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Gnaoui. Une expression authentique et vivante : Danse, transes et sens
Publié dans El Watan le 03 - 07 - 2008

En effet, des milliers de subsahariens et notamment des Maliens, des Nigériens et des Guinéens, avaient été ramenés pour servir sur les différents chantiers du même empire en tant que menuisiers, forgerons, puisatiers, etc. Ces personnes, selon le journaliste marocain Mohamed Chenoufi, étaient la plupart du temps tenues en marge de la société. Cet isolement et leur dure condition les amenaient le soir, après une dure journée de travail, à se distraire. Ils organisaient ainsi des soirées entre eux où les sons du guembri, des karkabous et les danses qui mènent à la transe leur permettaient d'oublier leurs conditions, tout cela on invoquant Allah le Tout-Puissant et les différents saints auxquels se rattachaient leurs confréries.
Les premiers musiciens gnaoua de cette époque, tant en Algérie qu'au Maroc, étaient très connus, en tant qu'habiles musiciens, d'où leur popularité et les gens faisaient appels à leurs airs et à leurs couleurs pour animer les fêtes de familles et de longues nuits de transe à la fois mystique et thérapeutique. Cette pratique avait cours uniquement dans les milieux populaires, ce qui a permis au genre de faire son chemin et d'enrichir de manière profonde les traditions musicales du Maghreb, souligne la même source. Les premiers fondateurs de la confrérie des gnaoua sont des esclaves islamisés des groupes de bambaras, haoussas et autres ethnies africaines qui furent rejoints plus tard par des adeptes autochtones, Berbères et des Arabes, ce qui renforcera le rayonnement populaire de cette expression à travers le Maghreb avec une dimension religieuse marquée des chants et pratiques, qui avaient auparavant un aspect de rite païen. Ce métissage est palpable aujourd'hui à travers les textes chantés appelés «bordj» par les Gnaoua, car l'on y retrouve au plan linguistique de l'arabe dialectal, du berbère, du haoussa et d'autres langues africaines intraduisibles par les adeptes du gnaoui eux-mêmes, comme le signale Hanane-Aïcha Abdelmalek, professeur de français et chercheur en patrimoine populaire à l'université de Sidi Bel Abbès. Ces bordj ou trouha sont en réalité des vers dédiés às la gloire d'Allah, à ses prophètes et aux saints qui, aux yeux des gnaoua, sont avant tout les libérateurs des hommes de l'esclavage et de l'injustice.
Le répertoire originel du genre comptait plus de deux cent bordjs. Aujourd'hui, conséquence d'une déperdition patrimoniale grave, il n'en reste plus qu'une trentaine. Selon les règles du genre, ils se caractérisent par la progression hiérarchique et un ordre établi et immuable, précise la spécialiste.
Pour Abdelhalim Miloud Araou, journaliste, les premiers textes des bordjs cachent en vérité un chant engagé, relatif à la souffrance et à la malvie des adeptes de la confrérie lesquels, en implorant Dieu et son dernier Envoyé, ainsi que les saints tels Abdelkader Jillani, Moulay Brahim et bien d'autres, les gnaoua voulaient à travers les vers de leur chanson, emplis de métaphores et d'allusions, exprimer leur douleur et les conditions de vie lamentables qui les maintenaient durement en marge de la société. Cette dimension est particulièrement visible à travers certains bordjs. C'est le cas de celui intitulé L'Aafou (Le Pardon), ou encore Bouderbala et Jangari-Mama relatif à la famine. Il apparaît à la lecture de ces textes de bordj que les Gnaoua voulaient exprimer leurs souffrances d'une manière qu'eux seuls pouvaient comprendre. Ce recours à des symboles ou des codes se justifiait en raison des répressions qui les menaçaient. Abdelhalim Miloud Araou explique qu'à cette époque des sultans et émirs, dire la vérité crue pouvait exposer facilement à avoir la tète tranchée. C'est le caractère populaire et le cérémonial haut et en couleurs et danses de séances extatiques (transes) menées en groupe et surtout la nuit qui ont permis que cet art perdure de nos jours.
Tout au début, la confrérie était essentiellement constituée d'adeptes mixtes de race noire. Par la suite, des hommes et des femmes de race blanche se sont soumis aux règles de la confrérie et sont venus renforcer et diversifier ses rangs. Il serait intéressant que les historiens se penchent sur cet aspect pour déterminer si cette ouverture correspondait à un assouplissement de l'esclavage ou à d'autres changements socioculturels, voire à un désir de récupération ?
Une confrérie se compose d'un clan avec à sa tète un maâlem (ou maître), qui doit se distinguer par une grande connaissance et maîtrise des rites, de la musique et des danses et être, de plus, un virtuose du guembri, instrument de tête des cérémonies. Tout autour de lui, évoluent de dix à quinze joueurs de karkabou, un chanteur, un diseur, plus connu sous l'appellation de Koyo-Bango, des danseurs et une voyante. Le maâlem, qui est le véritable chef d'orchestre, occupe le centre de la cérémonie. Il joue du guembri, anime le rite de la possession et prépare les accessoires rituels la veille de la cérémonie, Il est aussi un fin connaisseur des techniques d'immolation de l'animal de sacrifice prévu pour la cérémoniel. Son statut de maâlem se transmet par filiation, élection, vocation, apprentissage, imitation et consécration.
