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Réflexion-Le théâtre africain en question : Sous le masque, le rite
Publié dans El Watan le 28 - 05 - 2009

Nombreux sont ceux qui ont cru voir dans les manifestations rituelles africaines des formes théâtrales accomplies. Comment évoquer la question de l'éventuelle présence de la pratique théâtrale en Afrique sans convoquer les diverses manifestations rituelles qui marquent la culture africaine ? Peut-on considérer les cérémonies rituelles comme des activités théâtrales ?
Avant d'aller plus loin, tentons de définir la notion de rite qui marque le paysage dramatique africain. Jean Cazeneuve la définit ainsi : « Le rite se présente alors comme une action conforme à un usage collectif et dont l'efficacité est, au moins, en partie, d'ordre extra-empirique. Il se révèle donc, avec toutes ses spécificités, dans les coutumes stéréotypées qui ne se justifient pas entièrement par une détermination limitée au monde naturel et qui font intervenir des rapports entre l'homme et le surnaturel. Rites magiques et rites religieux en sont ainsi les exemples les plus édifiants. » Le rite fait appel, dans la culture africaine, à des séquences et à des actes répétitifs, fondés sur des représentations symboliques qui convoquent des expressions dramatiques. Souvent, on confond rituel et sacré. Si on suit la logique d'Antonin Artaud, on devrait considérer ces formes comme des manifestations théâtrales parfaites, c'est-à-dire s'opposant au texte écrit et à la narrativité. Roland Barthes qui, contrairement à Artaud, ne répudie pas le texte, mais n'en fait pas un élément fondamental, définit ainsi la théâtralité : « Qu'est-ce que la théâtralité ?
C'est le théâtre moins le texte, c'est une épaisseur de signes et de sensations qui édifie sur la scène à partir de l'argument écrit, c'est cette sorte de perception œcuménique des artifices sensuels, gestes, tons, distances, substances, lumières, qui submerge le texte sous la plénitude de son langage extérieur. » La théâtralité est une notion ambiguë et complexe qui investit le théâtre de charges spécifiques marquées par la présence d'expressions redondantes, de multiples codes, de quelques acteurs, du geste, du corps et d'accessoires (voir notre ouvrage, Le théâtre en Afrique noire, itinéraires et tendances, Dar El Gharb, 2006). Antonin Artaud rejette l'idée que le théâtre soit prisonnier d'un texte écrit. Il s'explique ainsi : « Comment se fait-il qu'au théâtre, au théâtre du moins tel que nous le connaissons en Europe, ou mieux en Occident, tout ce qui est spécifiquement théâtral, c'est-à-dire tout ce qui n'obéit pas à l'expression par la parole, par les mots, ou si l'on veut tout ce qui n'est pas contenu dans le dialogue (et le dialogue lui-même considéré en fonction de ses possibilités de sonorisation sur la scène et des exigences de cette sonorisation) soit laissé à l'arrière-plan. » Ce serait un non-sens que de souscrire à l'idée de l'existence d'un théâtre de type européen en Afrique qui puiserait son organisation dans les spectacles rituels. L'idée d'Artaud nous semble peu opératoire. Mais il reste que le rituel demeure une activité sacrée et sociale qui ne correspond pas à cette idée de représentation « gratuite » qui constitue l'élément central de tout spectacle théâtral.
Il est vrai que le théâtre à Athènes était une véritable institution qui s'est imposée comme art autonome, après s'être libéré des liturgies religieuses et du culte de Dionysos marqué par de nombreuses manifestations rituelles. Mais les manifestations rituelles africaines diffèrent de celles de la Grèce Antique. Certes, elles renferment quelques traits du théâtre, mais sans pour autant en être. La désacralisation de ces formes ne donne pas nécessairement naissance à un théâtre de type européen parce que ces formes populaires africaines sont parfaites et obéissent à des considérations esthétiques et artistiques précises. De même, l'idée de Charles Béart, ancien directeur de la fameuse Ecole William Ponty, qui considérait que les formes rituelles, une fois désacralisées, se transformeraient en expression théâtrale, est très discutable sinon teintée de relents racistes. Ces rites et ces mythes, longuement analysés par Janheinz Jahn, fonctionnent comme des espaces sacrés. Il y trouve dans ses diverses investigations les thèmes principaux de la culture africaine : le muntu (l'homme), le kuntu (la modalité de l'image), le hantu (la catégorie du lieu et du temps), le nommo (la parole), la rumba (le rythme) et le vaudou (la foi). Il est souvent fait allusion à des récits mythiques. Mais il reste évident que la frontière entre les deux formes est quelque peu problématique. D'ailleurs, dans son ouvrage, Sociologie du théâtre (PUF, 1965), Jean Duvignaud l'explique ainsi : « Le cérémonial, la polarisation de l'étendue, la sélection d'une individualité privilégiée sont des points communs au théâtre et à la vie sociale. Mais ce sont aussi des frontières entre les deux domaines : la cérémonie sociale accomplit réellement un acte qui est différé et sublimé au théâtre ; la distribution des étendues sociales entre deux groupes, qui échangent croyances et rites, devient pour le théâtre la participation qui aide à créer une image de la personne… »
