms des rues, des quartiers et de quantité d'établissements. «Madinat Al Zahra», «Hostal Ommeyad» et autres «Alcàzar de los Reyes» sont d'une sonorité arabe qui ne trompe pas. A propos de Madinat Al Zahra (la ville de la Rose), renseignement pris, il se révèle que ladite Médina avait été élevée par Abderrahmane 1er à la gloire de son aimée dont le prénom était Zahra. Cette histoire si riche, si particulière, explique, si besoin est, le lien très puissant qui unit aujourd'hui encore les Espagnols à l'Islam et sa civilisation.
L'héritage d'Al Andaluss n'a pas manqué d'assurer à la religion mahométane un ancrage autrement plus profond en Espagne où vivent aujourd'hui encore plus de 800 000 musulmans. Force est de le constater : la communauté musulmane espagnole est entourée de la plus grande attention et jouit d'une appréciable liberté religieuse, en comparaison avec la plupart des pays européens. La récente initiative du gouvernement Zapatero d'organiser une conférence internationale sur l'islamophobie (9 et 10 octobre), est assurément à inscrire dans ce sens. En tout cas, ce conclave de Cordoue nous a permis de mesurer combien la place de l'Islam et des musulmans dans la presqu'île ibérique est quelque chose de tout à fait exceptionnel. En 1992, date qui célébrait le 500e anniversaire de la découverte de l'Amérique pour les Espagnols mais qui, vue de chez nous, désignait celle de la fin du califat andalou avec la chute de Grenade, dernier bastion de la civilisation mauresque, en 1492, après sept siècles et demi de cohabitation, cette date devait s'imposer donc comme une année charnière dans l'histoire de la présence musulmane en Espagne. Dans une allocution remarquable prononcée à la conférence de Cordoue, Mariano Fernandez Bermejo, ministre espagnol de la Justice, s'est évertué à expliquer les efforts consentis afin d'améliorer le statut des musulmans dans son pays. «En 1992, dit-il, nous avons conclu un accord avec la communauté musulmane en même temps que les communautés juive et protestante.»
Un accord qui, souligne M. Bermejo, visait à consacrer définitivement la liberté religieuse en Espagne. «Cette liberté n'était pas assortie de garanties réelles jusqu'à la constitution de 1978 qui sera suivie de la loi organique de 1980 qui reconnaît la liberté religieuse comme un droit fondamental», ajoute-t-il. L'accord de 1992, développe le garde des Sceaux espagnol, revêt plusieurs aspects : inviolabilité des mosquées, exemption de l'imposition pour les lieux de culte musulmans, assistance religieuse au profit des détenus et des malades de confession musulmane, reconnaissance du mariage contracté selon la loi islamique, enseignement de la religion islamique dans les écoles, aussi bien publiques que privées, et la reconnaissance du droit pour les musulmans d'enterrer leurs morts, selon le rite musulman. «Cet accord a été appliqué en majorité. Il s'agit pour nous de ne pas considérer l'Islam comme la religion de l'Autre», dit M. Bermejo qui entonne : «Nous sommes fiers de la splendeur de l'Andalousie et nous l'assumons avec ses zones d'ombre et de lumière».
Le séisme du 11 mars
Les avis étaient divergents au Forum de Cordoue à propos de l'impact des attentats terroristes qui ont frappé l'Occident en plein cœur depuis le choc du 11 septembre sur l'image des musulmans en Europe. Pour Mariano Fernandez Bermejo, les sanglants attentats du 11 mars 2004, qui avaient fait 191 morts, n'ont pas sapé les liens qui ont toujours uni l'Espagne catholique et l'Islam andalou. «La condamnation des attentats par la communauté musulmane a fait que ces actes n'ont pas été suivis par un rejet systématique de l'Islam de la part de la société espagnole. Cela n'a pas suscité de panique, encore moins porté atteinte à la liberté de culte des musulmans», dit-il avant de faire remarquer que «l'Espagne souffre depuis trente ans du terrorisme.»
Le représentant du gouvernement Zapatero affirme que les attentats du 11 mars, loin d'avoir provoqué une «rétraction» de l'effort public à l'égard de l'Islam et ses fidèles ont, au contraire, poussé à prendre de nouvelles initiatives. La plus importante est sans doute celle de «l'Alliance des civilisations». Rappelons que ce concept a été lancé en septembre 2004 à l'ONU par José Luis Zapatero et vise à surmonter les préjugés qui ciblent les musulmans en faisant échec au paradigme belliqueux en vogue de «choc des civilisations» adopté par l'administration américaine. «Après les attentats, nous avons redoublé d'efforts en prenant de nouvelles initiatives comme le renforcement de l'enseignement islamique dans les écoles et la régularisation de la situation sociale des imams de manière à ce qu'ils soient traités au même titre que les prêtres.», dit le ministre espagnol de la Justice. Il ne manque pas de faire observer qu'entre-temps, la population musulmane en Espagne a sensiblement augmenté du fait de l'immigration. Il convient de noter sur ce chapitre que l'Espagne a connu un véritable boom démographique depuis la deuxième moitié des années 1990. Entre 2000 et 2005, le pays a enregistré le plus grand taux d'immigration du monde. Entre 2001 et 2006, l'Espagne a accueilli une moyenne de 600 000 personnes par an, selon une source. En 2006, 5 millions de personnes, soit 11% de la population espagnole, étaient de nationalité étrangère. Par ailleurs, un effort a été consenti sur le plan financier : «Auparavant, l'Etat donnait seulement à l'Eglise catholique à l'exclusion des autres confessions. Aujourd'hui, nous réfléchissons à de nouveaux mécanismes pour financer des projets relevant de l'intégration religieuse afin de promouvoir le pluralisme religieux», dit M. Bermejo.
Il cite à ce propos la fondation Pluralisme et convivialité dont l'Etat espagnol est le principal bailleur et dont 40% des fonds sont alloués aux communautés musulmanes, indique le ministre. L'un des projets à l'étude consiste à financer un nouveau manuel scolaire sur le thème «Découvrir l'Islam» qui se déclinera en castillan et en arabe. «Il s'agit de promouvoir des initiatives de dialogue pour édifier une société tolérante et pluraliste. Nous progressons lentement. Il y a l'attitude des médias et le discours tenu par certains intellectuels occidentaux sur l'Islam qui reprennent la rhétorique du choc des civilisations. Des publications qui seraient inacceptables si elles visaient une autre religion. L'Europe a vécu l'Holocauste car l'antisémitisme devenait un comportement social et intellectuel acceptables. N'acceptons pas de donner une légitimation intellectuelle à une islamophobie larvée», plaide avec ferveur le garde des Sceaux espagnol. Voilà donc un beau programme d'intégration, mais qui reste néanmoins entaché de quelques lacunes. Yusuf Fernandez, porte-parole de Junta Islamica, la plus importante association des musulmans espagnols, attire régulièrement l'attention des pouvoirs publics de son pays sur l'insuffisance des autorisations accordées pour la construction de nouvelles mosquées.
L'Espagne, affirme-t-il, n'en compte qu'une cinquantaine pour presque un million de musulmans. La Junta islamica réclamait également par le passé l'autorisation pour les musulmans de pouvoir prier dans la Mezquita de Cordoue transformée en cathédrale, une revendication que l'épiscopat espagnol a jugée irrecevable. Quoi qu'il en soit, la «Déclaration de Cordoue» qui a couronné la conférence sur l'islamophobie reste un bel hymne à la tolérance.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.