Le maâlem, plus connu au Sud-Ouest algérien sous le titre du mokadem, dirige avec dextérité le cérémonial qui est en lui-même une véritable unité entre l'âme et le texte chantée lors de la séance de transe ou «hal» qui se déroule en début de soirée pour se poursuivre durant toute la nuit. Dans la philosophie des Gnawa, ces séances de transe auxquelles sont conviés beaucoup de malades a pour but la découverte de l'âme individuelle et collective, la découverte aussi des secrets de ce monde. C'est enfin une fuite du quotidien, connu et établi pour tendre vers le merveilleux et le fantastique. A partir de ces instants, le groupe et les membres de la confrérie entrent en transe et ce, grâce aux sonorités du guembri et des karkabous et surtout des textes ou bordj chantés en ces moments de grande sensibilité et de communion collective.
L'esthétique du texte, de la musique et de la danse crée au cours des représentations un sentiment de satisfaction, de bien-être, tant chez les membres de la confrérie que chez les spectateurs, du fait qu'en chacun s'opère une certaine sensation d'un état sublime porté par la beauté des rythmes et les sonorités des instruments. Selon A. M. Araou, la popularité acquise par cet art ces dernières années s'explique par son originalité et son profond ancrage dans la société maghrébine où cette expression musicale et chorégraphique évolue encore dans son milieu naturel. Cependant, de nombreux membres de la confrérie à Béchar et sans doute ailleurs, s'inquiètent de l'apparition dans la région du Maghreb et en Europe de versions nouvelles issues d'une instrumentation modernes des rythmes gnaoua. Si des mesures d'enregistrement et d'archivage des éléments de ce patrimoine immatériel ne sont pas prises rapidement, le phénomène risque d'affecter une sonorité et un style artistique qui ont résisté durant des siècles, demeurant partie intégrante de la culture et du patrimoine des populations du Maghreb. Il s'agit de mesurer ces risques et de veiller à ce que les créations contemporaines liées à un effet de mode n'altèrent pas le noyau originel de l'art gnaoui.
Parmi les grandes figures du gnaoui, on peut citer le maâlem Brahim Rezzoug, l'un des derniers grands maitres de la confrérie en vie. Ce personnage, âgé actuellement de 75 ans, se souvient encore des moindres détails du rituel des cérémonies de sa confrérie où il pratique le genre depuis son enfance. Pour lui, la musique gnaoui est un véritable répertoire rituel, fruit d'un métissage syncrétique d'apports culturels africains, de musique maghrébine et de culture maraboutique. Pour cela, elle doit être protégée et sauvegardée par les institutions spécialisées pour assurer sa promotion. On peut citer également une grande figure féminine du genre, à savoir Hasna El Bacharia considérée comme une individualité phénoménale en qualité de première maâlma de l'histoire de la musique gnaoui. Avec une carrière déjà longue de trente années, elle est désormais connue sur les scènes nationales et internationales. Elle s'est produite au Maroc, au Portugal, en France et en Egypte et sa carrière extraordinaire l'a poussée à vivre entre Béchar et Paris. Jusque-là, en effet, on ne connaissait pas de femme qui jouait des instruments et interprétait les chants de ce patrimoine. Héritière de l'art de son père, qui fut l'un des maâlems distingués de la confrérie de Béchar, elle a en quelque sorte effectué une petite révolution en prenant en main un guembri qu'elle utilise avec brio.
Si l'on considère que les femmes, au Maghreb mais aussi dans le monde, se sont toujours montrées plus aptes à conserver et transmettre le patrimoine traditionnel, c'est une nouvelle dimension qui s'ouvre avec elle. Une dimension d'espoir que vient renforcer la naissance, l'an dernier, du Festival national annuel de gnaoui qui est un tremplin appréciable pour promouvoir et préserver ce genre et lui donner la place qu'il mérite dans la diversité des genres musicaux en Algérie et au Maghreb.
Rendez-vous
La 2e édition du Festival international gnaoui d'Alger aura lieu du 6 au 11 juillet au Théâtre de Verdure du Bois des Arcades (Ryadh El Feth) sous le patronage de Mme la ministre de la Culture, Lakhdar Fillahi étant commissaire de l'évènement. Pour cette édition, le programme comprend une participation nationale et internationale diversifiée qui comprend toutes les latitudes du genre. L'Office Ryadh El Feth inaugurera pour l'occasion son tout nouveau système de sons et lumières de dernier cri. Plusieurs des artistes et présents animeront des masters class pour les musiciens algériens et amoureux du genre, tous les jours à 10 h à la salle Ibn Zeydoun où auront lieu également de 14 à 19 h des projections de films consacrés au gnaoui. Programme détaillé sur le site du festival www.algerfestivalgnaoui.com dont nous soulignerons le beau design et la richesse mais qui manque de certaines informations (historique et premier festival, légendes des photos, revue de presse…).


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