La présence de thonidés dans le golf d'Arzew aura permis à Ali El Beggar, le jeune patron du Hadja Fatma, un sardinier de 20 m, de renouer avec les périodes fastes dont peu de marins ses souviennent. En effet, alors qu'il naviguait au large de Stidia, le sonar se mit à signaler une présence de poisson. La taille du banc de poissons fit crépiter les aiguilles du sonar de bord. Sur le petit écran, une large et profonde tache noire fera écarquiller les yeux du patron de pêche. Très vite le filet de plus de 600 mètres est déployé et aussi vite fermé afin d'empêcher les gros poissons de s'éclipser, comme cela arrive souvent avec les thonidés. Cette première prise aurait atteint 80 quintaux. Il s'agit d'une variété de thon peu présente dans nos eaux. Pour Ali El Beggar, il ne fait aucun doute, il s'agit bien d'un petit thonidé appelé communément Bacoretta. Dans leur quête du banc d'Albacore, Ali nous informe avoir croisé des bancs de thon blanc qu'il ne parviendra pas à capturer, malgré plusieurs tentatives. Très vigilant, le thon perçoit très vite le danger, si bien qu'en l'espace de quelques minutes, les centaines de gros poissons parviennent à quitter la petite nasse avant sa fermeture. C'est pourquoi, le hardi patron de pêche se retournera vers les bancs d'Albacore toujours présents dans le golf. Poursuivant rageusement des bancs de juvéniles anchois dont ils se gavent abondamment, les thonidés se laissent encore une fois surprendre par le lourd filet dont l'envergure atteint 660 m de long et pas loin de 80 m de profondeur. Après, tout dépend de la dextérité du patron et de la vigilance des marins qui s'activent à fermer la nasse à l'aide des treuils. Toute précipitation ou fausse manœuvre fera échouer l'opération. C'est pourquoi Ali El Beggar choisit scrupuleusement son équipage. Plusieurs jours de suite, le nouveau port de Salamandre, encore en chantier, a été envahi par les centaines de badauds et les rares mareyeurs qui sont venus prendre possession du précieux poisson. Des camions frigos se relayent pour charger la cargaison dont une partie est convoyée jusqu'à Béjaia où se trouve l'unique transformateur national encore en activité. Impuissance des sardiniers Vendu sur place à 170 DA/kg, le poisson sera cédé à plus de 500 DA à travers les marchés de détail. Les marins pêcheurs, qui ne cachent pas leur joie, espéraient que, pour une fois que l'abondance est là, il serait naturel que les transformateurs donnent la primauté à la production nationale. Un vieux pêcheur dira qu'au vu de l'abondance d'alevins dans la région, il est possible que l'Albacore soit encore disponible pour plusieurs semaines. Malheureusement ces gros poissons ne laissent aucune chance aux sardiniers équipés en filets conventionnels. Seuls les filets à thon, plus robustes, peuvent supporter la pression de ces véloces poissons. L'embellie pourrait durer encore pour les marins du Hadja Fatma. Pour les sardiniers ce sont les avaries ruineuses qui dissuadent les patrons de pêche. Car, très vite, la grande majorité des sardiniers – le port de Mostaganem en compte près de 80, dont plus d'une vingtaine sont en inactivité – tenteront de pêcher l'Albacore. Bien mal leur en prit puisque, dans leur quasi-totalité, ils s'en tireront avec d'énormes avaries qu'ils mettront plusieurs jours à réparer. A la poursuite de l'Albacore En effet, les filets à sardine étant très fins, les petits thonidés n'éprouvent aucune peine à les transpercer, laissant des trous énormes. Très vite, les sardiniers abandonneront la partie, laissant le Hadja Fatma seul face à une manne inespérée. Régulièrement, depuis 2 semaines, il sillonne la mer entre la pointe de l'Aiguille au Nord-ouest d'Arzew et Kef Lasfar, non loin de Petit Port, à la poursuite de l'Albacore. Ils sont quelques armateurs à déplorer l'inertie de la tutelle qui freine l'acquisition de thoniers. Après avoir fait perdre au pays son quota annuel de 680 tonnes de thon au titre de 2011, le ministère de la Pêche continue de faire la sourde oreille aux rares opérateurs susceptibles de faire profiter le pays d'une embellie prometteuse. Car, selon plusieurs témoignages, la présence de l'Albacore en si grande quantité aura également attiré les gros thons blancs et rouges qui viennent compléter la chaîne alimentaire. Malheureusement, ce ne sont pas les quantités dérisoires rapportées par un seul bateau qui feront baisser le prix du poisson.