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La Guerre d'Algérie française de Patrick Buisson
Publié dans El Watan le 13 - 12 - 2009

Que dirait-on d'un livre sur la guerre de 1954-1962 qui serait illustré uniquement avec les photos du FLN ? Qu'il s'agirait d'apologie, non d'histoire. Rien dans le titre ne dit qu'il s'agit de la guerre vue par le service photographique des armées : circulairement, l'armée raconte l'Algérie dont elle a rêvé, et fait encore post-bellum rêver l'auteur. L'album est un bréviaire de l'esthétisme légionnaire/para, un péan nostalgique au temps viril guerrier. En dépit de la suppression de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, il magnifie l'Algérie française et réhabilite le fait colonial. Cela avec les thèmes de prédilection récurrents du nationalisme français : protéger la France des étrangers menaçants, défendre une armée française, celle de l'affaire Dreyfus, des fusillés pour l'exemple de 1914-1918, de la répression du peuple algérien en lutte pour son indépendance, alors que «l'Algérie n'était pas une colonie, mais la France prolongée jusqu'au Sahara». Les maux du système colonial, extorsion de biens par la violence conquérante, crimes de guerre, racisme structurel, œuvre scolaire dérisoire (…), sont engloutis sous le «déferlement de violence» du seul FLN. Les légendes des photos sont autant de poncifs pompeux de «nostalgérie» coloniale, non des outils de compréhension et de réflexion. Les «autochtones» n'ont belle figure que sous la tutelle de la France. Face aux wilayas terrorisantes, «le glaive et la truelle» des SAS : main droite répressive et main gauche humanitaire du scoutisme dérisoirement tardif, en contretemps de l'histoire qui se faisait. Le mai 1958 de l'Algérie française est célébré pour les «fraternisations du forum», mais sur la photo relatant la manifestation de fraternisation du
16 mai 1958, quasiment tous les visages des Algériens sont fermés et inquiets. Une fois l'ange gardien français déchu, c'est en 1962 «l'horreur généralisée». On déboulonne les statues et «on rembarque la casquette du "père Bugeaud". Avec elle, cent trente ans de présence française en Algérie, pour le meilleur et pour le pire». Avec pour épilogue, «les hommes bleus et l'or noir», nostalgie exotique du Sahara et richesse pétrolière française bradée en naft arabe. Dès lors que le FLN a gagné la partie que les Français en sont partis, l'«apocalypse» de 1962 change radicalement l'Algérie, ce pays dont les photos militaires faisaient un paradis au ciel bleu et au soleil permanent ne découvre la neige, la pluie et le froid qu'au chapitre 13 (la France perd la paix) : le temps a changé lorsque les Français sont partis. C'est peu subtil, mais bien à l'unisson de toutes les grosses astuces de l'album. Avec ses photos fabriquées, c'est une resucée de l'action psychologique. Les barrages électrifiés aux frontières, une nécessité vitale incontournable.
Aucune réflexion sur les systèmes clos dont la clôture signe à terme, toujours, la disparition. Les occasions manquées, peu souvent tentées en temps utile, ne sont quasiment pas évoquées. Pas un mot sur la conférence franco-maghrébine de Tunis que l'interception de l'avion des quatre dirigeants du FLN, le 22 octobre 1956, fit avorter sans retour. Inconnu, le secrétaire d'Etat de Guy Mollet, Alain Savary, qui s'y était engagé pour trouver, à cette guerre, une issue politique négociée et qui dut démissionner, désavoué par son lâche gouvernement. L'appareil militaire ne cultivait pas cet art du possible qu'est la politique, il voulait mater. A l'inverse, au lieu de promouvoir «l'intégration», de Gaulle, renieur des «promesses tenues», se lance dans l'autodétermination au moment où la France gagne la guerre, d'où l'inévitable «vide moral et idéologique» de «la France de l'hexagone».
L'album oppose, en catégories tranchées, eux et nous. Eux sont les fellaghas, les rebelles sans guillemets. A la différence des soldats français, seule la violence des Algériens est mentionnée. Seules les victimes européennes sont signalées, jamais lorsqu'elles sont «autochtones», même si celles-ci furent bien plus nombreuses que celles-là. Page 111, un «rebelle», accompagné de guerriers en tenue léopard, est debout, les mains ligotées derrière le dos et reliées à un licol qui l'attache à la ceinture du soldat qui le surveille, un animal en laisse. Les pages suivantes montrent de vaillants blessés, magnifiquement soignés, un mort auquel on rend les honneurs, les chevaliers contre des animaux. Erreur de jugement ? Non, grosse ficelle : l'album ne montre qu'une splendide armée, équipée des moyens les plus modernes, jeune, combative, une armée de gagneurs. Face à Massu, et surtout Bigeard, héros omniprésents, sur plus de 400 photos, seulement deux des responsables algériens, le chef historique Ben Bella et Yacef Saâdi, et encore, bien sûr, après leur arrestation. Le lecteur ne saura rien ni des combattants de l'ALN ni des vrais politiques du FLN. Côté français, la seule photo de pleine page que le livre propose du général de Gaulle est la plus laide qu'on puisse choisir. Le livre réitère le poncif sur les accords d'Evian qui n'ont pas été appliqués, sans dire que les politiques du FLN qui les avaient conclus et voulaient les appliquer ont été chassés du pouvoir, à l'été 1962, par l'appareil militaire de l'armée des frontières, l'état-major général dirigé par Boumediène. Reste «la discrimination positive avant la lettre» du plan de Constantine, l'«intégration», «avec son abandon, en pratique, lorsque de Gaulle lance dans sa conférence de presse, du 16 septembre 1959, le mot "autodétermination"», une chimère ? Eux étaient si différents de nous que nous ne pouvions les comprendre. La question cruciale «que pense, que veut la population musulmane ?» est un aveu implicite d'une évidence : le peuple algérien fut bien globalement à l'unisson du combat du FLN. Inéluctable ? Si, pour l'auteur, «"l'inéluctabilisme" est le péché des historiens», il reconnaît in summa que «les possibles de l'Algérie étaient en nombre réduit et la "pacification-intégration" sans doute le moins probable de tous». Dont acte. Mais alors, pourquoi s'être échiné à commettre un tel livre quand il est établi que les non civilisés refusèrent de se faire civiliser ?
L'album de Buisson, au diapason de la guerre psychologique française de
1954-1962, est à l'unisson de la campagne orchestrée pour exalter «l'identité nationale», Buisson-Besson, les deux octobasses du te deum, sont en harmonie, ils nient que l'identité soit autre chose qu'une suite d'identifications mouvantes et multiples. Enfin, si de mauvaises langues ont traité Buisson d'expert en surtraitance des sondages élyséens, ce qui est extrait du congélateur guerrier est décongelé dans la médiatisation rentière : le livre, coédité par Albin Michel, la chaîne Histoire et par deux institutions du ministère de la Défense – de l'Etat, de la puissance publique française – s'inscrit dans la privatisation publique.
Scoop publicitaire encensé et officiellement recommandé sur le site du secrétariat d'Etat aux Anciens combattants, il est fait pour être vendu. En tout cas, son esthétisme colonial-guerrier à sens unique est de nature à décourager un peu plus la réflexion en général et les historiens en particulier, jamais convoqués dans la prose de Buisson. Bref, le public aura du mal à trouver un livre avilissant autant la dimension historique de la colonisation, produit avec une telle suffisante légèreté et aussi peu de vergogne.
|N. B. :
Ce texte sera également publié dans
l'hebdomadaire français Réforme|


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