En Côte d'Ivoire, le journal le plus lu est un journal… de bandes dessinées ! Gbiche (c'est son nom) fête cette années ses 10 ans et deux millions de lecteurs. Dix années que les fondateurs, une dizaine de dessinateurs dont Mendozza et Zohoré, n'ont pas passé à buller… « Avant la crise politico-militaire, nous tirions à 35 000 exemplaires, explique Mendozza. Mais depuis que le pays est coupé en deux et que le journal n'arrive plus au Nord, le tirage a chuté à 20 000 exemplaires. » Comme partout en Afrique, le dessin n'a jamais été très valorisé en Côte d'Ivoire. Plus jeunes, captivé par la magie des Spirou, Astérix et Blake, Mendozza s'inscrit à l'Ecole des beaux-arts d'Abdijan et commence une carrière dans l'enseignement à 25 ans. Jusqu'à ce que Zohoré l'entraîne dans l'aventure Gbiche. « A l'époque, on nous prenait pour des fous ! Personne n'y croyait et ne comprenait pourquoi je quittais un emploi dans la Fonction publique qui m'assurait un salaire régulier. » En 1999, les fondateurs de Gbiche jettent aussi les bases d'une association, Tache d'encre, destinée à animer des ateliers pour former de nouveaux dessinateurs. Puis a suivi Coco Bulles, le premier festival de BD, organisé tous les deux ans. « Mais depuis la crise de 2005, nous avons beaucoup de mal à trouver des financements, confie Mendozza. Même la francophonie ne veut plus nous aider parce qu'elle nous considère comme "un pays à risques". » Dans un pays où la quasi moitié de la population vit avec moins d'un euro par jour et ne peut donc pas s'acheter d'albums ni même de journaux (ils se louent), le succès de Gbiche, à moins de 50 DA, ne tarde pas. Aujourd'hui, l'entreprise qui compte une quarantaine d'employés fonctionne avec un gérant. Pour faire face aux difficultés économiques consécutives à la crise politique, et au lieu de licencier, tout le monde a accepté de diminuer son salaire et de se mobiliser sur de nouveaux projets susceptibles de faire entrer de l'argent. Depuis un an, un nouveau titre, Le Kpakpat plus satirique, fonctionne sous l'œil critique du Comité national de la presse. « Et puis nous réfléchissons aux moyens de faire fructifier l'entreprise via des produits dérivés : bande dessinée, entreprise de dessin animé, adaptation de personnages à la télé… pour que le dessin soit enfin vu différemment. »