Le problème de la frontière entre l'événement vécu et le théâtre n'est pas toujours facile à résoudre. Des formes, comme le Kotéba par exemple, emploient de nombreux procédés qu'on trouve dans le théâtre. De nombreux auteurs africains abondent dans la sens d'Artaud. L'écrivain Djibril Tamsir Niane s'insurge contre ceux qui dénient aux formes africaines le statut de théâtre. Il oppose le texte écrit à l'oral et considère que les manifestations rituelles constituent en quelque sorte des espaces caractéristiques de l'expérience théâtrale. Pour Michel Leiris aussi, l'expression rituelle est un élément théâtral : « La possession en elle-même est déjà du théâtre puisqu'elle revient objectivement à la figuration d'un personnage mythique ou légendaire par un humain. Musique et chants employés pour évoquer les esprits sont en même temps les moyens de créer une ambiance et de susciter un enthousiasme dans l'assemblée. Quant aux danses, si on leur attribue une valeur curative dans la mesure où le zâr y trouve satisfaction, elles sont par elles-mêmes un divertissement et un spectacle. » (La Possession et ses aspects théâtraux chez les Ethiopiens de Gondar, Cahiers de l'homme, Plon, Paris, 1952) Leiris semble, à notre avis, trop prompt à mettre en évidence l'existence d'un théâtre de type européen sans tenter de montrer la genèse et la fonction des deux attitudes, rite et théâtre. L'acte rituel est marqué par sa sacralité. Il ne peut s'en libérer au risque de trahir sa raison d'être, son substrat originel. Le théâtre est avant tout spectacle, plaisir élaboré pour un public qui se déplace dans un lieu pour apprécier une œuvre donnée. Pour Hilda Kuper, (Incwala in Swaziland, African Arts, vol 1, N°3, p.90, cité par Alain Ricard, in Théâtre et nationalisme), il n'est pas du tout question d'assimiler théâtre et rituel : « Le rituel n'est pas le théâtre. Il instruit par la participation, non la distraction. Tout le monde doit participer dans un rituel, personne ne peut sortir ou trouver le sujet mauvais. Les participants sont le public. Bien que le rituel ne soit pas de l'art, il est une source d'art, de masques, de chants, de musiques et de danses. » L'expression rituelle n'est pas assimilable à la représentation théâtrale, elle se trouve être au milieu de l'expérience sociale. La charge symbolique est extraordinairement forte.
Les croyances, les fêtes et les diverses cérémonies, consacrant l'émergence de l'homme et la mise en œuvre de relations de l'Africain avec les dieux et les hommes, sont souvent célébrées par des rites cycliques. Les occasions de ces manifestations, liées notamment aux cultes des ancêtres et à l'univers originel, sont nombreuses. Les grands événements de la vie individuelle sont diversement ritualisés et obéissent à une sorte de mise en scène qui organise les espaces comme autant de lieux marqués par une socialité traversée par une inscription d'événements sacrés et de faits mythiques. Les marionnettes comme les rites de possession en témoignent bien. Les Baga, par exemple, en Guinée, célébraient, à une période donnée, la déesse de la fécondité, Nimba, incarnée par un masque de bois sombre porté par deux danseurs. Lors des fêtes des funérailles, les « acteurs » faisaient revivre certains éléments de la vie du mort. Les vodun et les oricha dans les cultes du Bénin fêtent leurs dieux en employant pour chacun d'eux une musique et une danse particulières. Le griot représente en quelque sorte l'acteur total qui joue, danse et raconte des récits tirés du quotidien et du passé. Les manifestations rituelles renferment des éléments de théâtralité. La « métamorphose », chère à Nietzsche, est évidente dans certaines formes africaines, notamment le Kotéba. Le griot, le conteur, les poètes dynastiques ou les chanteurs de kasala utilisent un certain nombre de traits qu'on retrouve dans le théâtre.
Ils sont à la fois poètes et acteurs, metteurs en scène et techniciens. L'acteur dans les manifestations rituelles, même s'il n'obéit pas aux mêmes critères que ceux du comédien, se transforme, change de peau et devient un autre. Le dédoublement de la personnalité est, dans le rite, une attitude religieuse, alors que dans le théâtre, elle se fonde sur des représentations d'ordres artistique et esthétique. Les récitations comme le mvet camerounais et le feng qui durent des journées entières font appel à des acteurs qui se transforment devant un public assidu en panthère, lion ou vieille femme. Durant les funérailles, certains « acteurs » reproduisent quelques épisodes de la vie du défunt. L'autochtone devient acteur, c'est-à-dire qu'il prend en charge les signes de sa propre représentation et met en branle un processus de dédoublement qui ressemble sensiblement à la « métamorphose » nietzschéenne. Ainsi, l'acteur se met à jouer devant un public. Il est vrai que le public participe à l'expérience rituelle et cultuelle. Les spectateurs deviennent eux-mêmes acteurs, c'est-à-dire traversés par le mouvement dramatique. Dans certaines situations, ces expériences, proches de celles décrites par Antonin Artaud, participent de l'organisation sociale. La présence des autochtones est obligatoire, sous peine d'excommunication du groupe. On « joue » sa propre destinée. La dimension spectaculaire est vécue comme faisant partie de la culture de l'ordinaire. C'est l'ici et le maintenant qui marque ces actions. Le mythe caractérise la réalité de la manifestation. Ce qui marque ce « jeu » social, c'est la dimension cathartique, fondamentale, qui est purificatrice et stabilisatrice. De nombreuses formes populaires utilisent le procédé du canevas dramatique, qui constitue l'élément essentiel de la Commedia dell'Arte par exemple. La présence d'aspects théâtraux dans les manifestations rituelles et cultuelles ne nous permet nullement d'avancer que ce type de structures engendrerait une activité théâtrale de type européen.


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